Analyse du contexte du Mali par l’UE
La sortie de crise
Le Mali a connu, pendant les années 2012 et 2013, la crise politico-institutionnelle la plus profonde de son histoire, dont il se remet progressivement mais difficilement.
Si la période de Transition a pris fin, avec la mise en place d’institutions politiques issues d’élections (un nouveau président élu au mois d’août 2013, un parlement élu au mois de novembre 2013), le Mali demeure en situation de conflit politico-militaire sur les trois quarts de son territoire. Ce conflit continue à fragiliser l’affermissement de la légitimité du nouveau pouvoir politique et la reprise de l’économie tout en pesant fortement sur les finances publiques eu égard aux besoins d’équipements militaires.
Si la cause directe et immédiate de la crise a été la prise de contrôle du Nord du Mali par des groupes armés, certaines faiblesses ou dérives du précédent régime en ont facilité le déclenchement et le développement : (i) l’incapacité du régime à gérer les grands problèmes de l’Etat, notamment la défense du territoire et la sécurité (ii) une gouvernance dite « consensuelle » mais favorisant souvent des groupes d’intérêt aussi bien au sud qu’au nord. (iii) l’ampleur de la corruption, phénomène répandu à tous les échelons de l’Etat1et de la société, (iv) l’affaiblissement du pouvoir judiciaire favorisant la criminalité et renforçant l'impunité, (v) la faible présence de l’Etat dans les régions du nord (Gao, Kidal et Tombouctou) ; (vi) les activités illégales ou criminelles du trafic de drogue mais aussi d’êtres humains et d’armes; (vii) la perception de différentiels de développement entre les régions du nord et du sud du Mali par la population.
Ce dernier point est au centre des débats auxquels prennent part le gouvernement, les groupes armés et la population. Dans un environnement caractérisé par la pauvreté, l'accès aux ressources économiques (endogènes, ou générées par l'aide internationale) est âprement contesté. De plus, les institutions étatiques ne sont pas considérées comme reflétant les aspirations de représentation politique des communautés. Les populations ne perçoivent pas l'Etat comme un distributeur égalitaire, et légitime, de ressources.
Sur un fond de fragilité structurelle marquée par le sous-développement économique et social et l’absence de l’Etat, les régions du nord n’ont pas réussi à s’adapter pacifiquement au double défi qu’ont constitué les importantes mutations sociologiques intervenues au sein des communautés qui y vivent et entre elles, et à l’influence nocive des facteurs de perturbation transnationaux. Mis à mal, les mécanismes endogènes de régulation ayant traditionnellement permis de maintenir la paix au plan communautaire et local n’ont pas permis de résister au choc de 2012.
D’aucuns s’interrogent sur leur capacité à ressouder le tissu social inter- et intra-communautaire, la déchirure paraissant plus profonde que lors des crises antérieures et risquant de s’aggraver si la division physique entre le nord et le sud devait perdurer.
A ces insuffisances criantes se sont ajoutés les défis structurels de l’économie et la société maliennes : (i) l’insuffisante capacité d’absorption et la très faible qualité du système éducatif (ii) la faible insertion professionnelle des jeunes qui constituent la majorité de la population (70 % de moins de trente ans) ; (iii) l’extrême vulnérabilité des activités économiques d’une grande partie de la population vis-à-vis des aléas climatiques ; (iv) les difficultés d’accès au crédit pour les entreprises dues à la faiblesse de leurs capitaux propres et des garanties offertes, des banques peu adaptées aux PME/PMI ; (v) la sur valorisation sociale des activités commerciales et la sous valorisation des activités productives ; (vi) la difficulté du Gouvernement à déterminer des priorités et à les affirmer clairement face notamment à sa population et aux bailleurs de fonds.
La crise a révélé ces facteurs de fragilités non seulement à la communauté internationale, mais à la population du Mali elle-même. Cela fragilise encore le lien de confiance entre les institutions et les populations.
|
