Scénario : Jacques Prévert et Paul Grimault d'après le conte d'Andersen








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Un roi, un modèle

Au pouvoir absolu du roi correspond un unique sujet pour l’art : la figure du roi lui-même. Toute la production artistique du royaume se concentre en effet autour de cette figure, inlassablement reprise par tous les arts (peinture, sculpture), sous diverses poses (bustes, portraits en pied, à cheval...) et selon différentes échelles [1]. Le caractère obsessionnel de cette production artistique de masse – mis en évidence par la séquence de l’usine – répond à l’impératif d’omniprésence de la figure du despote : pour assurer sa propre subsistance, celui-ci doit surveiller ses sujets sans relâche et donc être ici et partout. Les reproductions du roi sortent donc de l’usine à la chaîne et parsèment la ville. Et l’on peut rapprocher cette omniprésence symbolique du roi dans la cité de celle, réelle, des policiers dans la ville : dans les deux cas, il s’agit de rappeler partout la présence et la force du pouvoir étatique. (Il n’y a que dans l’appartement du roi que d’autres œuvres d’art se donnent à voir, mais cet appartement est secret, et ces œuvres ne sont visibles que par lui).










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Le fait que le roi soit l’unique modèle des arts suggère encore les idées suivantes : le despote incarne l’État à lui tout seul et le caractère absolu de son pouvoir l’amène à s’isoler de tous. De fait, la ville haute semble étrangement déserte, privée d’habitants en dehors du roi et de ses sbires.

La production artistique est fondamentalement propagandiste : les reproductions sont mensongères (au début du film, un artiste est châtié parce qu’il peint le strabisme du roi) et exaltent toujours la figure royale, que ce soit par la quantité (production de masse), la taille (gigantisme de certaines reproductions), ou les poses (on montre un héros et un homme d’action, souvent à cheval, parfois en train de combattre). Le cadrage renforce encore parfois ironiquement cette exaltation par l’usage de la contre-plongée [2].

 

Le productivisme et l’aliénation du travail

Le caractère despotique et absolu du pouvoir apparaît encore dans la description du productivisme à l’œuvre dans l’usine. L’obéissance des sujets du royaume est en effet figurée par le mode de travail, mécanique et aliénant. De même que la machine est un système entraîné par une impulsion ou une source d’énergie unique, les différents rouages de l’État sont activés par la seule personne du despote [3].

La présence policière dans l’usine (homme en armes, policier) renforce l’idée de cette comparaison entre l’organisation du travail et celle de la société (même omniprésence policière). Le rappel de l’absoluité du pouvoir se donne encore dans le décalage complet entre l’oisiveté du policier, qui mange nonchalamment [4] et la suractivité des travailleurs. Les accents martiaux et militaires de la musique, ainsi que la forme des moules des sculptures du roi qui ressemblent à des obus [5], renforcent le rappel de la toute-puissance royale.

Enfin, la production artistique ressemble ici à n’importe quelle production industrielle standardisée : le travail se fait à la chaîne et en fonction de critères de rentabilité (on voit des courbes de productivité dans le bureau du superviseur [6] ; un réveil, derrière un contrôleur, montre l’importance du temps de travail). Les ouvriers sont esclaves de la machine, pressés, surveillés, et le travail est parcellisé : chacun accomplit un geste unique, répétitif et absurde.




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Une subtile dénonciation

La séquence ne cesse de dénoncer, de manière plus ou moins directe, le despotisme et l’asservissement de l’art. Le pouvoir absolu apparaît d’abord comme un simple vêtement d’emprunt (et non comme une caractéristique naturelle), puisqu’un plan profane ironiquement le secret de fabrication des rois : pour faire un roi, il suffit de poser une couronne ! [7]

Tout un jeu sur des couples de contraires permet de mettre en évidence le fonctionnement du royaume de Takycardie et de dénoncer ses abus. Le réel et l’apparent, le haut et le bas, ainsi que l’endroit et l’envers structurent en effet la critique orchestrée par Grimault. Les moulages des statues sont en effet montrés à l’envers et à l’endroit : à l’endroit, ils exaltent la figure royale ; à l’envers, on s’aperçoit que ces moulages sont totalement creux et que l’autorité royale ne repose sur rien [8].

La métaphore verticale ne cesse d’insister tout au long du film ; dans la séquence de l’usine, on distingue à deux reprises le haut (la tête) et le bas du corps. Une succession de deux plans sépare en effet les pieds de la statue gigantesque et sa tête ; plus tard, un même plan utilise la profondeur de champ pour répéter cette séparation [9]. La distinction du haut et du bas semble correspondre à une distinction entre le lieu de commandement (la tête) et le lieu de la simple exécution servile (le corps). Cette distinction renvoie aussi bien à la structure sociale du royaume qu’à l’organisation du travail dans l’usine.

La métaphore verticale est aussi celle du dessus et du dessous. Au-dessus est l’apparat (les statues), et l’ordre apparent, plus ou moins inacceptable ; mais au-dessous existe un monde encore plus terrible. Sous la trappe, on découvre en effet les travailleurs de l’ombre : ils sont vus en plongée, comme écrasés par leur tâche, qui semble purement physique [10]. Le « mouvement de caméra » (panoramique vertical) qui suit la découverte de ces travailleurs accentue encore l’organisation verticale de la séquence.

La révolte des personnages, enfin, peut être lue comme une remise en cause de la standardisation des images et une apologie du dessin animé tel que le pratique Grimault. La révolte rageuse, ludique et impertinente de l’oiseau et du ramoneur constitue en effet une libération face aux images standardisées et produites à la chaîne : libération pour eux (ils désobéissent et évacuent la colère contenue), mais aussi pour les images elles-mêmes, qui retrouvent leur vérité (le roi louche), leur liberté et leur originalité [11]. En ce sens, la séquence met en abyme l’obstination de Grimault lui-même, et son refus des images standardisées et bien-pensantes. Refusant de délocaliser la production de son film, Grimault s’est résolu à prendre son temps, à rester indépendant et à ne jamais verser dans les idées toutes faites sur ce que les enfants peuvent ou ne peuvent pas entendre et voir dans un dessin animé.

Benjamin Delmotte



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L’influence de Paul Grimault

L’univers et le graphisme de Paul Grimault sont uniques. De même qu’on ne peut lui trouver de précurseurs (hormis Emile Reynaud le pionnier), Grimault n’a pas de descendant direct. Il a accueilli des talents naissants dans son studio comme Jacques Colombat (Robinson et compagnie 1991), Philippe Leclerc (Les Enfants de la pluie 2003) mais aucun d’eux n’a fait du Grimault.












Quand ils étaient dans son studio, Laguionie et Colombat ont tout de suite adopté la technique du papier découpé. En ce sens, Grimault a plus créé un esprit qu’une école. Dans les années 40, il libérait le dessin animé du modèle disneyien. Aujourd’hui, il demeure le point de repère essentiel pour tous les nouveaux animateurs opposés à la fabrication du dessin animé formaté qui se conçoit « en usine ».

Cet esprit se perpétue aujourd’hui autour de Jean François Laguionie et le studio La Fabrique mais aussi chez le studio Folimage auquel il a emprunté sa fantaisie et son sens de l’innovation. Dans un juste retour des choses, c’est le studio Folimage qui réalise, vingt-trois ans après Grimault, le deuxième long métrage d’animation produit uniquement en France, La Prophétie des Grenouilles en décembre 2003.

Doc spécifique au film :
TDC numéro 243 du 1/05/1980 : Un dessin animé : le roi et l'oiseau..
Diapositives : La bergère et le ramoneur, d'après le conte d'Andersen, 24 diapositives

Certaines pistes de travail font référence aux sites suivants :

www.pedagogie.ac-toulouse.fr/ecoleetcinema31/films/roi_oiseau/roi.pdf

www.ardecol.ac-grenoble.fr/cinema/2005_2006/roi_oiseau.htm

http://crac.lbn.fr/image/fichefilm.php?id=96

ttp://www.cndp.fr/tice/teledoc/plans/plans_roioiseau.htm
D’autres sites
- Le site officiel du film : http://www.paulgrimault.com/paulgrimault.html
- Sur le site http://www.objectif-cinema.com sélectionner dans le "magazine", la rubrique "dossiers" puis "Le roi et l'oiseau".
- Le site du CRAC de Valence, habituelle mine de fiches sur les films et les réalisateurs :
- Le site du cinéma Le France : http://www.abc-lefrance.com/fiches/Roietloiseau.pdf
- Le site http://cinegamin.free.fr/pages/docpeda/films/roioiso/pages/roioiso1.htm
Dossier réalisé par

Pierre Gallo – Conseiller Pédagogique Arts Visuels

Contact :Inspection académique du Calvados – Hérouville St Clair – 02.31.45.96.83

Site Ecole et Cinéma Calvados (dans lequel vous pouvez télécharger les dossiers pédagogiques)

www.etab.ac-caen.fr/circoherouville/



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