télécharger 192.52 Kb.
|
La notion d’attractivité en questionL’attractivité des villes fait donc l’objet de hiérarchies et de palmarès. Un tel développement de la classification légitime une recherche de clarification. On peut tenter de définir l’attractivité en soulignant que celle-ci mêle en fait deux registres à l’origine bien différents. Le premier permet d’appréhender la nature objective de l’attractivité en mobilisant une analogie avec le modèle des sciences physiques. L’attractivité s’apparente en effet à l’attraction exercée par une planète ou par un aimant sur des objets divers. Elle s’identifie donc à une force qui non seulement attire à soi mais retient sur place. Transposée aux territoires, cette force permet de faire converger toute sorte de ressources : populations, revenus, capitaux, main d’œuvre, entreprises, emplois, biens, services, événements professionnels, informations, etc., et à y fixer durablement celles qui sont susceptibles de l’être. La force d’attraction d’une ville s’identifie donc à sa capacité à capter des ressources humaines ou non, matérielles ou immatérielles. Elle est à la fois à l’origine de mouvements, mais aussi un facteur d’ancrage de ressources dans un espace donné. Le second registre de l’attractivité est celui, plus subjectif, de l’attrait qu’exerce un bien, un lieu ou une personne. L’attrait renvoie à la séduction3, au charme, à la beauté, voire à la fascination, bref à l’influence qu’exerce un objet, quel qu’il soit, sur les consciences individuelles. Cette influence peut déboucher sur des actions en vue de l’acquisition ou de la consommation de l’objet en question. En matière de territoires, l’attrait se traduit par le désir d’y rester, de venir y vivre ou encore d’y séjourner pour le visiter. Ce désir puise son imaginaire dans des représentations pouvant aller de simples stéréotypes à des mécanismes plus profonds d’identification des habitants à leur propre territoire. Que ce soit sous l’angle « mécanique » ou psychosociologique, l’attractivité peut être interprétée en termes de pouvoir exercé par un territoire sur les hommes et les actions humaines. Ce pouvoir peut être étudié à plusieurs échelles, selon la sphère d’influence qui est prise en compte : internationale, nationale, régionale ou encore intra-urbaine. L’attractivité au service de la compétitivité des territoiresLa compétitivité d’un territoire renvoie à son efficacité économique et à sa capacité à valoriser ses avantages comparatifs sur des marchés. Historiquement, à la suite de Ricardo, la compétitivité a été appréhendée en termes de prix relatifs des facteurs de production (travail et capital), indépendamment de la mobilité de ces facteurs. Cependant, avec l’amplification des processus de mondialisation et de libéralisation des échanges, la théorie de la compétitivité-prix a fait place à des approches plus globales prenant également non seulement en compte la capacité des territoires à créer plus de richesses au moindre coût, à stabiliser ses marchés et à valoriser son savoir-faire et ses produits, mais aussi à attirer des ressources et des personnes nécessaires au développement de l’activité économique et à l’innovation. Les clusters constituent aujourd’hui l’archétype du territoire compétitif, moins en raison d’une compétitivité-prix qu’en raison du tissu économique et financier, de la réactivité, de la capacité d’innovation et… de l’attractivité qui en résultent. La Silicon Valley en est la forme la plus emblématique et la plus aboutie. Elle sert de modèle à la création de nombreux clusters de par le monde, dont les pôles de compétitivité en France, qui tentent à leur tour de jouer la carte de l’attractivité économique. La notion d’attractivité est, à bien des égards, proche de celle de compétitivité. Les deux sont même souvent utilisées comme synonymes l’une de l’autre. L’attractivité est généralement considérée comme un élément de la compétitivité tant il est vrai qu’un territoire a d’autant plus de chances d’être compétitif qu’il a la capacité d’attirer à lui des ressources économiques nécessaires aux activités de production. L’attractivité d’un territoire fait donc partie des avantages comparatifs permettant de séduire les marchés et de créer de la richesse. Inversement, l’attractivité dépend de la compétitivité car les ressources, lorsqu’elles sont mobiles, ont toutes les chances de se diriger vers les places offrant le plus d’opportunités de gains, donc les plus compétitives. Un territoire qui n’est plus compétitif s’expose à des pertes de population et à des phénomènes de désinvestissement et délocalisation des entreprises4. L’attractivité est désormais perçue comme un élément déterminant de la compétitivité. Néanmoins, elle ne se réduit pas aux dimensions purement économiques des territoires et à leurs avantages comparatifs sur les marchés. Il y a dans la notion d’attractivité l’idée d’influence sur les acteurs, au-delà du principe d’efficacité économique. Mesurer l’attractivité d’une ville c’est évaluer sa sphère d’influence, sa capacité à générer du mouvement, à attirer à soi durablement, mais aussi parfois simplement à faire parler d’elle. Le registre privilégié de l’attractivité est celui du pouvoir. Ce pouvoir d’influence participe de la puissance politique et économique des villes, et de leur rayonnement culturel. Au-delà des fonctions économiques de la ville : l’attractivité résidentielleL’attractivité ne se réduit pas aux fonctions économiques des villes. Elle déborde le cadre purement économique, celui des activités d’échange et de production, et renvoie aux dimensions proprement urbaines, sociales, culturelles et politiques des territoires. Si le territoire peut être associé à une fonction de production, c’est aussi un support d’identité et un lieu offrant bien-être et qualité de vie aux habitants qui le peuplent. La sphère résidentielle illustre tout particulièrement la complexité des interactions entre les dimensions économiques et non économiques de l’attractivité des territoires. Une ville n’est pas seulement un lieu où l’on travaille et où l’on crée des richesses – et attractif en tant que tel –, mais aussi un lieu où l’on vit, dont on attend du bien-être et où l’on dépense des richesses. Pour les villes, la qualité de vie est un enjeu qui croît avec l’augmentation de la propension à la mobilité des ménages. Or, lorsqu’ils sont en mesure d’arbitrer, ceux-ci recherchent de plus en plus le meilleur compromis entre opportunités professionnelles et qualité de vie. La situation géographique, le climat (à l’origine de l’héliotropisme), le cadre de vie, l’offre urbaine (qualité des espaces publics et des équipements, services aux particuliers, commerces, etc.), la sécurité, l’offre scolaire et universitaire deviennent des éléments de plus en plus décisifs dans les choix de localisation résidentielle. De nouvelles tendances se dessinent en raison des transformations de l’organisation du travail (sous-traitance, nomadisme professionnel, télétravail, etc.) qui sont de nature à alléger les contraintes de localisation, entraînant une déconnexion croissante entre les lieux ou l’on travaille et ceux où l’on vit. Laurent Davezies5 a montré qu’une recomposition des territoires est à l’œuvre : les territoires les plus créateurs de richesses ne sont pas toujours ceux où celles-ci sont dépensées. Compétitivité économique et attractivité résidentielle ne coïncident plus nécessairement, en tout cas plus de la même manière. Le nouvel attrait pour les communes rurales le montre. L’enjeu pour les élus et les acteurs des marchés locaux n’est donc pas uniquement l’accroissement numérique de la population, mais l’attraction de ménages à fort pouvoir d’achat (des cadres et professions libérales, des retraités, des « étrangers du Nord »). La concurrence territoriale n’est donc par seulement productive (au sens d’une production destinée à l’exportation), mais résidentielle (au sens d’une production destinée aux habitants). A ce compte, il devient aussi important pour un territoire de capter des richesses que de les créer. De fait, la qualité de l’offre résidentielle et urbaine est de plus en plus prise en compte par les entreprises qui souhaitent implanter un nouvel établissement dans une agglomération. De la qualité de cette offre dépend en effet la capacité de ces entreprises à attirer et stabiliser leur main d’œuvre sur place, et ceci d’autant plus que cette main d’œuvre est qualifiée. Mais les opportunités d’emploi et la qualité du cadre de vie ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de l’attractivité résidentielle d’un territoire. Les villes attirent également à elles en raison de leur rayonnement culturel, ou plus prosaïquement de leur « image de marque ». Ce rayonnement culturel dépend de leur insertion dans des réseaux de communication et d’information. Les ressorts de l’attractivité résidentielle croisent ici ceux de l’attractivité touristique. Aujourd’hui, la compétition est de plus en plus fondée sur la flexibilité, la variété, la qualité et l’innovation, plutôt que sur la seule variable des coûts. L’attractivité – y compris résidentielle – est d’autant plus essentielle pour la compétitivité que les villes et les territoires doivent séduire les nouvelles élites économiques : la « creative class » selon l’expression de Richard Florida6. Ces élites sont à la fois plus enclines à la mobilité et plus attentives au cadre de vie, et ceci d’autant plus que pour elles la socialisation professionnelle et la socialisation personnelle sont souvent intimement liées. |
![]() | «L’innovation et la créativité face aux défis environnementaux de la ville contemporaine : vers des techniques et dynamiques urbaines... | ![]() | |
![]() | ![]() | «recherche universelle». Dans une troisième partie nous présenterons les enjeux qui, dès demain, seront déterminants pour les moteurs... | |
![]() | «Entreprises étendues» aux partenaires, aux fournisseurs ou aux clients conduit | ![]() | «Globalisation et contextualisation : villes intermédiaires et périphéries urbaines.» L’aire proposée à l’étude est le territoire... |
![]() | «Il n’y a pas de plus grand enjeu pour l’enseignement supérieur que son rapport au territoire et à la territorialité»1, ce propos... | ![]() | |
![]() | ![]() |