7. Le mythe, une médiation dans la relation d’aide
Serge BOIMARE, rééducateur, responsable du CMPP Claude Bernard à Paris, nous invite à utiliser les mythes pour transmettre un message à des enfants qui n'écoutent pas, qui ramènent tout à eux, qui se sentent persécutés dès qu'ils sont confrontés à des règles ? Il faut éviter les explications simplistes et essayer de saisir pourquoi la situation d'apprentissage les pousse à la rupture. Il faut intégrer la dimension du refus, mais souvent, nous ne savons pas quoi faire quand nous arrivons à ce constat. Nous risquons de nous rigidifier avec des remédiations cognitives sophistiquées, alors que la dimension essentielle consiste à donner aux enfants une colonne vertébrale qui leur permette d'aborder les apprentissages sans se sentir persécutés.
Leurs inquiétudes tournent autour de trois pôles: les craintes archaïques, les préoccupations identitaires et les sentiments dépressifs.
C'est à nous, pédagogues, d'aider ces enfants à transformer, figurer ces questions fortes. Les médiations culturelles telles que les mythes peuvent constituer un point d'appui: ils portent en eux des figurations de toutes ces inquiétudes et elles donnent le fil pour s'en éloigner. Des possibilités d'organisation se mettent en place dans les mythes : la loi s'impose, le bien s'associe au mal, des limites permettent de se représenter un après. Ces questions essentielles sont des figurations de ce qui est paralysant pour la pensée. Chez bon nombre d'enfants en échec, les figurations offrent des tremplins, des relais pour aller vers le sens, une forme négociable pour la pensée. Le mythe est un récit des origines, il dit « quelque chose sur quelque chose », et selon Mircea ELIADE, il trouve ses origines dans un temps avant l’histoire, dans un temps hors de l’histoire. Il dit toujours comment quelque chose est né (la création du monde, de l’homme).
Il a une fonction d’instauration. On peut dire que le mythe institue. Il se propose comme explication du monde, moyen d’expliquer l’inexplicable, le contradictoire.
Les représentations sont variables, les êtres sont des dieux, des héros, qui font plus que ce qu’ils sont. « On ne devient homme véritable qu’en se confrontant à l’enseignement des mythes, en imitant les dieux ». Mircea ELIADE (Le sacré et le profane. Gallimard)
La mythologie embrasse un champ très vaste. Le mythe individuel, familial ou collectif est u récit avec une discontinuité événementielle, mais il assure aussi une cohésion fantasmatique, le désir du sujet ou même d’un peuple.
La définition du mythe proposée par Jacques THOMASSIN (1991) nous montre en quoi il peut être un support pour des enfants de 10 ans en quête d’explications sur le monde qui les entoure. Les contes leur ont déjà proposé des modèles identificatoires liés à leur histoire personnelle. Il est peut être temps de leur proposer quelque chose de plus universel, qui peut correspondre à leurs préoccupations. Un exemple : le mythe de l’androgyne, très présent dans les récits. C’est une figure paradoxale, inquiétante et fascinante. Pour des enfants en quête d’identité, comment va se jouer ce trait d’union entre l’homme-femme, comme une fusion, une a-sexualité d’angélisme, une bisexualité ? On n’est pas dans le champ du réel, le champ biologique met l’enfant devant ce paradoxe. Mais si on s’attarde sur le caractère archétypal de l’androgyne, on voit bien qu’il interfère avec tous les mythes de la création du monde, mais on n’a jamais affaire à un seul principe ; le schéma est presque toujours celui d’un dédoublement, puis d’une restauration de l’unité originaire.
Ex : Gaïa, la terre, par une sorte de parthénogénèse spontanée, a enfanté un être égal à elle-même capable de la recouvrir tout entière : Ouranos, le ciel étoilé. Il y a ensuite retour à l’unité. Les mythes sont une interprétation du monde, une lecture des énigmes existentielles et c’est sans doute pour cette raison qu’ils touchent tant les enfants.
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