Casablanca L’urbanisme de l’urgence
Abderrahmane RACHIK
Janvier 2001 Table des matières Introduction …………………………………………………………………….… 2
Chapitre 1 De la stratégie urbaine coloniale ………………………………………………… 8
A- Intervention coloniale et formation d’une ville moderne …………… 8
La première planification urbaine …………………………… 9
Ségrégation socio-spatiale entre « indigènes » …………….… 14
Politique urbaine et politique hygièniste .…………………… 22
B- Une nouvelle gestion urbaine des urgences ………………………… 29
Une nouvelle production architecturale et urbanistique ……. 32
Une conception humaniste et fonctionnelle de la ville …. 33
Les nouvelles formes d’habitat urbain : le vertical et l’horizontal . 34
Mise en cause de la planification urbaine ………………… 38
La « ceinture » rouge ………………………………….. 39
La spéculation foncière ………………………………… 41
Chapitre 2
La ville, un nouvel enjeu politique ………………………………………. 44
L’Etat, la métropole et la périphérie ………………………………… 45
La ville entre le flou politique et le bricolage urbain ………… 45
Création de villes moyennes ou périphérisation ………….. 49
Le bidonville, une forme en voie de disparition …………. 55
La périphérie, un espace d’expérimentation des formules de recasement ……………………………………….……. 59
Une représentation sociale négative ………………………62
Un contenu social peu différencié …………………….… 66 B- Nouvelle stratégie urbaine et protestations sociales ……………….. 72
Les nouveaux instruments de planification urbaine ………… 73
Aménagement urbain et organisation sociale de la protestation 75 Structuration de la périphérie autour d’une centralité ..……… 78
Les relations de voisinage comme espace de protestations sociales ...81
La seconde génération, un groupe social mobilisateur … 82
La conception urbanistique du logement social entre le possible et l'imaginaire ……………………………….. 86
Montage financier de la politique du logement social ….. 91 Conclusion générale …………………………………………………………….. 98 Bibliographie ……………………………………………………………………. 102
Points de repères chronologiques, 1991 - 2000 ………………………………… 124
Liste des tableaux ……………………………………………………………….. 130 Introduction
Dans un précédent travail1, nous avons mis l’accent sur le rapport qui existe entre le pouvoir politique, l’émeute et l’élaboration des trois instruments de planification urbaine de Casablanca. La présente recherche tente de suivre l’évolution urbaine de la métropole du Maroc. Elle examine les différents tournants de la politique urbaine (coloniale et post-coloniale) tout en analysant leurs retombées sur l’évolution urbaine de la ville.
Casablanca, métropole économique du Maroc, abrite environ 2.700.000 habitants2, sur une superficie urbanisée de plus de 14.500 hectares. L'extension urbaine périphérique se réalise d'une manière dynamique dans toutes les directions, à l'est, à l'ouest, au sud et au sud-est. Liés à l'importance de l'intervention des différents appareils d'Etat, les espaces périphériques se caractérisent par un rythme de construction sans précédent, notamment par la réalisation de logements sociaux et économiques.
Nous partons de l'hypothèse qu’il existe des tournants dans la stratégie urbaine coloniale et post-coloniale où la pression sociale (épidémies, émeutes, violences nationalistes, etc.) exerce des effets notables sur la politique urbaine, puis sur la dynamique et la production des formes de croissance urbaine qui marquent fortement le paysage urbain périphérique. Ce dernier, après certaines émeutes violentes, devient subitement un enjeu politique de taille.
La politique urbaine dans sa dimension planificatrice se trouve liée, dans l'histoire urbaine fraîche de Casablanca, à des périodes de conflits entre, disons pour schématiser, le pouvoir politique et la société. Certaines émeutes violentes sont une véritable source de la dynamique spatiale et urbanistique de la périphérie.
Quand on se penche sur la stratégie urbaine à l’égard de Casablanca, on peut identifier trois tournants principaux qui ont eu des retombées socio-spatiales importantes sur la ville : la période du Maréchal Lyautey à travers l’architecte Henri Prost entre 1917 et 1925, la période de Michel Ecochard entre 1947 et 1955 et la période de 1981 jusqu’à l’heure actuelle, avec la présence constante du Ministère de l’intérieur à travers l’Agence urbaine de Casablanca.
Ces trois périodes fondamentales dans l’évolution urbaine de la ville se caractérisent par les trois points communs suivants :
Les différentes interventions du pouvoir politique ont été préalablement conçues grâce à l'élaboration d’instruments de planification urbaine par les architectes Henri Prost (1917), Michel Ecochard (1952) et Michel Pinseau (1984).
Les plans d’urbanisme adoptés ont eu des retombées socio-spatiales importantes sur la ville; ils ont abouti à la production et à la reproduction de la structure urbaine actuelle de Casablanca.
Les trois plans furent élaborés dans un contexte de violence collective meurtrière.
Le premier plan d’aménagement de Casablanca élaboré en pleine guerre coloniale par Prost (1917) tentait, entre autres, de séparer spatialement les deux populations européenne et marocaine, puis d’établir un zoning pour assurer des zones urbaines socialement et ethniquement distinctes. Ce type de plan accentue les disparités sociales au niveau résidentiel et provoque la marginalisation d’une bonne partie de la population cantonnée dans les bidonvilles.
Le second plan d’aménagement (1952) est également né dans une conjoncture marquée par la violence menée par le mouvement nationaliste contre l’ordre colonial. Une réponse immédiate était faite également à travers une nouvelle planification urbaine, à savoir le maintien du zoning de Casablanca tout en menant une politique massive du logement social dans l’espoir d’intégrer les populations urbaines des bidonvilles. L'habitat de masse "indigène" devenait subitement une urgence et un enjeu politique de taille pour l'administration coloniale. La "première urgence, disait le Résident Général Guillaume, il faut sortir des taudis et des bidonvilles, les musulmans, les israélites et quelque fois, quelques européens"3.
Le troisième plan (Schéma directeur et d’aménagement urbain établi en 1984 et plans d’aménagement communaux en 1989) était élaboré et approuvé, rapidement, pour faire face à l’émeute sanglante qui avait secoué la ville de Casablanca en juin 1981. Encore une fois, le souci sécuritaire était fort présent. Ainsi, des objectifs multiples ont été programmés : élaboration d’un nouveau schéma directeur pour la métropole, réalisation d’une politique massive du logement social4, et finalement, une tentative de dédensification des zones urbaines à contenu social modeste et défavorisé, et un élargissement des réseaux routiers, etc., devraient être assurés par les nouveaux plans d’aménagement. Mais aucun traitement urbanistique pour atténuer les disparités sociales au niveau de l’habitat, aucune opération de réhabilitation urbaine n’est prévue par les nouveaux instruments de planification urbaine5.
Nous allons voir par la suite que ces affirmations relatives au lien entre la violence collective et la planification urbaine méritent évidemment d’être examinées avec beaucoup de nuances. La remarque qu’on peut faire maintenant, c’est que ce contexte de violence collective marque fondamentalement la nature du plan d’urbanisme et par conséquent, l’organisation et le devenir du tissu urbain.
Certes, la ville de Casablanca avait connu plusieurs plans d’urbanisme. Mais les trois plans que nous avons signalés étaient les seuls à être approuvés par les instances compétentes. Non seulement, ils disposaient d’un support juridique leur permettant d’être opposables aux tiers et à l’administration, mais ils avaient également des retombées socio-spatiales importantes sur la ville.
Dans une période où la politique urbaine est très active (élaboration d’instruments de planification urbaine, politique massive du logement social, intervention multiple dans le tissu urbain), les habitants n’arrivent pas encore à s’imposer comme mouvement social à travers des comités de quartiers, des amicales ou des associations.
Une nouvelle gestion politique de la société urbaine avait débuté avec les émeutes répétitives des années quatre-vingt qui ont secoué à chaque fois les villes marocaines. Ces différentes explosions sociales étaient une occasion propice pour que l’Etat puisse repenser sa politique en milieu urbain, puis renforcer et diversifier ses interventions dans la ville. Au renforcement politique de l’Etat en milieu urbain pendant les années quatre-vingt, correspond un processus de balbutiement de la société civile au début des années quatre-vingt-dix.
C’est à partir du début des années quatre-vingt-dix, que les notions telles que l’Etat de droit, le dialogue, la transparence, la démocratie, la société civile, les droits de l’homme deviennent une valeur dominante dans les discours politique et journalistique marocains. Mais, ils apparaissent timidement dans la littérature scientifique. Le concept de société civile n’a commencé à voir le jour dans la littérature scientifique marocaine6 qu’à partir de la fin des années quatre-vingt.
Les interventions étatiques ne s’inscrivent plus sur un plan uniquement idéologique et répressif ; des actions multiples visant le contrôle et l’intégration socio-urbaine de la population citadine sont mises rapidement en oeuvre, plus particulièrement après l’émeute de juin 1981 à Casablanca. Les cinq axes suivants paraissent les plus importants dans la nouvelle stratégie urbaine de l’Etat :
Elaborer et veiller à l’exécution des documents d’urbanisme7 dans le but de quadriller la ville, et plus particulièrement les quartiers denses et périphériques, et par voie de conséquence, disposer d’espaces facilement visibles et lisibles, donc aisément contrôlables.
Accélérer la mise en oeuvre d’une politique massive du logement social pour résorber les bidonvilles perçus comme foyers privilégiés de mécontentement social8.
Renforcer le contrôle administratif par la multiplication d’arrondissements urbains et de commissariats, et par le découpage des grandes villes en plusieurs préfectures coiffées par une Wilaya.
Exercer un contrôle sur l’usage des mosquées ; comme elles sont fermées juste après les différentes prières, les mosquées ne peuvent servir d’espace de mobilisation sociale pour les islamistes ; la faculté reste, jusqu’en 1996, l’espace où s’expriment ces derniers pour exclure, souvent violemment, les autres tendances estudiantines9 .
Impliquer davantage les différentes composantes (partisanes ou indépendantes) des élites urbaines, soit par la création des associations régionales, soit en intégrant des individualités dans le processus de réflexion et de consultation. Ceci a donné naissance à plusieurs Conseils autour du souverain : Conseil de la jeunesse et de l’avenir, Conseil pour le dialogue social, Conseil consultatif des droits de l’homme et récemment le Conseil de réflexion qui regroupe des ingénieurs et des professeurs de l’enseignement supérieur. La politique urbaine coloniale et post-coloniale similitude, continuité ou rupture ?
L'analyse de l'articulation entre la ville et la politique urbaine, nous a amené d'abord à identifier les phases importantes de l'urbanisation et à examiner les différentes formes d'habitations. Ces différentes phases de productions urbaines périphériques sont liées à la politique urbaine de l'administration coloniale puis à celle de l'Etat marocain.
En examinant le rapport entre la production de l'espace périphérique et la fabrication de la politique urbaine, on a pu déceler une continuité et une similitude entre les deux périodes, celle qui va de 1947 à 1955 et celle qui démarre à partir de 1981 jusqu’à l’heure actuelle. Cette similitude se manifeste au niveau du type d’intervention de l'administration coloniale et de l'Etat marocain, au niveau des retombées spatiales et urbanistiques et finalement au niveau des objectifs fixés par le pouvoir politique, autrement dit, une tentative urgente d'intégration multidimensionnelle de la population de la périphérie représentée comme un danger politique potentiel.
Les similitudes entre les deux périodes allaient jusqu'à s'inscrire dans la continuité. Elles se manifestent à travers la reprise de la politique du logement social10, en abandonnant la formule de restructuration11 et en ré-adoptant l'ancienne formule de recasement en 1982. Le Ministère de l’habitat avait eu recours à Michel Ecochard en 1980 pour pouvoir apprécier les différents projets urbains au Maroc, et notamment ceux de Casablanca 12.
Cette continuité se manifeste également par l'élaboration d'instruments de planification urbaine (le nouveau Schéma directeur de Casablanca de 1984 reprend les grands axes d'aménagement déjà proposés par Michel Ecochard en 1952), le lancement d'une politique de logement social de grande envergure et finalement les tentatives d'encadrement politico-administratif de la population des espaces périphériques.
Les différents projets urbains formulés avant 1981 allaient se heurter de plein fouet aux émeutes qui avaient secoué les villes marocaines. L’émeute avait contraint l'Etat à repenser sa politique urbaine, à rectifier certaines actions prévues auparavant et finalement à adopter une nouvelle stratégie urbaine multidimensionnelle.
Les tensions sociales violentes précipitent et exercent une pression considérable sur l'intervention (en cours) du pouvoir politique13 dans le tissu urbain pour la détourner en faveur des catégories sociales peu ou non-solvables. Les tensions sociales (hypothèse) ne peuvent avoir une influence importante sur le changement de la politique urbaine que si elles coïncident avec un engagement préalable du pouvoir politique dans le champ urbain.
L'approche de la croissance urbaine de Casablanca et l'étude de l'évolution des différentes formes d'habitat urbain, notamment périphériques, nous renvoient directement à l'analyse de la nature et du contenu de la politique urbaine et de la planification urbaine. En effet, nous avons repéré deux grandes phases d'urbanisation périphérique de masse, principalement sous forme de politique du logement social à partir de 1952 et de 1982.
Disons maintenant que l'urbanisation de masse correspondait chronologiquement (en 1952 à la veille de l'indépendance politique du Maroc) au passage de la revendication des réformes politiques au stade de la violence du mouvement nationaliste contre l'ordre colonial. Cette effervescence nationaliste coïncidait aussi avec l'élaboration d'instruments de planification urbaine.
La seconde grande phase d'urbanisation de masse (à partir de 1983), correspond à l'explosion de l’émeute située principalement à la Nouvelle-médina et à la périphérie. Le lancement d'un appel à la grève générale par la Confédération démocratique du travail (CDT), après l'augmentation des prix des denrées alimentaires de première nécessité, était une occasion favorable au déclenchement de l’émeute. Les syndicats et les autorités locales étaient vite dépassés par l'ampleur de l'émeute, durant trois jours, et par son caractère très violent, soit 60 morts officiellement et 600 selon les partis politiques d'opposition. C'est juste après ces tensions sociales de l'été 1981 que l'Etat avait décidé l'élaboration de nouveaux instruments de planification urbaine. La correspondance et la succession chronologique de l'ensemble de ces événements traduisent-elles un ensemble de chaînes causales ?
Nous avons remarqué que les tensions sociales14 précédaient à chaque fois cette extension spatiale périphérique de grande envergure ; l'intervention du pouvoir politique se réalise à chaque fois (1952 puis en 1982) comme tentative d'intégration urbaine, principalement sous forme de politique du logement social. A ce stade de réflexion, nous nous sommes posé un certain nombres de questions. Comment, le pouvoir politique assure-t-il la gestion spatiale des tensions sociales violentes ?
Comment les actions multiples du pouvoir politique (en 1952 puis en 1982) s'inscrivent-elles immédiatement et massivement sur l'espace périphérique ? L'intervention de l'administration coloniale puis celle de l'Etat marocain, apparaît de prime abord comme une action soudaine et de grande envergure après une longue ignorance quasi-totale de la population périphérique. L'analyse du contenu de la politique urbaine permet de saisir l'évolution urbaine de la ville, les différents types d'occupation de l'espace, les formes d'habitat dominantes et finalement la fonction de cet espace périphérique dans la structure urbaine de Casablanca. Tensions sociales, planification urbaine et urbanisation de masse
Pour les trois tournants de la politique urbaine que nous avons identifiés15, les interventions du pouvoir politique étaient préalablement conçues grâce à l'élaboration d’instruments de planification urbaine par les architectes Henri Prost (1917), Michel Ecochard (1952) et Michel Pinseau (1984)16.
L'approbation et l'application (partielle) des trois documents d'urbanisme (1917, 1952 et 1984) correspondent à des tournants stratégiques de la politique urbaine, et par conséquent, à une urbanisation massive.
Nous nous empressons de dire que le plan d'aménagement de Prost, puis celui d'Ecochard, n'étaient pas élaborés initialement pour répondre à un besoin d'encadrement immédiat du champ socio-spatial, ni pour chercher une légitimité quelconque, mais bel et bien pour répondre d'abord à des exigences économiques (pénétration d'un mode de production capitaliste, installation des entreprises industrielles et commerciales puis arrivée massive des capitaux à partir de 1944), puis démographiques (construction de logements pour la population migrante européenne) et hygiéniste.
La synchronisation entre les conflits violents et le changement de la stratégie urbaine en faveur de l'habitat du grand nombre ne doit pas être interprétée comme une relation de cause à effet, sinon on comprend mal pourquoi l’émeute de mars 1965, par exemple, n' a pas produit immédiatement un changement au niveau de la stratégie urbaine de l'Etat.
Pourquoi des événements "semblables" (émeutes sanglantes et violemment réprimées de 1965 et de 1981) n'ont pas produit les mêmes réactions de la part des instances étatiques, et par conséquent, les mêmes retombées spatiales et urbanistiques ?
Il faut dire que pour la période d'Ecochard et la période actuelle, une politique urbaine était déjà entamée avant l'explosion du conflit meurtrier entre colons et nationalistes en 1952, et avant l’émeute de 1981. Par conséquent, l’émeute ne se trouvait pas à l'origine de la fabrication de la politique urbaine coloniale et post-coloniale.
Les variables déterminant la genèse de la nouvelle politique urbaine sont d'ordre économique principalement (1944-1955) et d'ordre socio-politique (à partir de 1973) que nous allons développer plus tard. Le changement de la stratégie urbaine de l'Etat se réalise dans la continuité. Le changement ne suppose nullement une rupture avec la politique urbaine de la veille. Mais, en faisant irruption au sein d'une politique urbaine en cours d'exécution, l’émeute provoque des effets multiples sur la politique urbaine suivie. Ces effets peuvent revêtir trois formes principales :
La continuation des actions qui étaient déjà prévues par l'Etat avant l'explosion de l’émeute. Celle-ci a un effet d'accélérateur sur les actions programmées par l'Etat. En effet, la politique du logement social était programmée à partir du plan triennal (1977-1980), mais, pendant quatre ans rien n'a été fait en faveur du seul grand bidonville (Ben M’sik) retenu par le Plan. Alors qu'après l’émeute de juin 1981, en moins de trois ans, le Ministère de l’habitat avait réalisé et livrés 7.000 logements pour les bidonvillois.
La remise en cause de certaines actions qui étaient déjà programmées, soit en les abandonnant, soit en les réadaptant en fonction de la pression des événements sociaux. Ainsi la formule de restructuration17 du bidonville de Ben M'sik était abandonnée pour adopter, six mois après l’émeute de 1981, la formule de recasement des bidonvillois. Le schéma directeur de Casablanca qui était en cours d'achèvement (1981) était abandonné également. En moins d'un mois, après l’émeute de juin 1981, un nouveau schéma directeur (1981-1984) et des plans d'aménagement communaux (1987-1989) ont été élaborés rapidement et approuvés définitivement et ce pour la première fois depuis l'Indépendance.
Les nouvelles actions non-programmées étaient dictées par l’émeute. Elles sont marquées fondamentalement par un urbanisme à caractère sécuritaire. Ces nouvelles actions se sont manifestées d'abord par la mainmise du Ministère de l'intérieur sur le Département de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire qui dépendait jadis du Ministère de l’habitat. Pour renforcer son contrôle sur le champ socio-spatial, l’Etat avait mis en oeuvre rapidement, un mois après l’émeute, un découpage administratif de l'espace de Casablanca, d’abord en quatre préfectures en 1981, en cinq en 1985, puis en sept en 1992. Le découpage administratif avait permis l'installation des équipements structurants administratifs au sein des trois espaces périphériques dominés par le logement économique et social. L’implantation de ces nouveaux sièges de préfectures est renforcée par la multiplication d'arrondissements et de commissariats de police, et par la présence, pour la première fois, de gardiens de la paix (policiers) dans l'espace périphérique.
L'ensemble de ces actions multiformes des différents appareils de l'Etat se réalisent dans ce que nous appelons l'urbanisme de l'urgence. Celui-ci se caractérise par la pression des tensions sociales sur l'Etat et par la rapidité du déblocage des crédits financiers dans l'espoir de maintenir la paix sociale. Mais la pression sociale ne peut s'exercer que sur une politique déjà en cours de programmation et ou d'application. Elle permet ainsi d'ajuster le tir, de repenser la politique urbaine poursuivie et d'accélérer l'intervention de l'Etat dans un tissu urbain périphérique longuement oublié, voire ignoré.
Chapitre I
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