Compléments alimentaires et vitaminiques : utiles, inutiles ou dangereux ? par Nicolas Rips Animateurs de l’atelier : L. Coblenz, P. Grunberg
Les compléments alimentaires ont représenté en 2008 un marché d’un milliard d’euro de chiffre d’affaire en France, dont 170 millions d’euro pour l’allégation « minceur ». L’importance de ce chiffre doit nous interpeller. En tant que médecins généralistes, nous devons savoir donner des réponses aux questions de plus ne plus nombreuses sur ce sujet.
Les compléments alimentaires sont définis par leur allégation qui peut être nutritionnelle (teneur en tel ou tel nutriment), fonctionnelle (tel nutriment participe à maintenir un état de santé ou un paramètre biologique mais sans faire référence à une maladie) ou relative à la réduction d’un risque de maladie. L’allégation « réduction d’un risque » nécessite une validation préalable par l’Agence française de sécurité sanitaire (AFSSA). Les allégations thérapeutiques sont interdites. Contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires ne font pas l’objet d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Les compléments alimentaires ont une biodisponibilité modifiée par rapport aux nutriments auxquels ils correspondent. Il existe un guide « Vidal » des compléments alimentaires, et depuis 2009, une pharmacovigilance. Les apports nutritionnels conseillés (ANC) représentent la quantité suffisante des différents nutriments nécessaires à assurer la couverture de l'ensemble des besoins physiologiques de chaque être humain. Ces apports sont estimés pour les macro nutriments (protéines, lipides et glucides) et les micro nutriments (vitamines, minéraux et oligoélements). Ils sont calculés par l’AFSSA à partir de données statistiques. Les compléments alimentaires sont utiles dans certaines situations cliniques. Un âge supérieur à 70 ans peut nécessiter des compléments alimentaires. Au cours de la grossesse, il est conseillé de supplémenter en vitamine B9 (avant la grossesse et pendant les 2 premiers mois), en Fer, Calcium et Vitamine D. La femme ménopausée peut nécessiter des apports supplémentaires en Calcium et Vitamine D. Divers régimes peuvent entraîner des carences : les régimes amaigrissants, les régimes particuliers type végétalien ou macrobiotiques, les régimes monotones sans fruits ni légumes. Il faut également penser à proposer du fer aux enfants en situation de précarité, et de la vitamine D aux nourrissons. Le jus de Cranberry peut être utile dans les infections urinaires récidivantes. Les compléments alimentaires sont par contre inutiles dans d’autres situations cliniques. Il n’est pas utile de prescrire de la vitamine C en cas de grippe. Il est dangereux de doper les sportifs à la créatine. Le lait de croissance n’est plus utile après 1 an et le fluor n’est pas nécessaire avant 6 mois. Les compléments alimentaires peuvent même s'avérer dangereux quand ils sont commandés sur Internet ou quand ils sont consommés en mégadose (dose supérieure à deux fois les apports nutritionnels conseillés). La prise continue d'anti-oxydants augmenterait le risque relatif de cancer de la prostate. Certains compléments alimentaires peuvent être contaminés par d'autres substances dangereuses (anabolisants présents avec la créatine).
En pratique courante il faut retenir que les compléments alimentaires sont inutiles chez les personnes non carencées. Le médecin généraliste doit s'efforcer de diffuser les recommandations nutritionnelles du plan national nutrition santé (PNNS), c’est à dire, consommer des glucides complexes ( céréales et féculents) à chaque repas de façon variée et adaptée à l’appétit, prendre trois produits laitiers par jour, cinq portions de fruits ou légumes différents par jour (une portion de fruit équivaut à une poignée), du poisson deux fois par semaine. Son patient doit également limiter les apports en acide gras saturés, éviter les édulcorants qui augmentent l’appétence pour les produits sucrés. Le médecin doit aussi conseiller de pratiquer un exercice physique régulier par exemple marche rapide 15 minutes par jour. Les compléments alimentaires ne peuvent en aucun cas remplacer une alimentation équilibrée. Ils ne sont utiles qu’en complément en cas de carence clairement définie.
Nicolas Rips
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