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1.0.3. Bruxelles. Le radioconccentrisme en question

Note du promoteur



Le travail de fin d’études de Mlle Roxanne Kleczko s’inscrit à l’intérieur d’un espace de recherche qui vise à approfondir la connaissance de la ville dans ses caractéristiques formelles-architectoniques. Décrire l’architecture d’une ville, chercher à découvrir des instruments de description qui permettent de rendre compte de sa complexité particulière, s’exercer concrètement au maniement de ces instruments, à ce travail de détermination des phénomènes, pour peu à peu faire émerger les lignes de forces de l’architecture d’une ville, c’est-à-dire aussi les questions, les ambiguïtés, les hésitations et les possibilités de cette architecture : voilà en quelques mots en quoi consiste le travail de Mlle Kleczko.
Mlle Kleczko a eu d’emblée l’ambition d’embrasser du regard l’ensemble du « phénomène urbain » bruxellois. D’emblée le désir de tout comprendre, de ne pas se fixer de limites. Son approche s’est donc révélée plutôt boulimique. Et, du fait de cette première plongée dans la littérature, son regard s’est nourri d’abord surtout du point de vue de l’ historien : c’est en effet le point de vue historien qui, surtout, a nourri jusqu’à présent la connaissance de l’architecture de Bruxelles : un point de vue qui n’est d’ailleurs pas l’apanage des historiens de métier. Architectes et sociologues, lorsqu’ils écrivent sur Bruxelles et cherchent à en reconnaître la complexité, ne peuvent la plupart du temps se départir de ce point de vue.
Une des limites principales du point de vue historien sur un territoire est qu’il implique toujours l’asservissement de la réalité phénoménique présente de la ville à un classement chronologique, qui fait en quelque sorte disparaître, dans la catégorie « passé », la plus grande partie de la réalité de ce phénomène, pourtant bien présente. Les lieux sont donc, suivant cette optique, subordonnés au temps, et vidés, de la sorte, de toute implication en notre existence actuelle, et donc aussi en notre projet d’existence future –soit-il individuel ou collectif.
Une fois bien avancée cette première exploration historienne, et après avoir repéré aussi ce que les sources pouvaient impliquer de prises de positions idéologiques, parfois très divergentes, se présentaient donc à Mlle Kleczko, deux tâches concomitantes : déterminer les limites de son champ d’investigation et, plus ardu, s’engager en une enquête qui ne soit pas principalement celle de l’historien mais bien celle du logicien, du technicien de la configuration, celle du descripteur, celle, autrement dit, du théoricien, au sens propre du mot, c’est-à-dire aussi celle de l’architecte.
Parmi les multiples contributions publiées plus ou moins récemment sur Bruxelles, le travail de fin d’études de Mlle Roxanne Kleczko se distingue bien par ces deux caractéristiques principales :

  1. il s’agit d’un exercice de description

  2. cet exercice s’exerce sur une catégorie déterminée de phénomènes : sur une classe d’objets



Un exercice de description


La technique de description mise à l’épreuve ressortit aux travaux menés par les structuralistes modernes (Wittgenstein, Levy-Strauss, Barthes, Foucault). L’ hypothèse qui préside ici à la description est que le phénomène considéré peut être lu, peut être donc l’objet d’une lecture, et donc d’une sorte de traduction linguistique. Les outils principaux par lesquels s’opère cette traduction sont les concepts objectaux (qui saisissent les objets) et les notions configuratives (qui saisissent les configurations d’objets, c’est-à-dire les relations formelles en lesquelles les objets se lient pour former de plus amples objets). La carte analytique, et le schéma, sont les alliés indispensables de cet exercice descriptif : de l’effort de schématisation, de sélection des objets, émergent véritablement aux yeux les lignes de force, les constantes, les grandes tendances figuratives. Cartes analytiques et schémas sont donc tout à la fois pour le descripteur et pour le lecteur les lieux de l’apparition des figures.
Il est apparu assez rapidement à Mlle Kleczko qu’une des clés de la complexité du phénomène urbain bruxellois est précisément que ce phénomène ne se laisse pas décrire comme structure simple, comme structure unique, mais bien au contraire comme fruit de la superposition de plusieurs structures, qui, chacunes, révèlent leurs traits distinctifs lorsqu’on les « détache », lorsqu’on les analyse. Les structures figuratives ainsi détachables ne sont pas à proprement parler les « couches historiques », même si l’histoire, même si le temps a été incontestablement une condition fondamentale de leur façonnement. Il serait plus juste de dire que ces « couches » se sont construites à travers le temps, qu’elles ont donc acquis leurs caractères distinctifs, décisifs, à travers, c’est-à-dire presque malgré le temps, ou dans une lutte avec le temps et avec tout ce que sa fluidité peut impliquer de changements et de destructions.
Ces couches, qui, dans le travail de Mlle Kleczko s’appellent aussi « sédiments », sont donc essentiellement des structures figuratives, des structures formelles-logiques, des architectures. Elles sont dotées de traits reconnaissables, distinctifs, qui apparaissent comme autant de constantes, d’éléments de régularité, et impliquent l’exercice de normes architectoniques, de normes coordonnées qui s’appliquent à l’ensemble des éléments et des parties du « phénomène ». En ce sens, ces sédiments sont donc d’abord et avant tout des institutions territoriales, c’est-à-dire en définitive des institutions collectives. Les sédiments sont, dans cette optique, en principe appelés à être considérés plus comme outils de fondation civile que comme outils de représentation des contradictions internes à la vie civile, même si, concrètement, ils enregistrent aussi les déséquilibres et les contradictions qu’impose une vie collective marquée au fer rouge de la ségrégation sociale.
La description de Bruxelles que Mlle Kleczko met à l’épreuve reconnaît pour l’essentiel trois principaux sédiments. Les deux premiers présentent un ensemble de caractères logico-formels relativement définis. Nous dirons, pour faire bref, que ces deux premiers sédiments présentent– à tous niveaux de leur structure - un ensemble de caractères stables : il s’agit de Bruxelles-Métropole Provinciale (BMP) et de Bruxelles-Capitale Nationale (BCN). Le troisième sédiment, Bruxelles-Métropole Internationale, se décline, pourrait-on dire en plusieurs « essais », incomplets, mais aussi contradictoires, en contradiction entre eux mais aussi en contradiction avec les sédiments de plus anciennes initiative.
Chacun de ces trois sédiments implique la ville comme composante nécessaire d’un projet territorial plus ample : Bruxelles-Métropole Provinciale comme composante d’un territoire provincial – le Brabant - , Bruxelles-Capitale Nationale comme composante d’un territoire national – la Belgique – et Bruxelles-Métropole Européenne comme composante d’un territoire supranational, d’un territoire dont la définition a fluctué au cours du XXème siècle et qui tend actuellement à s’identifier au projet d’une Europe elle-même à la recherche d’une définition politique
L’identification, la description, la réécriture schématique des structures architectoniques ou proto-architectoniques qui composent la réalité actuelle de Bruxelles, leur isolement provisoire puis leur resuperposition permettent un ensemble d’observations très concrètes. En particulier, la schématisation et l’identification des caractères distinctifs des sédiments (qui s’opère notamment dans leur comparaison) permettent de juger de l’état de perfection de chaque sédiment (de son état d’accomplissement plus ou moins achevé, mais aussi de la fidélité et de l’écart des dispositifs particuliers au concept directeur, etc), mais aussi de l’état de l’interaction entre les sédiments.
L’analyse sédimentaire apparaît donc bien comme l’instrument d’un projet urbain possible, tendu à la résolution – même progressive - des contradictions entre les structures-rôles qui composent le phénomène urbain, mais aussi fondé sur l’idée que le projet urbain n’est pas seulement la dialectique matérielle boum-boum du neuf contre l’ancien mais bien au contraire une dialectique de détermination et de perfectionnement de rôles multiples et complémentaires, fussent-ils, pour certains, d’initiative déjà ancienne.
C’est dans cette perspective que Mlle Roxanne Kleczko critique une tendance de fond de l’urbanisme bruxellois : une tendance à la confusion, à l’indistinction des rôles dans la réaffirmation hypertrophiée d’un même principe d’organisation schématique - le principe d’organisation radioconcentrique du phénomène urbain -, répété à chaque moment politiquement fondateur comme une sorte d’invariant universel, et ce même en contradiction avec les lignes de force du socle oro-hydrographique de la ville.
C’est aussi dans cette perspective que Mlle Kleczko illustre deux contributions majeures à la recherche du projet architectonique de Bruxelles :

- celle de Charles Vanderstraeten, qui, autour de 1840, énonce la possibilité d’une réorientation de la croissance urbaine vers l’ouest et suivant un principe d’organisation linéaire qui permette à la capitale de la nation de se découvrir une loi de croissance linéaire, distincte de celle qui préside à la configuration de Bruxelles métropole régionale, et capable d’asseoir cette capitale en une relation de plus étroite concordance avec son socle de nature.

- celle de Victor Bourgeois, qui, autour de 1930, énonce la possibilité d’une réaffirmation des principes déjà découverts par Vanderstraeten au profit d’une recherche qui vise à donner forme à Bruxelles métropole internationale : à la doter de caractères qui tout à la fois la distinguent de Bruxelles-capitale et de Bruxelles-métropole provinciale, et lui permettent de se déterminer dans une relation d’équilibre avec ces parties du phénomène urbain d’initiative antérieure.

L’objet de la description


Le travail de fin d’études de Mlle Roxanne Kleczko s’intéresse à un groupe de phénomènes qui appartiennent à ce qu’Aldo Rossi désigne sous le terme d’ « éléments générateurs ». Elle s’intéresse en particulier à ces éléments de la composition territoriale qui, par leur échelle, par leur orientation, par leur situation, par leurs interactions systématiques avec le territoire urbain dans son ensemble, par leur caractère d’ « unicum », de pièces uniques dans le jeu configuratif, contribuent de façon particulièrement puissante à la détermination formelle de l’ensemble du phénomène urbain.

Le TFE est, de fait, dédié pour l’essentiel à l’analyse de la viabilité.

Les raisons en sont multiples :

  1. parce que le recensement historique de la viabilité est fait, et qu’il donne lieu, dans un ouvrage très documenté, à une véritable chronologie de la voirie urbaine bruxelloise : il s’agit de « morphologie urbaine à Bruxelles, sous la direction de Marc Lacour. Cet ouvrage est en quelque sorte le point de départ du travail de Mlle Kletzko : l’ouvrage historique, strictement transcripteur, d’où devient possible l’ouvrage analytique, classificatoire et descriptif

  2. parce que la voirie est accessible ( !) et qu’il est donc possible, sur le terrain, sans grandes démarches diplomatiques ou archivistiques, de vérifier les classements hypothétiques.

  3. parce que c’est peut-être aussi l’ordre de phénomènes qui, par la permanence de ses tracés dans la très longue durée, révèle de la façon la plus immédiate la possibilité de lire le territoire urbain comme une architecture stratifiée.

  4. parce que c’est aussi celui qui témoigne le plus clairement de la longévité d’un certain type de culture de la construction du territoire (ce que nous appellerons, pour résumer, la culture bourgeoise), et aussi de l’étonnante incapacité de cette culture, dans ses prolongements les plus récents, à se découvrir d’autres moteurs, d’autres incubateurs de la forme urbaine (le lieu public, la résidence, par exemple, comme dans les propositions de Vanderstraeten ou de Bourgeois…)


D’autres TFE sont possibles, dans le futur, sur le parcellaire, sur la bâtisse, sur le végétal, etc.
En conclusion, il nous paraît qu’une certaine distance envers toute idéologie de la contemporanéité, mais aussi envers toute prétention à une pure et simple restauration (militantistiquement nostalgique ou plus populistiquement mercantile) et qu’une application plus déterminée à la description critique du « territoire » soient nécessaies, si nous souhaitons nous élever à la hauteur des questions du projet d’une architecture urbaine. Le travail de Mlle kleczko, et même à travers les maladresses qui sont la marque inconfondible de tout exercice débutant, est très certainement, de notre point de vue, une contribution remarquable à cet effort.

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