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27 Voir ci-dessous note 84 un exemple très récent d’une telle distorsion.
28 Voir aussi p. 27-28 : le qanåt «consiste à exploiter des nappes d’eau souterraines au moyen de galeries drainantes »,

et non pas « à capter des eaux visibles au pied de la montagne ».
29 Goblot ne connaissait pas le grec, et il était donc entièrement dépendant de la traduction adoptée ; mais il ne

s’est pas préoccupé de faire une enquête en confrontant plusieurs traductions ni en demandant les avis de

spécialistes. J’ajoute que ce n’est que relativement tardivement au cours de ses recherches qu’il a appris

l’existence du texte (cf. 1963 : 510).
30 La traduction de Roussel est très clairement influencée par celle de Waltz 1921 : 80-81: le terme citerne (Roussel)

correspond à celui de réservoir (Waltz).
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Pierre Briant • Qanats

contraintes les plus fortes de cette technique, c’est qu’il faut très régulièrement entretenir les margelles

des puits d’aération et surtout curer le canal souterrain proprement dit : c’est le rôle des moqanis, qui,

au péril de leur vie, descendent périodiquement au fond des puits et remontent les débris à la surface 31 .

Une telle technique suppose que le tracé des qanåts (y compris des plus longs), depuis le puits-mère

jusqu’à leur débouché, se conserve dans la mémoire des villageois et plus encore des spécialistes de l’entretien,

les moqanis, qui sont aussi les spécialistes du tracé lui-même et du forage 32. Il y a donc bien

là une autre contradiction insurmontable entre le récit de Polybe et la technique du qanåt.
C’est évidemment la raison pour laquelle, afin de sauver Polybe, bien des commentateurs ont

postulé qu’à l’époque d’Antiochos III les qanåts n’étaient plus en activité. Voici comment par exemple
P. Pédech (1958 : 74) interprète la marche d’Antiochos III répondant à la tactique d’Arsakès : « Le roi

[Antiochos] trompa ce calcul [d’Arsakès] et s’engage dans la ligne des oasis qui bordent le revers

méridional de l’Elbourz. Cette ligne est jalonnée par des puits où des canaux souterrains amènent

l’eau captée dans des sources au pied de la montagne. Les puits, dit Polybe, étaient ignorés de ceux qui

ne connaissaient pas le pays (X.28.2), ce qui suppose que les oasis qui les signalaient étaient abandonnées

à cette époque; cet abandon s’est d’ailleurs produit plusieurs fois au cours de l’histoire. Antiochus suit donc

la bordure du désert par l’actuelle route caravanière de Téhéran à Méched —la route du Khorassan —

et il arrive à Hékatompylos… Il avait donc couvert une marche d’environ 230 kilomètres dans le

désert. Avec une grande armée et les moyens rudimentaires de l’époque, cette opération peut passer pour

un exploit. »

Sans citer ni connaître l’étude de Pédech, Goblot induit une remarque comparable, qu’il inclut lui

aussi dans la longue durée (1979 : 71) : « Le texte de Polybe… nous fournit, en même temps, la preuve

du déclin qui a dû suivre, pendant les périodes alexandrine et parthe, soit près de six siècles… Ce texte

montre bien dans quelle désuétude cette technique était tombée. L’étonnement des officiers d’Antiochos III

devant les qanåts atteste de leur ignorance ; plus significative encore est celle des utilisateurs présents,

qui ont oublié d’où vient l’eau et seraient donc incapables de construire de nouveaux qanåts (« de nos

jours, ceux qui utilisent cette eau ne savent plus où commencent les canalisations»). Sans aucun doute,

le pouvoir politique porte une lourde responsabilité dans cette décadence: Polybe montre clairement

que les rois parthes n’hésitent pas à détruire les installations vitales, dont la disparition entraînerait le

retour du pays au désert. Cela n’est pas surprenant quand on se souvient que les Parthes furent avant

tout des nomades éleveurs, ne pratiquant guère l’agriculture… Les qanåts ne furent probablement

préservés — pas totalement d’ailleurs — que par les agriculteurs perses qui, eux, connaissaient leur

importance, même s’ils ne savaient plus en construire.»
L’interprétation de Goblot est conduite sur une lecture à plat de Polybe, elle-même déterminée par

une série de stéréotypes et d’a priori tenaces. Or, il est clair (particulièrement dans ce contexte) que le

recours au topos de l’opposition nomades [destructeurs]/sédentaires [pacifiques agriculteurs] n’a aucune

justification, ni aucune pertinence 33. Que les Parnes/Parthes aient des origines nomades ne préjuge

évidemment pas de leur intérêt à maintenir voire à développer les activités agricoles dans des régions

qu’ils ont conquises depuis plusieurs décennies, telles la Comisène et la Choarène34. Le fait qu’Arsakès
31 Goblot 1963 : 503, 506 (Briant 1980 : 95, n. 90 = Briant 1982a : 425).
32 Cf. Goblot 1979 : 30 et, sur le terme « corporation » utilisé par Goblot et autres auteurs, les remarques critiques

de Safi-Nezad 1992 : 59-61. Voir également ci-dessous note 83.
33 Voir en général sur ce topos Briant 1982c, en particulier 9-56.
34 Sur les modalités et la chronologie de la conquête parthe de ces régions, j’ai été convaincu par la démonstration

de P. Bernard 1994 : 481-497, qui s’oppose à la thèse développée par S. Sherwin-White et A. Kuhrt 1993 :

celles-ci estimaient que, fondamentalement nomades, les Parthes ont lancé des raids et donc qu’ils ont mis

beaucoup de temps à s’installer solidement et durablement en Comisène : elles situent la conquête proprement

dite à la fin du règne d’Antiochos III (e.g. p. 85-90, sur lesquelles on lira également les critiques

d’Ed. Will 1994 : 436-442).
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Pierre Briant • Qanats

fasse détruire des qanåts (et il faut également s’interroger sur ce que veut dire « détruire un qanåt » 35)

ne signifie évidemment pas que le gouvernement parthe n’a rien fait, en temps normal, pour garantir

la perpétuation d’un système aussi indispensable à la vie des campagnes et au déplacement des armées :

il s’agit d’une mesure circonstancielle, prise dans un état d’urgence, qui n’implique pas nécessairement

la disparition définitive des villages et oasis liés aux qanåts en question 36 .
Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend Goblot, nous ne voyons nulle part non plus dans le

texte de Polybe le moindre «étonnement des officiers d’Antiochos»: il n’en est jamais question, même

sous une forme indirecte. Il est évident au contraire que si le roi a choisi cette route dite « désertique »

et «sans eau» c’est qu’il était informé de l’existence de points de ravitaillement. Quant au scénario proposé

ou suggéré, il est difficilement compréhensible. Si les oasis avaient disparu (Pédech), ou/et si la technique

était tombée en désuétude (Goblot), on ne voit pas pourquoi Arsakès aurait dépêché un commando

pour détruire les «puits» ni pourquoi Antiochos aurait pris des mesures pour s’y opposer. Le contexte

narratif rend clair au contraire que le système fonctionne et que c’est précisément grâce à ces ressources

en eau que la grande armée d’Antiochos III a pu mener à bien cette marche 37 : contrairement à ce que

postule P. Pédech, elle n’a pas traversé plus de deux cents kilomètres sans avoir pu se désaltérer au long

de la route 38 .
35 Voir ci-dessous p.32-33. Notons également que cette tactique est fréquemment attestée par les textes, comme

le note Lambton 1975 : 554.
36 Sur ce point aussi je me sépare de S. Sherwin-White et A. Kuhrt : concernant les qanâts évoqués par Polybe,

elles ont en effet une formule qui semble inscrire leur maintien au seul crédit des Séleucides (cf. 1993 : 70) :

Arsakès y est présenté en opposition explicite comme le destructeur du système (également p. 79-80 ; sous

forme implicite p.85). Une telle interprétation se situe évidemment dans la logique de la vision générale

des auteurs, mais elle procède d’une lecture biaisée du passage de Polybe et de son contexte narratif. Voir

au contraire sur ce point Rahimi-Laridjani 1988 : 453-456 qui, tout à fait lucidement, rappelle que l’archéologie

a montré que les Parthes n’étaient pas de simples « destructeurs » et qu’ils ont su prendre soin des qanâts

et autres ouvrages d’irrigation, au demeurant indispensables à la prospérité de leurs villes et de leur royaume

(l’auteur semble même penser, p. 487, n. 13, que Polybe a déformé la politique d’Arsakès en raison d’une

attitude anti-parthe, ce qui paraît peu probable, à la date où écrit Polybe). Ajoutons que l’entretien de ces

ouvrages était indispensable également au maintien du rôle de la grande route du Khorassan (cf. mes

remarques dans Briant 1984 : 67) — route que les Parthes n’ont pas manqué de reprendre à leur profit (cf.
P. Bernard 1994 : 502-506). — À titre de pure curiosité, je mentionne que, dans un développement d’une

confusion rarement égalée, Mazahéri (Karagi 1973 : 31-45), qui fait une référence aussi brève que partielle

à Polybe (p. 36), attribue aux Parthes tout le mérite du développement des qanåts, quand bien même il

admet (p. 41) que les Achéménides (peu portés au développement de l’agriculture !) en connaissaient la

technique.

37 Même si toutes les estimations antiques sont suspectes, rappelons que, selon Justin (XLI.7), l’armée d’Antiochos

comprenait cent mille fantassins et vingt mille cavaliers. Il ne s’agit donc pas simplement d’un petit

détachement de soldats d’élite prêts à tout, comme par exemple la troupe que réunit Alexandre dans les

dernières étapes de sa poursuite contre Darius dans cette même région (Arrien, Anab. III.21.2-3, 6),

n’hésitant pas, à l’étape ultime, à emprunter avec quelques centaines d’hommes une route détournée

dépourvue de ravitaillement en eau (III.21.7 : anhydria).
38 Il faut également préciser que le raisonnement de Pédech est fondé sur la conviction que les qanåts sont les seuls

accès à l’eau, ce qui est erroné : il convient de rappeler en effet que l’existence des oasis de piémont est due

aussi, dans certains cas au moins, à des sources pérennes et à des eaux courantes : voir P. Bernard 1994 :

503; également Rahimi-Laridjani (1988 : 484-485) qui, à propos d’un autre itinéraire (entre Herat et le Sistan),

cite un auteur arabe qui, mentionnant une à une les différentes stations sur la route, précise à chaque fois

si elles sont alimentées par de l’eau provenant de qanåts, ou de rivières, ou de puits.
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Pierre Briant • Qanats

En réalité, ce que l’on induit de ce passage et de ce récit, c’est que la politique achéménide a continué

de produire ses fruits à l’époque séleucide puis à l’époque parthe. C’est même au fait que les paysans

cultivaient toujours ces terres que l’on doit, à mon avis, la chance d’avoir mention de la politique

fiscale initiée par les Grands rois 39. Il y a en effet dans le texte de Polybe deux types d’informations :

une information de type stratégique (la route empruntée ne peut l’être que parce qu’elle a des ressources

en eau 40), et une information de type administratif (l’établissement des qanåts est dû à des privilèges

concédés antérieurement par les Grands rois 41). La première est fréquente chez les historiens militaires,

qui aiment à décrire sous forme sélective un pays où opère une armée, c’est-à-dire sous le seul angle

des nécessités logistiques de généraux grecs et macédoniens 42, soucieux d’avoir accès au ravitaillement

43. La seconde information, elle, n’est apparemment pas nécessaire au récit militaire proprement

dit : elle entretient néanmoins un lien étroit avec lui. En effet, si l’informateur placé dans l’entourage

d’Antiochos y a eu accès, c’est très probablement parce que, face à la tactique d’Arsakès qui mettait leur

vie et leur avenir en danger, les chefs des communautés locales sont venus trouver Antiochos. Ils lui

ont rappelé qu’au temps des Perses, leurs ancêtres avaient obtenu les privilèges dont Polybe transmet

la teneur.
Nous sommes là dans un cas de figure assez bien connu par la documentation, où des privilèges anciens

sont renouvelés par un nouveau roi. Seul un tel scénario peut permettre de comprendre que le contenu

des privilèges achéménides ait été enregistré dans l’entourage d’Antiochos : ils étaient part de l’accord

conclu entre le roi et les chefs locaux44. Le roi séleucide ne faisait sans doute que confirmer en personne

une pratique qui s’était transmise sans solution de continuité dans le cadre des chancelleries royales des

Achéménides à Alexandre 45, et qui avait été maintenue aussi par ses propres ancêtres, quand ils

contrôlaient encore la région. En succédant aux Séleucides, plusieurs décennies avant l’offensive

d’Antiochos, les rois parthes avaient eux-mêmes très certainement reconnu les droits des communautés

locales. Autant dire qu’il est tout à fait exclu de supposer que les qanåts et les villages nés à leur suite

avaient disparu ou étaient tombés en léthargie sous l’effet de la conquête parthe 46 .
39 Selon Goblot (p. 72, n. 21), ce sont ceux qu’ils appellent « des agriculteurs perses » (p. 71) qui auraient alerté

Antiochos. Ce qui semble vouloir dire que la construction des qanåts avaient été l’oeuvre de Perses installés

dans la région au temps des Grands rois, et qui auraient continué d’utiliser l’eau, sans savoir d’où elle venait!

Pur roman !
40 Réalité que rend Quinte-Curce (V.8.5; V.13.23) sous l’appellation de «route militaire» (via militaris:Briant 1984 :

39, 67).
41 Sur cet aspect, voir en particulier Bucci 1973, Briant 1980 : 98-98 (= 1982a : 427-428) et ci-dessous p. 35-36.
42 Voir Briant 1982a : 169-173, 176-177, et, concernant Polybe lui-même, les analyses de Pédech 1967 : 514-555.
43 Ce qui, en même temps, permet de comprendre pourquoi il n’est pas question des qanåts dans les récits portant

sur la poursuite menée par Alexandre contre Darius (cf. Briant 1984: 62).
44 Voir déjà Briant 1982a : 499-500.
45 L’affirmation de Honari (1989 : 77) selon laquelle Alexandre aurait détruit le système des qanâts n’a strictement

aucun fondement.
46 Il faut donc également éviter, à mon avis, un raisonnement comparable à celui tenu par Wilkinson (1983). L’auteur

veut établir que les premiers qanâts d’Oman datent bien de l’époque achéménide, voire du 8e ou du 7e siècles:

à cette fin, outre des arguments proprement archéologiques (sur lesquels revient Rémy Boucharlat, ce

volume), il invoque le précédent de l’Urartu (sur lequel on verra les critiques à mon avis définitives de Mirjo

Salvini, ce volume), et le texte de Polybe, dont il tire l’argument suivant : « La technique de construction

du qanåt était probablement développée parmi ces populations [= les colons de l’âge du fer à Oman], car

le compte-rendu de Polybe indique que les qanåts étaient suffisamment anciens à la fin du IIIe siècle pour

que la population locale ait oublié qui les avait construits et même où étaient les puits-mères » (p. 189).
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Pierre Briant • Qanats

3Retour à Polybe: hyponomoi et phreatiai
Pour tenter de comprendre l’image que Polybe lui-même se faisait de ce que nous appelons qanåts, il
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