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Prix Anne Saddlemyer 2013 R. Darren Gobert - gobert@yorku.ca Mention d’honneur : Virginie Magnat - virginie.magnat@ubc.ca R. Darren Gobert, The Mind-Body Stage: Passion and Interaction in the Cartesian Theater (Stanford: Stanford UP, 2013) Mention d’honneur : Virginie Magnat, Grotowski, Women, and Contemporary Performance: Meetings with Remarkable Women (NY and London: Routledge, 2014). L’ouvrage élégant et persuasif de R. Darren Gobert intitulé The Mind-Body Stage: Passion and Interaction in the Cartesian Theater constitue une réalisation savante et stylistique de haut calibre que les membres du jury du prix Ann Saddlemyer sont heureux de couronner cette année. Gobert propose une incursion féconde dans le débat historique et contemporain sur la relation complexe qu’entretiennent le théâtre et la philosophie. Il démontre d’abord que les chercheurs en théâtre ont accordé trop peu d’importance à l’influence de Descartes sur l’évolution du théâtre, et ensuite, que les philosophes ont de leur côté généralement négligé l’influence et la réception de la pensée de Descartes au sein de la communauté culturelle. L’apport de ce livre est significatif pour les études théâtrales et de la performance, de même que pour le discours émergent sur la philosophie de la performance. La couverture archivistique et théorique complète de Gobert montre le manque de véracité présidant à notre vision réduite de la pensée cartésienne pourtant dominante, laquelle établit une relation tordue entre l’esprit et le corps. La correspondance entre Descartes et Elizabeth de Bohême est présentée comme l’élément déclencheur d’un mouvement réflexif sur l’interaction entre corps et esprit, qui mena Descartes vers la fin de sa vie à réduire de plus en plus le corps à une connexion épistémologique. Le ballet et le théâtre sont perçus comme les lieux de prédilection où se manifeste la capacité du corps de générer des expériences et des souvenirs heureux. L’analyse précise de l’influence qu’a eue Descartes et son changement de paradigme sur l’écriture dramatique est relevée dans l’œuvre de Corneille et de John Dryden. L’auteur montre que l’apport significatif de Descartes à la réflexion sur le jeu s’est répercuté dans l’écriture de toute une école de pratiques théâtrales et performatives en France et en Angleterre, et par extension de toute une école de pensée de l’architecture théâtrale en Europe. En somme, le texte est un modèle de recherche bien ficelée, intelligente et convaincante, qui servira certainement dans plusieurs champs d’étude. Mention d’honneur : Le livre de Virginie Magnat Grotowski, Women, and Contemporary Performance: Meetings with Remarkable Women est le résultat d’un projet de recherche aussi capital qu’à propos. Faisant suite à l’interruption de la transmission patrilinéaire de l’influence par la théoricienne du théâtre Sharon Carnicke et à la prise de position corollaire de Maria Knebel à titre « d’héritière » légitime de Stanislavski, Magnat concentre son attention sur des femmes déterminantes de différentes générations qui ont été en lien direct avec le travail de Grotowski. En tant que praticienne formée en performance dans la tradition grotowskienne, Magnat manipule une gamme de méthodologies significatives tirées de l’ethnographie de la performance afin de présenter un portrait intime et captivant de femmes qui acceptèrent et bonifièrent l’invitation de Grotowski à voir la performance comme un lieu privilégié d’expériences humaines où la vie peut se manifester dans sa plus large expression. Profondément ancrée dans le contexte canadien contemporain, Magnat navigue dans l’amalgame composite de l’indigénat, de la pratique performative féministe et grotowskienne; cela lui permet d’imaginer d’éventuelles pratiques performatives pouvant, à l’instar du travail de Grotowski, s’appuyer sur des pratiques « traditionnelles » sans pour autant perpétuer les formes colonialistes d’appropriation et d’abrogation de l’expression autochtone. Par une superposition intelligente des contextes et des interconnexions entre pratiques et praticiens, notamment Iben Nagen Rasmussen, Ewa Benesz et Katharina Seyferth, Magnat expose les étapes vers ce qu’elle décrit comme une « écologie du corps dans la vie ». Un ensemble complexe et déclaratif de pratiques de ce type fusionnerait le rite et la performance pour permettre à la rigueur, à l’audace et au sens poétique des femmes que Magnat présente de déclencher un nouvel élan de transmission de la performance, un élan susceptible de répondre, voire de correspondre, aux défis environnementaux mondiaux issus de l’idéologie patriarcale auxquels nous faisons face. |