Rôle du médecin généraliste dans le dépistage des nouveaux troubles du comportement alimentaire, par Ziyad Bourgou Animateurs de l’atelier : K. Dambielle, M. Hanachi, P. Santana
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) renvoient à des anomalies qualitatives et/ou quantitatives des conduites alimentaires, sans étiologie organique retrouvée et dont les causes sont psychologiques. Ils recouvrent essentiellement l'anorexie mentale et la boulimie. Les fréquences de l'anorexie mentale et de la boulimie sont respectivement de 0,9% et 1,5% des femmes. La prédominance féminine est nette ; le sex-ratio est de neuf cas sur dix. L'âge moyen de début des symptômes se situe entre 14 et 18 ans pour l'anorexie et 17 à 21 ans pour la boulimie. Alors que 5% des personnes souffrant d'anorexie mentale en décèdent à long terme, seule la moitié des patients sont pris en charge. Aux complications somatiques des TCA s'ajoutent des conséquences majeures sur l'adaptation sociale. Dépister et traiter ces troubles précocement est donc essentiel. C’est pourquoi dans le prochain plan que présentera l’HAS sur la prise en charge des TCA, le médecin généraliste occupera une place centrale. Le Binge Eating Disorder (BEA) "compulsion alimentaire isolée", correspond à des accès boulimiques sans stratégie de contrôle de poids. C’est une forme atténuée de TCA individualisée depuis quelques années. Cette forme de TCA est deux à trois fois plus fréquente que l’anorexie ou la boulimie. Sa prévalence est estimée à 5%. Le BEA concernerait 60% des femmes et 30% des hommes consultant pour obésité. Le Night Eating Syndrome est également un trouble du comportement alimentaire décrit depuis quelques années. Il n’est néanmoins pas répertorié dans le DSM IV. Il correspond à l'ingestion de plus de 60% des calories d'une journée entre 20h et 6h, et est le reflet d'une souffrance psychologique. Sa prise en charge est psychiatrique sans suivi diététique associé. Son diagnostic est difficile, du fait du déni de l’ingestion nocturne d’aliments par le patient. Les signes de gravité de l'anorexie mentale sont à rechercher en consultation : un indice de masse corporelle inférieur à 14, une tachycardie de repos supérieure à 60 battements par minute et un risque suicidaire. La prise en charge doit alors être rapide. Une hospitalisation à la demande d'un tiers peut être nécessaire face au déni de la gravité induit par ce trouble psychiatrique. Faire un dépistage précoce est un enjeu majeur, et c’est le rôle de médecin généraliste. Ce repérage s'effectue au sein des populations à risque : adolescentes, femmes jeunes, mannequins, danseurs, sportifs. Il existe des outils simples de dépistage. La recherche de cassure des courbes de croissance et le calcul de l'indice de masse corporelle doivent être systématiques. Des questions simples peuvent être utilisées : "Avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ?", "Est-ce que quelqu'un dans votre entourage pense que vous avez un problème avec l'alimentation ?". Des questionnaires plus élaborés sont disponibles, le questionnaire DFTCA est le plus répandu. Un dépistage précoce pourrait aider à prévenir une évolution grave et le risque de risque passage vers une forme chronique, ainsi qu’à éviter des complications somatiques, psychiatriques et psychosociales. La prise en charge des TCA fait intervenir au moins un somaticien et un psychothérapeute. Le médecin traitant remplit souvent le rôle de somaticien. Il coordonne les soins et aide le patient à accepter ceux-ci sur la durée. Le généraliste intervient donc à la fois dans le suivi et dans le dépistage. La prévalence des TCA est souvent sous-estimée mais leurs conséquences en terme de morbi-mortalité sont considérables comparativement à la population générale du même âge. Le dépistage précoce améliore le pronostic et diminue la durée d'évolution. La formation des médecins à la détection et au traitement de ces troubles est nécessaire.
Ziyad Bourgou
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