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LES DESSiNS DE LEO DROUYN…

A PROPOS DE L’HiSTOiRE DE L’ABBAYE DE BRANTÔME

par Paul Dubuisson

Collection

Balades brantômaises


LES DESSiNS DE LEO DROUYN…

A PROPOS DE L’HiSTOiRE

DE L’ABBAYE DE BRANTÔME
par Paul Dubuisson
mise en page & présentation de Philippe Jacqmin

Atelier d’Histoire

INiTiATiVES - PATRiMOiNE

Brantôme MMX

LES DESSiNS DE LEO DROUYN…

A PROPOS DE L’HiSTOiRE DE L’ABBAYE DE BRANTÔME

par Paul Dubuisson


On ne peut que louer sans réserve le travail de Brigitte et Gilles Delluc pour la parution de la collection de dessins de Léo Drouyn si précieusement conservée par la S.H.A.P. qui a su si bien choisir Jacques Lagrange pour en concevoir et réaliser l’édition.
Pour faire ressortir l’importance de ces dessins on pourrait bien sûr évoquer leur précision remarquable si cela n’avait pas été fait depuis longtemps ; en faisant ressortir cette touche parti-culière que l’auteur sait nous donner en nous dessinant un personnage qui nous donne l’échelle du monument représenté…

Mais bien entendu, c’est la représentation de ces monuments en eux-mêmes qui nous intéresse tellement, pour nous les faire revivre à une époque où la photographie n’existait pas ; et bien sûr, nous sommes particulièrement intéressé quand leur aspect a été appelé à changer depuis les temps où notre artiste les a saisis ; il n’est pas étonnant que nous ayons été tout particulièrement frappés par les représentations qu’il nous a données de Brantôme et de son abbaye encore meurtris des abandons consécutifs à la Révolution, quelques temps avant qu’Abadie n’entreprenne leur restauration en ce milieu du XIXème siècle.


Et nous sommes d’autant plus portés à prendre cet exemple de Brantôme que son célèbre clocher a été choisi pour figurer en pleine page en tête des dessins de cette remarquable édition… qui nous propose plus de vingt dessins se rapportant à Brantôme.

De la Cheminée maure au Dolmen de Pierre-Levée
Parmi ces dessins, deux seulement ne se rapportent pas à l’Abbaye : c’est d’abord celui de la « Cheminée maure » de « l’Hôtel Saint-Pierre » (longtemps appelée « lanterne des morts »)  [1] ; on peut d’autant plus en admirer l’élégance de ses colonnes à arcs trilobés que, normalement, on a de la peine à la voir par-dessus les toits où elle se cache ; notre artiste a dû s’élever, pour pouvoir la prendre, dans les étages de quelque maison voisine.
L’autre page qui ne se rapporte pas à l’Abbaye est celle qui a été consacrée au dolmen de Pierre-Levée [2] ; celui-ci n’avait pas encore été nanti de sa béquille de maçonnerie par le Service des « Beaux- Arts » qui, craignant un jour pour sa stabilité avait même pris une assurance « responsabilité civile » en cas d’effondrement. Ce dessin est accompagné de trois croquis cotés très précis [2a, 2b & 2c] qui nous montrent en particulier de nombreux aménagements un peu énigmatiques (rainures, perforations, encoches) pratiqués dans la table principale et qui peuvent nous confirmer l’usage astronomique de ce très ancien mégalithe manifestement orienté en fonction des positions solaires aux équinoxes et aux solstices.

De la Fontaine Saint-Sicaire à la Grotte du Jugement dernier
La presque totalité des dessins concernent l’Abbaye ; parmi ceux-ci, nous remarquons la vue générale prise du côté du pont « Porte Rivière » (côté Périgueux au sud de l’île) [3] ; grâce à celui-ci, nous pouvons nous rendre compte que le toit de l’église est effondré, mais nous pouvons encore constater l’existence, sur le Quai Bertin, d’une grosse tour ronde des remparts aujourd’hui disparue.
Pour les dépendances immédiates de l’Abbaye, nous avons le dessin de la « Fontaine Saint-Sicaire » avec ses aménagements et décors creusés directement dans le rocher [4] ; elle était alors encombrée de grava(t)s mais elle est toujours en attente de quelques fouilles qui pourraient confirmer son utilisation comme baptistère lors de sa transformation du temple païen en église, au IVème siècle.
L’atmosphère de la Grotte du Jugement dernier ne semble pas avoir inspiré du tout notre auteur (les lieux, à cette époque, ne devaient pas être aisés d’accès) : le dessin de la grande sculpture de cette grotte ne nous semble pas de la bonne facture habituelle de Léo Drouyn  [5] : il donne l’impression d’un manque de précision, d’application et de délicatesse (peut-être aussi d’une plume en mauvais état ?) ; mais l’autre bas-relief (qu’il ne nous a pas représenté : la crucifixion) ne trouve pas grâce à ses yeux : il dit beaucoup de mal de sa mauvaise exécution.

Nous pensons à ce sujet que Léo Drouyn n’a pas cherché à connaître les raisons historiques et douloureuses qui ont engagé les abbés à faire sculpter ces sujets sur les parois de cette grotte : le premier, au XVème siècle, sur les avantages de la renonciation aux richesses matérielles, alors que les moines vivaient en troglodytes, après les destructions de la Guerre de Cent Ans, avant les reconstructions de la fin du siècle ; et le second en plein XVIIème siècle, alors que les soldats de la Fronde venaient d’établir leur cantonnement avec leurs chevaux dans l’église abbatiale elle-même : la représentation d’un Christ affreusement douloureux, du style janséniste de l’époque, avec une Marie-Madeleine au[x] pied[s] de la Croix (celle-là même qui est la patronne de la basilique de Vézelay d’où partait l’itinéraire jacquaire passant par Brantôme (cette crucifixion sculptée devant l’autel provisoirement installé pour rappeler la très belle crucifixion du chevet de l’église !).

Du cloître à la statue de saint Pierre et aux chapiteaux
Un très beau dessin du cloître [6] nous rapproche de l’église, en nous faisant regretter que la restauration ne nous en ait conservé que l’un des quatre côtés, avec ses ogives de style flamboyant et ses piliers de balustrade qui l’entouraient et qui ont été utilisés en bordure de la rivière… Dommage !

La page 82 [7] nous montre un ensemble très riche de dessins divers parmi lesquels on doit admirer celui des baies jumelles du chœur ouvertes au début du XIIIème siècle (après la destruction des Paillers en 1183) [7a].
A gauche, nous voyons un curieux bas-relief [7b] qui était déjà difficile à interpréter en raison de la « maladie de la pierre » qui bientôt lui aura fait perdre tout intérêt ; pourtant nous pensons qu’il s’agit du saint Pierre qui surmontait la porte d’accès au monastère du côté du cloître ainsi qu’on peut le voir sur le dessin de la façade générale dessinée ailleurs ; d’après le livre de Fournier-Vermeil (fils d’un huissier de Brantôme, notaire à Paris) « Curiosité et indiscrétion », 1824, Imprimerie Boucher à Paris, cette statue, prise pour celle d’un tyran « fut jetée à la rivière au début de la révolution ; des pieuses mains ont dû l’en retirer après la tourmente » : Léo Drouyn dit qu’elle était encastrée dans le mur ouest de l’église alors qu’Abadie l’a placée dans l’angle est, où la pollution de la route la ronge

.

Cette même page 82 nous reproduit le détail de plusieurs chapiteaux de l’église [7c…] qui nous indiquent que, si Abadie, lors de la restauration, n’a pas toujours utilisé les originaux, a du moins eu à cœur de nous en laisser des copies fidèles.

L’église abbatiale et son clocher campanile

Les deux principaux centres d’intérêt de cette édition, en ce qui concerne Brantôme, restent les dessins consacrés, d’une part au clocher (campanile) et d’autre part à l’église abbatiale : paradoxalement, ceux concernant l’église – complètement en ruine – nous apprennent peut-être plus de choses que ceux concernant le clocher qui, lui, a conservé sa même ancienne allure générale.
Le fameux clocher campanile de Brantôme : bien entendu, nous ne pouvons pas ne pas nous intéresser, en premier, au dessin de cette majestueuse « tour à cloches » [8] : l’ordre chronologique et l’importance de l’histoire de l’architecture nous demandent de commencer ainsi, d’autant plus que le dessin de Léo Drouyn a été pris à partir d’un endroit tout à fait inhabituel – et difficile d’accès - ce qui a l’avantage de bien nous montrer que sa construction est faite sur le rocher même, indépendamment de l’église, ce qui justifie son appellation de « campanile »

Ce dessin a une autre importante qualité à nos yeux, c’est qu’il nous fixe l’état de ce clocher avant que ne commence la restauration Abadie (sans, malheureusement, répondre à toutes les questions que nous pouvons nous poser, comme le problème de son accès) ; on a tendance, parfois, à prêter à Abadie tellement de frénésie destructrice qu’il est bon que nous puissions nous rendre compte, grâce à Léo Drouyn, qu’il a conservé à ce fameux clocher l’aspect général que les siècles lui avaient donné… Et ce témoignage nous est d’autant plus précieux qu’il était survenu, au cours du XVIIème siècle une mésaventure ( !) étonnante à l’histoire de la représentation de ce clocher : on sait qu’à cette époque, près de deux cents abbayes bénédictines, dont celle de Brantôme, adhérèrent à la Réforme de la Congrégation de Saint-Maur, laquelle, dans son ardeur rénovatrice, touchant notamment l’histoire religieuse qui devint alors, peut-on dire, le début d’une histoire moderne dans sa conception, fit établir une notice historique pour chaque monastère, accompagnée d’une vue cavalière permettant d’en reconnaître l’aspect avec précision.
L’Abbaye de Brantôme avait adhéré au mouvement sous l’abbé Faulcher (1633-1648) et devint un centre très actif, avec la grande compétence de dom Estiennot, ami de dom Mabillon, qui deviendra prieur de Brantôme, avant d’être nommé comme « procureur général » de son ordre à Rome.

Or, il se trouve que dom Germain, chargé de collecter les informations et de réaliser les dessins des différentes abbayes, mourut alors que le travail d’édition commençait à peine… et celui-ci ne verra le jour – après toutes les lacunes et pertes qu’on imagine (dont la notice concernant Brantôme) -, qu’avec le « Monasticon Gallicanum » à Paris, en 1983, dans « Les Humanités du XXème siècle »…

On doit constater, à l’aspect qu’il a donné à notre clocher de Brantôme [A], que notre dom Germain avait dû travailler sur des croquis pris lors de ses randonnées à travers la France, qu’il reprenait ensuite… : le petit clocher timide et sans caractère qu’il nous a représenté ne correspond pas du tout à l’orgueilleux clocher que nous sommes habitués à apprécier.

Nous avons une bonne raison d’affirmer que dom Germain s’est complètement trompé à ce sujet, c’est que nous possédons une autre représentation de ce même clocher - antérieure de peut-être cent ans - dans un des deux bas-reliefs de bois doré, récemment restaurés - sans doute sauvés de la vente « à l’encan » de 1791 ! -, concernant la remise par Charlemagne à l’Abbaye des reliques de saint Sicaire (voir Paul Dubuisson, Ce que l’on peut dire du petit saint Sicaire, éditions Cétoucom, Brantôme, 1998, - A la Librairie de l’Abbaye) [B] ; ainsi, nous avons la possibilité de constater une

continuité dans l’aspect traditionnel de ce clocher du XVIème au XIXème siècle, le dessin de dom Germain au XVIIème siècle se révélant être une erreur regrettable ; sur ce sujet, d’ailleurs, nous pourrions rappeler que le célèbre portail de Moissac nous a laissé une sculpture qu’on s’accorde généralement, et à juste titre, à considérer comme représentant le clocher de Brantôme [C] … ce qui nous rapproche sérieusement de ses origines historiques… (voir Paul Dubuisson, Le plus vieux clocher de France, éd. A.G.I., 163oo Vars, 2ooo, - A la Librairie de l’Abbaye.)
L’histoire des représentations de ce clocher avant l’ère de la photographie et de la multiplication des amateurs de peinture, ne sera pas terminée avec Léo Drouyn puisqu’Abadie nous en donnera un croquis (avec une coupe) [D & D1], et, grâce à lui, Viollet-le-Duc en mettra un dessin dans son célèbre « Dictionnaire de l’Architecture » [E]… dont nous aurons l’occasion de dire un mot plus loin.
Remarquons en commençant l’examen des dessins de Léo Drouyn que la précision des ombres et de la lumière ne peuvent que nous confirmer la date qu’il lui a attribuée (août 1846) : c’était en effet un matin d’été ; nous négligerons pour le moment la vue de l’église effondrée dont on domine les ruines, à gauche, au pied de la falaise pour remarquer, à la base du clocher, les deux arcs en plein cintre, correspondant à la salle « hypogée » qui est à demi creusée dans le rocher (ainsi que certains « pilastres » utilisés pour la « proto-coupole » qui caractérise cette salle [8].
Le visiteur brantômais est malheureusement habitué à voir ce clocher du côté opposé à celui pris par Léo Drouyn, car il le regarde en général à partir du pont et du cloître, du côté de son angle sud, ce qui est dommage [F], car ce côté a été manifestement remanié de façon très grossière à partir de la base du triangle du gâble : on peut remarquer là un bandeau de pierre étroit, soutenu par de petits corbeaux, complètement différent de tous les autres bandeaux qui ceinturent, extérieurement et intérieurement, le clocher à des niveaux différents avec incisions en rectangles et en triangles ; cela nous indique que cette « restauration » pourrait avoir été pratiquée après les destructions vikings (?), car la belle époque de reconstruction romane qui a suivi la restitution des biens à l’Abbaye par le comte Bernard, avec les abbés Martin et Grimoard en fin du Xème siècle, ne lésinait pas sur les travaux et leur style.
Sur le côté opposé du clocher, que nous donne à voir le dessin de Léo Drouyn, on peut voir au contraire la belle symétrie (non contrariée par de mauvais aménagements) des deux angles nord et est, avec des appuis d’angle soutenant les retraits qui semblent nous annoncer l’évolution qui se produira dans l’architecture des derniers étages des clochers « limousins » qui deviendront octogonaux et dont le plus bel exemple si magnifiquement élancé nous est donné par le clocher de Saint-Léonard-de-Noblat.
A propos de l’extérieur de ce clocher, nous aurons une observation à faire à notre dessinateur dont l’exactitude va être prise en défaut : du côté gauche du clocher il aurait dû nous faire apparaître le côté du triangle du gâble de la face sud-est, car elle ressort puissamment jusqu’au dernier niveau ; par contre Léo Drouyn n’a pas succombé à la faute commise par Viollet-le-Duc qui, dans son dictionnaire d’architecture a montré à tort sur le gâble côté cloître la décoration du gâble qui existe sur ce côté sud-est, le plus visible [G]. (Nous rappelons, pour ordre simplement, que la face du clocher côté nord-ouest ne comporte pas de gâble.)
Enfin, Léo Drouyn a fait figurer, au haut de la pyramide du toit de pierre une pointe de fer alors qu’actuellement il y a une croix [8] ; sur le dessin du « Monasticon Gallicanum » [A], il y a aussi une croix mais qui sert de girouette, avec flèche d’orientation et un coq traditionnel (emblème gaulois, dit-on, mais aussi religieux depuis que saint Pierre, ayant renié le Christ, a entendu le coq chanter trois fois, ce qui a provoqué son repentir : il se pourrait que cette pointe de fer subsistant en 1846, représente ce qui restait de cette girouette (après destruction de la croix, lors de la Terreur de 1793-1794 ayant ordonné de faire disparaître tout emblème religieux, quelque champion a voulu se distinguer pour réaliser cet exploit à Brantôme) ; en tous cas, l’espèce de dé pyramidal de pierre qui termine le sommet de la pyraminade du toit aurait bien pu servir de support à un système de girouette…
L’intérieur du clocher n’est représenté que par une seule vue [9], celle de l’étage le plus « carolingien » s’il peut y en avoir de qualifié ainsi, avec, sur trois côtés, un irremplaçable ensemble

qui ne peut qu’enthousiasmer un archéologue, avec ses arcs doubles légèrement surhaussés à petits claveaux étroits, encadrant de petites baies jumelles de même facture avec des chapiteaux (dont deux ont été reproduits au Musée des Monuments français au Palais de Chaillot, comme « typiquement carolingiens » [H & I] ), des tailloirs continuant à l’intérieur de l’édifice le même bandeau de pierre qu’à l’extérieur, avec les mêmes incisions rectangulaires et triangulaires, des colonnes sculptées parfois dans le même bloc que le mur attenant (et même une colonne monolithe de pierre polie vert amande – remploi gallo-romain ?). Léo Drouyn a éprouvé le besoin d’agrandir ce dessin à la mine de plomb en lavis [1o] et, 12 ans plus tard, en a fait établir une gravure sur bois pour le Congrès archéologique de 1858 [J].
Nous avons la chance que, depuis 1846, les murs qui fermaient les espaces entre les colonnes en ont été enlevés ; par contre nous regrettons que notre dessinateur n’ait pas eu l’idée de nous donner la quatrième face de cette salle où on voit actuellement l’amorce d’un passage fermé dans l’épaisseur du mur [fig. 1], et encore moins de nous laisser sur notre faim en ce qui concerne la salle « hypogée » (accessible seulement maintenant par un escalier pratiqué par Abadie dans l’épaisseur de la voûte de l’église) et qui recèle cette proto-coupole [fig. 2] montée ni sur trompe ni sur pendentif, avec ses colonnes, chapiteaux et entablements primitifs.

L’église abbatiale Saint-Pierre en ruines
Le dessin (p. 83), daté du 12 août 1846, comme celui du clocher, nous montre l’intérieur de l’église en direction du chœur [11]. Nous constatons que Léo Drouyn avait dû grimper dangereusement sur un tas de démolitions pour parfaire son travail très précis ; nous pouvons compléter nos informations en considérant ce que nous en voyons dans l’autre sens en vue plongeante depuis le pied du clocher sur la colline [12] ; à défaut de posséder des notes prises par Abadie, nous avons, avec ce dessin, un bon moyen de compléter les descriptions - parfois dithyrambiques, mais très peu techniques - de l’Abbé Audierne chargé de mission par le Conseil général  [doc. I] : cela nous confirme que c’était le mur goutterot (ou gouttereau) (côté colline) qui s’était effondré, entraînant la deuxième, puis la première voûte.

On peut tout de suite constater que la voûte du chœur (et l’arc « triomphal » qui sépare le chœur de la travée précédente) n’avait pas bougé : elle avait été reconstruite après les destructions des Paillers en 1183, au début de la période gothique ; les vitraux sont restés aux mêmes endroits (il semble que les verres n’en aient pas complètement disparu : quelques traces de verres et de plomb de sertissage semblent encore subsister) ; rappelons qu’Abadie a eu le scrupule de conserver pour les deux travées qu’il a reconstruites la même épaisseur des assises de pierre que celle du chœur pour tout le tour de l’église.
La coupure de la deuxième travée nous permet d’admirer la technique de la charpente qui ne s’appuyait pas sur les voûtes (celle qui a été refaite par Abadie a été réalisée sur un modèle semblable) ; nous constatons aussi qu’il paraît avoir eu à cœur de nous conserver (au moins par copies) les anciens chapiteaux romans qui, au-dessous du départ des voûtes gothiques, soutenaient les arcs romans portant les coupoles de la reconstruction du début du deuxième millénaire(s) ; ces chapiteaux se reconnaissent à leurs décors d’animaux ou de monstres ; d’autres chapiteaux nous rappellent au contraire ceux de la primitive « basilique » construite par Charlemagne détruite par les Normands : on reconnaît très bien le départ de ces anciens arts romans, remarqués par l’abbé Audierne, dans le pilier droit représenté par le dessin de Léo Drouyn… ainsi qu’à gauche, du côté du mur démoli où l’on reconnaît une colonne plus basse et son chapiteau - Abadie en a profité pour élargir très astucieusement la deuxième travée lorsqu’il en a reconstruit les murs ; les voûtes (de style Plantagenet) de la première et (de) la deuxième travée avaient été refaites - ou restaurées - au plus tard après la guerre de Cent Ans à la fin du XVème siècle, si elles n’avaient pas été déjà reprises au XIIIème siècle, lors de la reconstruction du chœur.
Abadie, dans son beau travail du XIXème siècle a simplifié la lecture de l’architecture de cette église en conservant aux deux premières travées leur allure romane (avec les voûtes gothiques dont elles étaient déjà couronnées).


Ruines et reconstructions
Dans son réalisme misérable, le tableau de cette ruine que Léo Drouyn nous a transmise nous donne un remarquable témoignage de ce que ce vénérable monument est devenu cinquante-cinq ans après le départ des derniers moines [13].
L’abbé Pradier, dans son humble mais riche petit livre sur les monuments de Brantôme (1898, Imprimerie de la Dordogne à Périgueux) nous fait vivre l’agonie des dernières semaines du monastère [doc. II] ; nous ne retiendrons ici que la dernière cérémonie qui se déroula solennellement dans cette église le 15 avril 1791, en en évoquant seulement rapidement les circonstances (nous réservant de revenir ultérieurement sur cette belle page d’histoire) ; elle trouva sa justification dans la célébration de la mort de Mirabeau (survenue subitement au faîte de sa gloire le 2 avril précédent) ; les « citoyens » de Brantôme, félicités de leur initiative, célébrèrent ainsi dans leur « grande église » un dernier service (funèbre) officiel, clôturant des grandes heures de leur abbaye dont ils voyaient bien que la fin était irrémédiablement programmée.

Dès le 18 mars précédent déjà, les objets d’argent, dont les scellés avaient été levés, avaient été envoyés à Périgueux, et l’ordre donné d’afficher la vente des effets mobiliers (qui commencera le 18 avril) ; de plus, les deux derniers « ex-religieux », les « sieurs » Chalus et Richard, désirant se retirer, remettent les vêtements, livres et objets nécessaires au culte, qui leur avaient été laissés…
… Mais lorsqu’en 1846 Léo Drouyn est passé par Brantôme - ce dont il nous a laissé des détails aussi remarquables ! - déjà l’abbé Audierne, délégué par le Conseil général, était venu faire un rapport qui allait sauver l’abbaye ; la machine administrative de la rénovation était déjà en marche (Prosper Mérimée, Viollet-le-Duc, Abadie passent apprécier les travaux…). Et dès le 3o décembre 1858, Mgr George, évêque de Périgueux, assisté du généreux et saint curé Manet, venait bénir cette antique église redevenue église paroissiale, comme avant Pépin le Bref…
Paul DUBUiSSON
Ces notes sont déposées dans les archives de l’Association Loi 19o1 « Initiatives-Patrimoine »,

à l’Abbaye, boulevard Charlemagne, à 2431o Brantôme.

Mise en page & présentation de P. Jacqmin. 2o1o.

Les chiffres (1, 2, 3…) renvoient aux dessins publiés dans l’ouvrage de B. et G. Delluc ;

les lettres (A, B, C…) à d’autres documents iconographiques anciens, les clichés (fig. 1, 2, 3…)

à des photographies contemporaines ;

les dernières mentions (doc. I, II, III…) renvoient à des ouvrages publiés.
Pour la chronologie, se référer à notre chronologie brantômaise en construction, consultable sur notre site www.pays-de-brantôme.e-monsite.com dans la rubrique « Notre Atelier d’Histoire ».

www. pays-de-brantome.e-monsite.com





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