Berlin: histoire de l´urbanisme et enjeux contemporains des politiques urbaines








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Stalinallee, axe de la ville socialiste en devenir, dans le prolongement d’Alexander Platz. Cette avenue est devenue plus tard, au moment de la déstalinisation, Karl Marx Allee. Elle est conçue comme le modèle d’une reconstruction qui commence par le déblaiement des restes de la ville bombardée et l’effacement de son tracé viaire. Sur cette trame nouvelle on reconstruit dans de nombreux quartiers du centre. On commence de même à construire de très nombreux logements sociaux en périphérie, d’abord en dur puis, avec l’énonciation des principes socialistes de l’architecture industrialisée dans des formes préfabriquées qui resteront célèbres sous le nom de Plattenbau20. A l’Ouest, on déblaie de même les ruines de la ville bombardée et entreprend de grands programmes de logement social. Suite aux réflexions de Hans Scharoun entre 1945 et 1948, puis de Karl Bonatz en 1948, qui encore se fondaient sur le Gross-Berlin, un plan d’occupation des sols est présenté en 1950 (Flächennutzungsplan)21. Alors qu’à l’Est l’agitation populaire culmine peu après avec les événements de 1953 et la répression consécutive22, il consacre le repli sur l’Ouest. Modernisme, libéralisme, pragmatisme puis socialisme municipal se mêlent dans la justification de la construction d’une ville nouvelle efficace sur les ruines de la ville bombardée23. Le Hansaviertel demeure une des réalisations les plus significatives de cette période24. A la fin des années 1950, sous l´impulsion de Willy Brandt, qui de 1957 à 1966 dirige la municipalité à l´Ouest, l´idéologie d´une réunification devient un leitmotiv de la politique de ceux qui à l´Ouest ne veulent se résoudre à la division25. Cette idée sera à la racine ensuite de l´Ostpolitik. Du point de vue de l´urbanisme ces déclarations d´intentions sont à mettre en relation au concours Hauptstadt Berlin de 195826. Mais en 1961, suite à un mouvement important de fuite vers l´Ouest, les autorités de la RDA décident de clôturer puis très vite de murer leur ligne de démarcation avec Berlin Ouest27. Jusqu’en 1990 la ville restera coupée en deux. Berlin Ouest devient « l’île des heureux »28. Peut-être le seul paradis du communisme sur terre, où règne la liberté, conjuguée à la nécessité de ne jamais faire moins bien que les communistes sur le plan des services sociaux. D’une certaine manière, le monde capitaliste se cotise pour sa vitrine berlinoise, dans une posture bien peu révélatrice des fondements idéologiques du libéralisme, mais pourtant essentielle à la cohérence d’ensemble.

D’un point de vue urbain, elle va malgré tout connaître une évolution comparable à ce qui se passe à l’Est. Aux grands programmes modernistes des années 1960 et 1970 (d’un coté on construit la ville du socialisme et de l’autre la ville de la modernité, selon un nouveau Flächennutzungsplan voté en 1965) vont succéder pour le centre des phases de prise de conscience de la nécessité de respecter mieux le tissu préexistant. Si à l’Est comme à l’Ouest on continue de construire des grands ensembles jusque dans les années 1980 (à l’Est Lichtenberg et Marzahn constituent des programmes dont la réalisation s’étend sur deux décennies, à l’Ouest il en va de même pour le Märkisches Viertel ou Falkenhagener Feld29), de chaque coté du mur la prise de conscience fait son chemin. C’est de ce cheminement que naissent entre fin des années 1970 et début des années 1980 les principes doux d’urbanisme qui vont d’une part faire de Berlin un modèle pour la rénovation urbaine et le renouvellement urbain et d’autre part servir de fondement au travail mené après 1990.

Il faut dire qu’on était allé très loin dans la destruction. La conjonction des dégâts de la guerre et de l’ancrage des théories modernistes de dissociation de la ville de son parcellaire hérité a créé à Berlin, ajoutée à une foi inébranlable en les vertus urbaines de la circulation autoroutière que même les plus intégristes ingénieurs des Ponts et Chaussées autour du Président Poupidou n’avaient peut-être pas pour Paris, les conditions d’une expérimentation à vaste échelle de la construction d’une ville nouvelle dans son essence. Berlin Ouest a été le laboratoire de cette conjonction30. Si, donc, c’est de Berlin que part la contestation de ce modèle, c’est aussi que c’est là que table rase avait été largement faite.

A l’Ouest donc, aux questions institutionnelles et politiques sur l’avenir de la ville et sur l’idée rhétorique d’une capitale,31 se greffent, sous la pression d’urbanistes alternatifs et de comités d’habitants et de locataires, lassés des expulsions, de nouvelles problématiques. Dans les années 1980, alors que la réflexion urbaine institutionnelle à l´Ouest a du mal à intégrer la perspective d´une éventuelle réunification de la ville, qui reste souvent à l´état de vœu pieu politique32, tout un milieu d’activistes urbains se constitue, sur l’héritage souvent des alternatifs des années 1970. Dès la fin de ces années 1970 de plus, faire des projets pour Berlin devient un must pour une jeune génération d´architectes destinée, quelques décennies plus tard, à former le gotha contemporain de la profession33. Berlin devient le cœur battant d’une culture urbaine nouvelle.

C´est dans le quartier de Kreuzberg que naissent certains des concepts essentiels de l´urbanisme berlinois entre années 1970 et 1980. Ces idées naissent d´abord dans la contestation de l´idéologie urbaine de la démolition34. De là naît l’idée de la rénovation douce, qui renoncerait à la démolition en vue de la construction d’une ville hors sol pour s’attacher à la réparation de l’existant et à sa réinsertion dans un cadre urbain qui deviendrait l’objet d’un soin plus grand, au niveau de l’îlot hérité. C’est dans ce contexte que le concept de participation commence à émerger, au croisement des échos gauchistes, des protestations de comités de locataires, des initiatives citoyennes contre les expulsions et les démolitions et des premières prétentions théoriques à l’institutionnalisation. La rénovation douce fait aussi toute sa place à l’écologie35. Le « bloc 103 » à Kreuzberg devient rapidement le modèle emblématique de ces nouvelles pratiques urbaines36. La reconstruction critique et la rénovation douce à la berlinoise font de Berlin « l’épicentre mondial »37 du redesign et de l’éclosion créative de la génération qui ose enfin s’en prendre au dogme moderniste pour légitimer une action sur la ville existante qui sache prendre en compte l’héritage sans pour autant apparaître comme rétrograde.

Mais, au-delà de cette féconde fermentation, ce qui propulse Berlin sur le devant de la scène urbaine mondiale, non plus pour le mur et les aspects géopolitiques, c’est l’exposition internationale d’architecture de 1987 (Internationale Bauausstellung, IBA)38. Regroupant deux sections (constructions nouvelles, réhabilitation) et pensée, dans une grande tradition berlinoise des expositions d’architecture, à partir de la fin des années 1970 et en vue du 750e anniversaire de la ville par un personnage comme Josef Paul Kleihues, l’IBA donne lieu à l’éclosion d’une phase supplémentaire dans la réflexion urbaine. Autour de l’exemple de Kreuzberg et de la théorie mise en pratique du renouvellement urbain doux, se dessine la norme de pratiques nouvelles. On peut parler d’une véritable culture de l’IBA pour les années 1984-198739. Dans un moment où l’archicture commence à théoriser son passage du modernisme au post-modernisme40, l’IBA fournit une première occasion d’institutionnaliser l’agitation spontanée des années précédente. Elle fournit à de jeunes architectes et urbanistes un débouché professionnel. Beaucoup feront au STERN, l’instance active dans la politique de la ville qui émane de l’IBA, une longue carrière, recompensée après 1990 par la propulsion dans des responsabilités au-delà du mur. Mais une fois posés les principes d´une rénovation douce, reste à préserver l´idéal social41. Si l’IBA pose l’exemple d’ilôts traités de manière raisonnée dans le quartier de Kreuzberg, elle ne marque pas forcément la généralisation de la rénovation douce. Autour de l’IBA continue l’agitation pour faire en sorte qu’elle ne reste pas le cache-sexe d’une destruction à laquelle on n’aurait au fond pas renoncé. Par ailleurs, mais dans le même esprit, un jeune urbaniste comme Hans Stimmann, qui a étudié ce qui se fait dans le même temps à l’Est42 ne manque pas de rappeler au début des années 1980 à ses collègues de l’IBA qu’alors que l’Est a pris le tournant de la reconstruction critique et se lance dans des programmes de rénovation de l’ancien à Prenzlauerberg et bientôt à Mitte, il ne faudrait pas que l’Ouest ne se serve de l’IBA uniquement comme d’une vitrine43. Car à l’Est un tournant est manifestement en train d’être pris. Non que l’on cesse de construire des Plattenbau en périphérie, mais plutôt que les architectes enclins à sauvegarder le patrimoine aient réussi à convaincre les idéologues d’une part de l’aspect populaire des Mietskasernen, et donc de l’orthodoxie idélologique à ne pas vouloir forcément tout raser d’une ville pré-socialiste qui n’était pas que ‘bourgeoise’, et d’autre part du fait que rénover permettait de loger des habitants encore en attente d’un appartement. S’opère donc une acceptation progressive de la ville héritée à partir de 1977. On cesse de prétendre implanter la ville socialiste dans les ruines de la ville bourgeoise et se lance dans la requalification urbaine de Prenzlauerberg puis de Mitte avec des îlots test. La crise économique de la RDA dans les années 1980, conséquence de l’inefficacité chronique de l’économie collectivisée et d’un contre-choc pétrolier jouant comme arme anti-communiste face à une Russie qui tentait de sauver l’idéologie en faillite par le pétrole, ralentira ce programme. Hans Stimmann observateur pour l’IBA (qu’il ne parvient vraiment à convaincre de s’intéresser à l’Est) et pour le SPD de ce tournant saura faire fructifier pour la suite de sa carrière cette connaissance.

Car si l’IBA a été myope au sujet de l’Est, trois ans plus tard les principes qu’elle a promus serviront de base à la rénovation des quartiers intégrés. A la chute du mur, Berlin redevient capitale. Après la victoire du SPD aux élections locales, Hans Stimmann occupe les fonctions de directeur des bureaux d’urbanisme et préside à la planification du nouveau Berlin.

Dès 1990, dans un contexte de redéfinition des centralités urbaines et de mélange de foi puissante et déjà de doutes sur les bases de la réunification de la ville44, les idées fusent et de nombreux projets sont lancés45. Alors que le Bundestag en juin 1991 sanctionne la promesse de Willy Brandt de ramener la capitale à Berlin, un peu comme Rome capitale en 1870-1871 sanctionnait le rêve de Cavour, et que très vite les deux administrations fusionnent, la logique étant généralement d’absorption de celles de l’Est par l’Ouest46, la ville se présente pour toutes les années 1990 comme un vaste chantier47. Il s’agit d’une part de recréer un panorama urbain digne de la capitale d’un grand Etat ayant intégré les traumatismes de son histoire, et de réunifier une ville où la rénovation urbaine a encore beaucoup à faire et où de nombreux services sont inadéquats48. Pour Hanns Stimmann, un des maîtres mots de l´action de l´urbaniste dans le Berlin réunifié doit être la recherche de ce qui fait les fondements de la ville européenne49. Sous la conduite de Stimmann est ainsi voté dès 1991-1992 un règlement présidant à la rénovation urbaine dans le centre historique, le Stadtbaulicher Strukturplan. Mais le dispositif central de son projet pour Berlin est le Planwerk Innenstadt, élaboré à partir de 1996 et voté en 199950. Celui-ci confirme les grandes orientations de ce qui a été fait depuis 1990, et reprend les principes essentiels qui ont présidé à la rénovation de Mitte et de Prenzlauerberg depuis cette date. Le modèle expérimenté dans ces quartiers, lui-même fruit d´expériences ayant connu dans les années 1980 une maturation à l´Ouest, par exemple à Kreuzberg, est ainsi étendu aux quartiers qui sont peu à peu touchés par la fermentation urbaine, comme Friedrichshain. Pour le centre de la ville capitale, les principes de Stimmann ont débouché sur une sorte d’esthétique néo-néo-classique, qui enserre l’innovation architecturale dans l’écrin de Schinkel. Les critiques à ces principes ont été nombreuses51. Hans Stimmann a ainsi été accusé d’imposer un style contestable52. Mais il est parvenu à articuler la ville du gouvernement aux axes anciens de l’histoire de la capitale. Le point le plus débattu sans doute a été la destruction du Palast der Republik, pour faire place au projet de reconstruction du château des Hohenzollern53. Mais le programme d’urbanisme le plus célèbre est assurément celui qui a donné lieu à la renaissance de la Potsdamer Platz. Au-delà cependant de l’aspect séduisant du Sony Center et du quartier Mercedes Daimler, se posent deux questions : la qualité de place de la place (l’urbanisme de Stimmann n’a pas su traiter la question des flux croisés d’automobiles) et celui d’un espace public laissé non pas à la place publique mais à l’intérieur des ilots destinés à servir de vitrine à de grands groupes. On est loin de la ville à l’européenne de Stimmann. On a même pu parler d’urbanisme Hard Core54.

L’autre facette du travail de l’urbanisme en chef de la ville-état et de ses bureaux a été l’extension aux quartiers anciens du centre ville des principes et des pratiques de la rénovation douce. Le Stern, agence issue de la génération IBA a été promu instance de politique urbaine et sociale dans cette direction . Pour les quartiers de grands ensembles, de vastes programmes de bonification ont été mis en place. Après, vers la fin du texte: programme de réhabilitation des grands ensembles. Le parc public municipal de grands ensembles n´a été, contrairement à Dresde où la Fortress Investment a racheté en bloc presque tous les logements sociaux de la ville, que partiellement privatisé depuis les années 1990. L´américaine Cerberus a racheté 57 700 logements de l´ancienne GSV. La Fortress les 22 500 de la Gagfah. Environ un tiers du parc a été privatisé depuis l´an 2000. La dernière opération a concerné Mitte où 3100 appartements de la WBM ont été vendus. Le Sénat de Berlin s´est engagé à cesser ce mouvement. Les six compagnies communales de logement, dont les principales sont Degewo, Gewobag, Gesobau, Howoge et Stadt und Land, gèrent encore 273 000 appartements pour un patrimoine estimé à 4,5 milliards d´euros. Les loyers sont actuellement de 4 à 5 euros par m2 et par mois. La privatisation a en moyenne entraîné une hausse de loyer de 0,50 euros par mois et par m255.

Par ailleurs, en quelques années Berlin est redevenue la ville d’un bouillonnement culturel dont l’urbanisme et l’architecture sont un des éléments clés.

Mais à ce tableau d’une ville de Berlin à la vie culturelle en constante effusion56, d’une ville à chaque instant au cœur des débats urbains et au cœur de l’attention architecturale mondiale, il convient d’ajouter une autre vision, celle du spectre du déclin. A l’instar de la plupart des villes de l’ancienne Allemagne de l’Est, sauf Dresde, qui s’est affirmée comme une des capitales mondiales des nanotechnologies et Leipzig qui a retrouvé une bonne part de son ancien dynamisme commercial, Berlin est depuis les années 1990 toujours au seuil statistique, politique et psychologique de la catégorie des villes en déclin57. Pertes démographiques, difficultés financières, difficulté à attirer les investisseurs internationaux, face à la perspective du tarissement des financements fédéraux exceptionnels, ou du moins de leur contingentement plus strict, Berlin risque à tout moment de rejoindre la cohorte des villes de l’Est en déroute. Le slogan longtemps en vigueur pour la communication locale, à la suite d’une phrase du maire Klaus Wowereit (SPD), « 
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