La sécurité des personnes et des biens C’est presque une évidence, mais elle ne va pas de soi : l’économie ne peut être performante et au service de tous, la société apaisée et unie, si existent en France des zones de non-droit et si les droits fondamentaux ne sont pas respectés pour tous et par tous.
Un ministre de la République26 a reconnu publiquement qu’une « centaine de quartiers en France » présentaient des « similitudes potentielles avec Molenbeek », le foyer islamique extrémiste belge berceau des terroristes qui ont commis les attentats du 13 novembre 2015 en France et du 22 mars 2016 en Belgique : « Molenbeek, c’est quoi ? C’est une concentration énorme de pauvreté et de chômage, c’est un système ultra-communautariste, c’est un système mafieux avec une économie souterraine, c’est un système où les services publics ont disparu ou quasiment disparu, c’est un système où les élus ont baissé les bras. » On ne peut plus accepter un tel renoncement qui désavantage surtout les plus faibles.
L’efficacité de la justice La justice doit être rendue rapidement et la présomption d'innocence doit être renforcée. Nous faisons le pari que certains secteurs de la réglementation (notamment le droit du travail) vont décroitre au profit d’une augmentation de la jurisprudence. L’enjeu de l’efficacité de la justice est donc important. Son budget doit retrouver le niveau de ceux de nos principaux partenaires européens.
Renforcer l’outil dissuasif
Assurer l’adéquation des moyens d’enquête et de poursuite avec l’internationalisation des activités criminelles, tant en matière humanitaire (trafic d’immigrants, réseaux de prostitution, etc.) que financière (évasion fiscale, blanchiment d’argent, infractions liées à la mise en conformité avec la règlementation nationale, européenne et internationale, financement du terrorisme, etc.), qui en rend plus complexe la détection et la sanction.
Assurer la compatibilité des outils de prévention et de sanction à la sophistication croissante des outils technologiques employés par les réseaux criminels, permettant notamment de collaborer efficacement à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé avec des moyens renforcés pour faire face aux nouvelles menaces (cyber-terrorisme, etc.).
Eclairage : le coût des prisons aux Etats-Unis
On peut s’interroger sur le bon usage des prisons dans l’arsenal répressif. Les Etats-Unis sont allés dans une direction extrême sur ce sujet, sans que la criminalité recule : en fait le risque d’homicide est cinq fois plus élevé aux Etats-Unis qu’en France. L’oncle Sam emprisonne 2,2 millions de personnes pour un coût de 26 000 dollars par an et par personne !
Améliorer l’outil préventif
Améliorer les conditions carcérales (rénovation des prisons) ainsi que les conditions d’insertion post-carcérale (retour à l’emploi), pouvant être à l’origine de récidives et radicalisations.
Renforcer les moyens de l’aide juridictionnelle ainsi que l’ambition éducative de la justice des mineurs, ainsi que prôné par le budget établi par le Ministère de la Justice pour l’année 2016 - donner les moyens de se défendre, c’est aussi donner les moyens de comprendre.
Faire de la justice un outil de compétitivité économique
Faciliter la résolution extra-judiciaire des conflits en favorisant le recours aux règlements alternatifs des litiges, ce qui serait de nature à accélérer le désengorgement des tribunaux. Cependant, la résolution extra-judiciaire dépend du coût du procès et du degré de prévisibilité des décisions de justice : si l’accès au juge n’est pas cher et la décision du juge imprévisible, alors la partie requérante (le salarié) se détournera de la médiation. D’où l’importance de renforcer l’accès au jugement et l’incitation pour les juges de rendre la jurisprudence de plus en plus prévisible.
Créer des tribunaux spécialisés en droit des affaires (entreprises en difficulté, concurrence, droit boursier, etc.), sur le modèle de ceux créés par la Loi Macron, de nature à rassurer les entrepreneurs et investisseurs, notamment internationaux. En conséquence, il faut aussi améliorer le niveau de spécialisation des juges qui reste trop généraliste.
Évaluer l’opportunité d’étendre la compétence extraterritoriale des juridictions françaises, comme le fait notamment le Department of Justice américain : ainsi près de 25 milliards de dollars ont été collectés auprès de sociétés non-américaines en 2014 (Cf. encadré ci-dessous). Elle serait sans doute complexe à mettre en œuvre en France du fait du jeu de la réglementation européenne et des règles communautaires et internes de compétence en matière de droit international. C'est cependant une idée intéressante sur le plan des principes (et toute source de revenus potentiellement significatifs ne devrait pas être négligée), mais pas forcement réaliste dans l'état du droit, ni consensuelle.
Faire de la justice un outil efficient
Augmenter le nombre de magistrats et procureurs (11 juges et 2,9 procureurs pour 100.000 habitants en France sur la période 2012-2014, contre 25 et 6,5 en Allemagne).
Mettre en place des filtres procéduraux afin de diminuer le stock de dossiers et le délai de traitement. Il faut notamment laisser la Cour de cassation choisir les décisions sur lesquelles elle statue, ne pas garantir le troisième degré de juridiction à tous. Accepter moins d’égalité devant la justice au profit d’une meilleure justice qui in fine bénéfice à tous.
Externaliser certains services non judiciaires (systèmes informatiques, entretien des tribunaux par exemple), comme cela se fait ailleurs en Europe.
Eclairage : la compétence extraterritoriale américaine
Qu’est-ce que la compétence extraterritoriale ?
L’extraterritorialité consiste à appliquer les textes US à des entreprises étrangères dans des cas où le lien de rattachement à la juridiction américaine parait pourtant ténu (l’utilisation du dollar dans des opérations incriminées, même si celles-ci ont été réalisées hors du territoire américain, pourra ainsi suffire à activer la compétence juridictionnelle du Department of Justice (DOJ) du fait de la compensation monétaire effectuée par le système bancaire américain). Certains textes américains permettent en outre expressément au DOJ d’exercer sa compétence sur des activités extraterritoriales (lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, lutte contre la corruption, lutte contre l’évasion fiscale, abus de marché, gouvernance d’entreprise, entre autres). Le juge a de plus parfois succombé à la tentation d’appliquer de façon extensive sa compétence en matière extraterritoriale.
Comment ça marche ?
Sur le fondement de cette compétence extraterritoriale, le DOJ lance des procédures contre les sociétés étrangères suspectées d’avoir mené des activités illicites au regard du droit américain. L’entreprise concernée finit souvent par négocier un accord avec le DOJ aux termes duquel elle accepte de payer une amende contre l’engagement du DOJ d’arrêter les poursuites, dont l’issue pourrait s’avérer encore plus coûteuse. Le montant de l’amende, négocié avec l’entreprise et qui prend en compte la bonne foi de cette dernière, sa coopération et la gravité des faits reprochés), peut être très élevé, comme le montrent notamment les nombreuses amendes payées par les établissements financiers ces dernières années. En plus, le DOJ peut imposer dans certains cas des sanctions complémentaires, comme l’interdiction de poursuivre certaines activités.
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