Alimentation du patient en cours de traitement pour cancer, par Thibaut Spire Atelier animé par T. Cartier, JC. Citée, M. Djouab, JC. Melchior
La nutrition du patient atteint de cancer est un problème fréquent en médecine générale souvent mal connu des jeunes médecins. On interroge rarement le malade sur le déroulement de son alimentation. Or, chez ces patients très affectés au plan psychologique par leur maladie, l’alimentation est l’un des principaux plaisirs au quotidien. Les traitements altèrent la fonction alimentaire du patient. Le cancérologue prend en charge la dénutrition à la fin du traitement et le généraliste est impliqué à tous les stades de la maladie. En tant que spécialiste en soins primaires, il se doit d’anticiper les questions de son patient et l’informer des risques des troubles alimentaires. La dénutrition fait partie du tableau d’altération de l’état général consécutif au cancer. Elle peut nécessiter l’arrêt d’un traitement. Un trouble de l’alimentation peut également révéler un cancer. L’entourage et le personnel de soins participent à la prise en charge de la dénutrition du patient cancéreux. De nombreux réseaux sont impliqués dans l’alimentation au cours du traitement du cancer. Au plan général, le cancer étant anabolisant, il faut augmenter la ration protéique en prenant un déjeuner riche en protéines, privilégier les féculents le soir et consommer également des protéines au petit déjeuner. Des douleurs, des troubles du transit, peuvent être la cause ou la conséquence d’un cancer ou de son traitement. Des douleurs abdominales peuvent être à l’origine de dénutrition. Des troubles du transit peuvent être limités par un régime adapté pauvre en fibres et par des anti-diarrhéiques. La radiothérapie de la région cervicale ou œsophagienne peut entrainer des troubles type dysphagie ou dysgueusie. Les familles doivent en être informées car cela peut conduire à une modification des habitudes alimentaires du foyer. La chimiothérapie est souvent émétisante. Il faut baisser l’alimentation avant la perfusion, privilégier le petit déjeuner, prendre des antiémétiques et bien s’hydrater. Pour les mucites et les aphtes il faut privilégier les aliments liquides et froids qui ont un effet antalgique modérée. La chirurgie nécessite une prise en charge nutritionnelle comparable. Les colostomies ou gastrostomies d’alimentation évitent la dénutrition en post-opératoire. Il faut aider le patient à acceepter de vivre avec une stomie digestive. Une hormone découverte récemment, la ghréline, est secrétée par l’estomac. Elle possède un effet orexigène. Si l’estomac n’en produit plus pour des raisons tumorales ou post-chirurgicales, le patient aura du mal à reprendre son poids.
Le médecin doit pouvoir répondre aux principales plaintes du patient.
En cas de perte d’appétit , il peut proposer d’augmenter le nombre de repas quotidiens : prendre plusieurs fois par jour des petites quantités d’aliments caloriques, s’ouvrir l’appétit par l’exercice physique et arrêter le tabac. Le patient doit manger à distance des traitements et bien se rincer la bouche. Généralement il est atteint de troubles thymiques réactionnels , il doit donc éviter de prendre ses repas seul. Pour stimuler l’appétit, le médecin peut aussi proposer des corticoïdes, la médroxyprogestérone ou des antidépresseurs (miansérine, anti-sérotoninergiques).
En cas de perte de poids, il est conseillé de consommer des aliments à haute valeur énergétique (matières grasses, aliments riches en graisse et sucre), d’augmenter la teneur en protéines des repas (laitages, ajout de lait en poudre, fromages, jambon, œufs), de prendre des compléments nutritionnels 2h avant le repas ou en dessert et à consommer lentement. Il existe beaucoup de compléments nutritionnels en pharmacie, certains sont remboursés s’ils sont prescrits sur la base de la LPPR et d’autres sont chers. De nombreux réseaux aident les patients à les acheter.
La prise de poids est souvent associée à la prise de corticoïdes. Il faut respecter le régime hyposodé, hypoglucidique et hypolipidique et rétablir une prise alimentaire régulière de 3 repas par jour. Les troubles digestifs doivent être pris en compte. Les nausées et les vomissements peuvent être limités en éloignant dans le temps la prise alimentaire de la prise des traitements. Il faut aussi d’éviter les laitages, de privilégier les aliments lisses, épais et froids. La diarrhée se soigne par réhydratation, traitement et régime anti-diarrhéique et en cas de constipation, conseiller des aliments riches en fibres sauf si obstruction intestinale. Les troubles de la déglutition (dysphagie et dysgueusie) nécessitent de limiter les risques de fausses routes en fractionnant les repas, modifiant les textures ; il faut également éviter les aliments épicés, boire à la paille et traiter les mucites, aphtes ou mycoses par des soins locaux. Les pathologies buccales se traitent par bicarbonates, Lansoyl® ou Bioxtra® (substitut salivaire, eau de vichy®, brossage des dents et brumisateur pour la bouche sèche. Pour la bouche sale, nettoyer les muqueuses à l’aide de Coca-cola®, jus d’ananas ou d’eau oxygénée. Le mélange bicarbonates/antifongiques est contre-indiqué car source de résistances microbiennes. Les aphtes se traitent par tamponnement par Ulcar® ou aspirine. Le médecin doit donc adapter l’alimentation au stade du cancer et à son traitement. Changer de régime en s’aidant d’un diététicien peut parfois limiter la consommation de médicaments.
Thibaut Spire
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