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utilisée (« eau emmagasinée ») et son impropriété technique, voir ci-après note 59.
12 Sur la cohérence de ce dossier, on verra maintenant mes fortes réticences dans Briant 2001b.
13 Voir discussions et bibliographie dans Briant 1980, 1982a : 405-430, 475-489 ; 1996 : 772-774, 826-829.
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Pierre Briant • Qanats

(1979 : 71) — écrit-il en reprenant une célèbre formule utilisée par Hérodote à propos de la vallée du

Nil 14. Dans un «review-article» par ailleurs fort critique, X.de Planhol a repris l’expression: «Ce fut

le fondement de la puissance des Achéménides» (1992 : 131). Je n’ai pas l’intention de reprendre ici une

discussion, qui, pourtant, est maintenant nourrie par les découvertes d’Ayn Manâwîr15: elle ne concerne

pas directement mon propos, axé spécifiquement sur le texte de Polybe et sur les informations qu’il

transmet. Je ne reprendrai pas non plus ici la discussion (maintenant caduque à mon avis) sur le « despotisme

oriental», ni sur «le mode de production asiatique» 16. Comme je l’ai déjà montré ailleurs, nous

sommes là dans le cas de travaux pris en charge par les communautés locales, et non par l’état central 17:

celui-ci, comme le suggère très clairement Polybe, n’enrégimente pas des milliers de travailleurs, il

accorde aux paysans sur plusieurs générations la jouissance des terres ainsi mises en culture, en échange

des immenses investissements en temps et en argent qu’ils auront consentis (Polybe 28.4). Plus

important, me semble-t-il : le texte de Polybe montre que le système était toujours en place à la fin de

la domination achéménide: en cela, il contribue à une évaluation plus saine de la situation qui prévaut

à l’arrivée des Macédoniens 18 .
Quoi qu’il en soit de ces discussions en cours, le fait reste: c’est l’importance unique du texte de

Polybe. Quelles que soient par ailleurs ses imperfections descriptives et informatives (voir ci-dessous),

nous avons là la seule description antique d’un qanåt. Nous n’avons aucun autre témoignage écrit datant

de l’Antiquité 19. D’où l’intérêt que peut présenter un ré-examen en détail d’un texte que l’on a souvent
14 Dans Goblot 1963 : 511, l’auteur a une expression encore plus emphatique : « Sans cette technique des qanåts,

l’histoire du monde aurait été changée ».
15 Voir ici même l’étude de Michel Wuttmann.
16 Je rappelle simplement que le texte de Polybe n’est pas cité ni commenté par K. Wittfogel (Briant 1982a : 426).
17 Voir ma démonstration dans Briant 1980 : 96-99 (en discutant Bucci 1973) et 1982a : 485-486. Il est d’ailleurs

possible qu’en cela l’objectif de l’administration achéménide était autant stratégique qu’économique :

cf. Briant 1984 : 67.
18 Voir Briant 1996 : 826-829, et ci-dessous p.36-37 mon hypothèse sur la chronologie.
19 Concernant les qanåts de’Ayn Manâwîr, bien présents dans le paysage, leur terminologie démotique n’a pas été

encore repérée dans les contrats étudiés par M. Chauveau (ce volume). De son côté, le Père de Menasce

(1966) avait naguère édité et commenté des textes juridiques pehlevis qui, selon lui, concernent la

distribution de l’eau des qanåts. Il y a un double problème avec cette interprétation : (i) selon Pagliario 1938

(en particulier p. 75, non cité par de Menasce), le terme utilisé, katas, renvoie à un « canal » à ciel ouvert,

non spécifiquement à un qanåt ; (ii) Goblot (1979 : 20 et n. 47) admet l’équivalence katas/qanåt comme

une évidence, en se reportant à l’article de Menasce 1966 ; le problème est que celui-ci reconnaît (p. 167-168)

que c’est à la suite d’échanges avec Goblot qu’il a « pu donner un sens [à ces textes] et triompher d’une

obscurité qui n’existe pas pour qui connaît la réalité dont ils traitent»: bref nous sommes là confrontés à

un typique échange circulaire. Dans une lettre personnelle du 28/2/2001, dont je le remercie chaleureusement,

Philippe Gignoux m’informe que les textes relatifs aux kahas (graphie adoptée de nos jours) viennent

principalement (mais pas seulement) du Mâdâyan i hazâr dâdestân, « traité juridique d’époque sassanide,

du début du 7e siècle », et il m’indique qu’une spécialiste de cette oeuvre (Maria Macuch) a l’entrée suivante

dans son index: kahas, «Bewässerungkanal; Kanal; qanåt». Une relecture des textes traduits par de Menasce

peut donner à penser que ces textes pehlevis pourraient bien effectivement traiter de qanåts: il n’en reste

pas moins que le terme utilisé a un sens générique de « canal », y compris de canal à ciel ouvert (sens que

la discussion de Macuch n’exclut évidemment pas : voir ses commentaires sur le MHD 85.7-86.17, en discutant

Pagliaro et de Menasce ; Macuch 1993 : 555-559).
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Pierre Briant • Qanats

lu trop rapidement, sans en peser la terminologie ni la construction 20. Si, dans des études antérieures 21 ,

j’avais admis, avec Goblot (1979 : 71) et bien d’autres, que le passage de Polybe illustre et explique ce

qu’est un qanåt, la relecture que j’ai menée m’amène maintenant à douter du bien-fondé de certaines

interprétations. Si j’ai été conduit à entreprendre une telle relecture, c’est, d’une part, en tentant

d’intégrer les nouvelles découvertes d’Ayn Manâwîr dans le cadre de l’histoire achéménide, et c’est, d’autre

part, en réfléchissant une nouvelle fois sur la méthode à suivre pour interroger les sources grecques évoquant

telle ou telle réalité (institutionnelle, technique etc.) de l’empire achéménide.
2Contradictions et incohérences
Pour éviter tout malentendu, je précise très clairement que je n’entends pas contester que le texte de

Polybe renvoie bien à des qanåts —sur ce point il n’y a pas de discussion; j’entends simplement mettre

en doute la pertinence de la description qu’il en a transmise. Selon Goblot (1979 : 71), je l’ai dit, on

trouve dans le passage «la description exacte des qanåts: Polybe n’oublie aucun de ses éléments (la galerie

souterraine, les puits d’aération, les citernes), et, surtout, il a fort bien vu que l’eau provenait de nappes

souterraines constituées par l’infiltration des pluies abondantes sur les flancs de l’Elbourz ». En d’autres

termes, selon Goblot, Polybe avait en tête un schéma identique à celui que Goblot lui-même a proposé

à maintes reprises et que je reprends ici (fig. 2): on aurait là une adéquation parfaite entre l’information

antique et les observations faites à l’époque moderne et contemporaine par des techniciens

et des archéologues. Ce dont on devrait induire que l’information transmise par Polybe a été empruntée

au compte rendu établi par un observateur antique, qu’on devrait considérer comme d’autant plus fiable

qu’en faisant explicitement mention d’une «tradition véridique qui s’est transmise parmi les habitants

du pays », Polybe attribue de facto une autorité indiscutable à l’information dont il vient ainsi de

légitimer la source.
Le problème, à mon avis 22, c’est que ce n’est pas vraiment ce que dit le texte de Polybe. À le lire

sans préjugés, en effet, les canaux souterrains (hyponomoi) conduisent de l’eau de source (hydôr pègaion),

et celle-ci provient du captage, en amont, d’eaux de ruissellement (epirryseis) sur les pentes du Taurus

(Elbourz) 23 ; en aval, l’eau est accessible par l’intermédiaire de puits (phreatiai) — ou de «citernes»,
20 Au vrai, le passage est très souvent cité dans les études sur les qanåts, mais sans relecture approfondie ; on

mentionnera simplement deux études plus précises sur la question de la politique fiscale achéménide

(Bucci 1973 ; Briant 1980 ; voir aussi Briant 1996, Index, p.1228). En revanche, je ne connais aucune étude

exhaustive du texte dans son ensemble (les commentaires de Walbank, ad loc. sont pour le moins décevants).
21 En dernier lieu 1996 : 828 : « Polybe décrit très exactement ce qu’on appelle et utilise depuis des siècles en Iran

sous le nom de qanåts».
22 Au cours de mon travail, je me suis rendu compte que Rahimi-Laridjani 1988 : 445-447 avait déjà souligné les

incohérences du texte de Polybe, en partant de la traduction allemande de Drexler 1961 : 718-719 ; mais,

n’étant pas praticien des textes grecs, l’auteur n’a pas été au-delà de sa juste observation.
23 Voir la paraphrase de Pédech 1958 : 74 : « … des canaux souterrains amènent l’eau captée dans des sources au

pied de la montagne », en pensant (cf. sa note 2, p. 74) qu’une telle description correspond à la technique

du qanåt, à tort — sauf évidemment à considérer que la définition admise de «galerie drainante» doit être

assouplie et doit s’étendre à des canaux souterrains véhiculant des eaux de sources, comme le fait par

exemple un observateur comme Chesney (1850, II : 657-659) : se référant à « la manière très particulière »

qu’a Polybe pour décrire « ce que nous appelons aujourd’hui kanat ou kahreez », l’auteur (qui paraphrase

Polybe à partir d’une traduction anglaise) explique la technique par la recherche de sources (springs), puis

le creusement du tunnel souterrain parfois alimenté par des eaux venant de galeries latérales; il s’agit donc

bien de courants (streams): «The main channel or kanat connecting them [the shafts] may give a free current
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Pierre Briant • Qanats

fig. 2 : représentations graphiques d’un qanåt (Goblot 1963 : 509)
puisque le terme phreatia est parfois traduit ainsi (voir ci-après §3). Il y est donc question de

captage d’eaux de ruissellement depuis le bas de la pente des montagnes sur lesquelles elles se

sont accumulées sous forme de « cours d’eau » (hydatôn aporryseis/epirryseis) 24, puis de leur

adduction sur de longues distances par l’intermédiaire de conduits creusés sous terre.
On est donc loin de la définition du qanåt donnée par Goblot lui-même. Celui-ci insiste en

effet sur le fait qu’il ne s’agit pas de capter des sources et des eaux de ruissellement au pied de

la montagne: « Ces eaux de ruissellement ne s’écoulent qu’immédiatement après les précipitations,

soit quelques jours par an sur le plateau iranien; d’autre part, les sources ne pourraient provenir

que d’une nappe phréatique peu profonde, la plupart du temps tarie pendant la saison sèche qui,

en Iran, dure quatre à six mois par an… Cette idée de captage d’« eaux visibles » au pied de la
of flowing water from the head or groups of wells, till it has reached the surface at the proposed spot : from

thence, when irrigation is contemplated, it is conveyed in opened channels ». Si l’on y reconnaît le canal

souterrain (aqueduct) et les puits (shafts), la description de Chesney, on le voit, n’évoque jamais le suintement

des eaux piégées dans des couches aquifères souterraines — base fondamentale de la description de

Goblot et d’autres auteurs (mais voir définitions différentes présentées ci-dessous note 100).
24 C’est bien ainsi d’ailleurs que le comprirent les premiers traducteurs de Polybe qui n’avaient aucune idée de

l’existence des qanåts: cf. Du Ryer 1655 : 492 et Thuillier 1730 : 127 : « Ruisseaux et puits ».
20 Pierre

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montagne ne résiste donc pas à l’analyse» (1979 : 26). De même pour les «puits»: «Ainsi l’organe principal

du qanåt est la galerie. Les puits, qui la relient à la surface, sont des éléments secondaires, très utiles,

mais qui ne jouent aucun rôle dans l’exploitation proprement dite » (ibid.) 25. Or, ce qui apparaît du

texte de Polybe, c’est qu’il n’y est pas question de « puits d’aération » (typiques des qanåts 26), mais de

puits tout à fait classiques, alimentés par les hyponomoi, et où l’on vient puiser de l’eau. C’est dire que

Polybe suggère (fort clairement) une explication qui a été très nettement rejetée par Goblot (p. 27) :

«[La seconde définition inexacte] suppose que l’élément essentiel du qanåt, celui qui produit l’eau, est

le puits, la galerie n’ayant pour fonction, secondaire, que d’assurer l’écoulement et de relier les puits

entre eux. Hypothèse fausse, mais qui vient naturellement à l’esprit de l’observateur occidental habitué

à la technique puisatière 27». Il est donc clair que les processus de fonctionnement impliqués par

la description polybienne ne correspondent pas aux analyses proposées par H. Goblot. Il est d’autant

plus étrange que, trente-cinq pages plus loin, l’auteur oublie lui-même ses mises en garde répétées 28

et attribue au texte de Polybe une valeur descriptive indiscutable (p. 71).
Restent les «citernes», dans la mention desquelles Goblot veut voir un autre indice de l’excellence

de la description de Polybe. Bien qu’il n’offre aucun commentaire sur ce point, l’auteur postule à

l’évidence qu’elles sont situées au débouché des qanåts dans les villages, telles qu’il les décrit ailleurs :

«Enfin, très souvent, au débouché du qanåt à l’air libre, on aménage un bassin de réception qui

facilitera l’accumulation pendant les courtes périodes de non utilisation et, par la suite, la répartition

des eaux dans différents directions» (1979 : 35); elles peuvent également servir de glacières en hiver (p. 38).

Mais des citernes n’existent chez Polybe que si l’on choisit de suivre la traduction utilisée par Goblot 29 ,

à savoir celle de Denis Roussel (1970 : 643) 30. Celui-ci rend les phrases de Polybe (28. 2, 5) de la manière

suivante : « Il existe des canalisations souterraines alimentant des citernes… Quand Arsakès vit

qu’Antiochos s’engageait à travers la zone désertique, il entreprit de combler ou de détruire les citernes».

Le terme grec ici rendu par «citerne» est phreatia, rendu par «puits» par la majorité des traducteurs.

On discutera de la question ultérieurement (ci-dessous §3), mais disons dès maintenant que la position

de Goblot est affaiblie par une considération: il ne peut pas, à la fois, soutenir que Polybe fait référence

aux puits d’aération et aux citernes, puisque la traduction qu’il cite (p. 70-71; à l’exclusion de toute

autre) a choisi de rendre phreatia par «citerne» dans chacune des deux occurrences (§ 28. 2, 5).
Prenons également la précision donnée par Polybe : « Ils construisirent les canaux souterrains

(hyponomoi) qu’ils amenèrent de loin, de sorte que, à l’heure actuelle, même ceux qui utilisent ces eaux

ne savent pas où naissent les canaux souterrains, ni où ils captent les cours d’eau (tas epirryseis)». Il faut

vraiment se donner beaucoup de mal pour voir sous une telle phrase la description exacte de qanåts,

puisque, on le sait, d’une part, les qanåts ne captent pas les cours d’eau, et que, d’autre part, l’une des
25 La formule, au demeurant, mériterait d’être nuancée, car les puits jouent un rôle fondamental dans le forage

proprement dit, mais aussi dans l’entretien de l’ouvrage (comme Goblot et d’autres auteurs l’ont bien souligné)

; mais ce que veut dire Goblot, comme le montre la suite (citée dans mon texte), c’est que l’élément

essentiel est bel et bien la galerie.
26 Ce qu’en vocabulaire technique iranien on dénomme puits d’évent (mileh ou £åh): Safi-Nezad 1992 : 61.
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