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C) Dans l’Empire Ottoman : les tanzîmât et leurs limites. Dès le XVIIIe siècle, la Porte, consciente de son extrême faiblesse, avait tenté de réagir. Jusqu’en 1920, elle échoua, et cet échec contraste avec celui du Japon de Meiji qui lui est à peu près contemporain (à vrai dire, c’est le seul exemple d’une modernisation réussie hors d’Occident en pleine époque coloniale288) : il revint à Mustafâ Kemâl, qu’on peut considérer comme l’héritier des sultans réformateurs du XIXe siècle, d’être parvenu in extremis à sauver la Turquie d’une quasi-disparition et à la moderniser (à la baguette) entre 1920 et 1939, mais entre-temps elle avait perdu tous ses territoires arabes et l’essentiel du Caucase et des Balkans. Attention quand même : si les réformes ottomanes n’ont finalement pas empêché le recul de l’Empire, elles n’en ont pas moins eu des effets — le pays n’était plus du tout administré de la même façon en 1900 qu’en 1800, l’économie avait profondément évolué, même la langue avait changé : l’osmanlı, langue raffinée mais complètement artificielle en 1800, s’était progressivement rapproché de ce que parlaient effectivement les turcophones cultivés, et on y trouvait de moins en moins d’emprunts massifs, par membres de phrases entières, à l’arabe et au persan289. Nous l’avons vu, le sultan Sélim III avait tenté des réformes, notamment militaires (on peut y ajouter de premières tentatives de reprendre en mains l’administration des provinces), mais il fut renversé en 1807 à la suite d’une révolte des janissaires, menée au nom d’une idéologie conservatrice qui rejetait toute innovation (bid’a) par rapport au Coran, c’est-à-dire en réalité par rapport à un certain nombre de traditions perçues comme coraniques, même si certaines l’étaient fort peu (de l’avis notamment des wahhabites et autres fondamentalistes). La modernité, à partir du moment où elle venait du monde chrétien, étant perçue par de nombreux Ottomans comme une agression envers l’islam — il faut dire que ses progrès allaient effectivement de pair avec des agressions : ainsi, au moment de la révolution de 1807, la Russie venait d’envahir la Bessarabie, tandis que Français et Britanniques lavaient leur linge sale en Égypte… Du reste, par prudence envers ce conservatisme de l’opinion publique290, ces premières réformes elles-mêmes furent menées au nom d’une idéologie du retour au passé, aux principes fondateurs, aux institutions originelles du temps de la grandeur ottomane : les Européens appelés à la rescousse ne le furent qu’au titre de techniciens.. Les réformes reprirent au moment de la révolte grecque, dans les années 1820. En 1826, à la suite d’une énième manifestation d’insoumission qui l’avait exaspéré, le sultan Mahmoud II, le successeur de Sélim III291, dissolut le corps des janissaires. Du reste, ils s’étaient illustrés par leur inefficacité dans la répression en Grèce. Il s’agissait sans doute aussi d’une tentative pour se concilier les chrétiens des Balkans, quelque peu lassés de certaines pittoresques coutumes locales comme les pyramides de têtes coupées, en les assurant que les méthodes de maintien de l’ordre allaient changer. La populace d’Istanbul massacra avec entrain ces semi-étrangers qu’elle avait toujours détestés292. Par la suite, l’armée ottomane, réorganisée à l’européenne (pas très efficacement comme le montraient les désatres en cascade des années 1820 et 1830), continua cependant à se recruter en bonne partie dans les régions qui fournissaient autrefois les janissaires, notamment (en Europe) ce qui est devenu l’Albanie et les régions environnantes : il s’agissait désormais de volontaires, et de traditions locales dans des villages musulmans, sans doute bien contents de se débarrasser d’une partie de leur excès de population. Il y eut également des réformes fiscales : il apparut une administration des fondations pieuses de l’État (une sous-espèce de biens waqf), afin que leurs revenus revinssent effectivement au trésor impérial ; un certain nombre d’impôts et de taxes furent désaffermés et confiés à des services administratifs qui les levaient directement. En, revanche, l’administration ottomane était toujours aussi archaïque. L’administration centrale était recrutée parmi les élèves des medrese293 (les établissements scolaires liés aux mosquées) ou de diverses écoles palatiales : cet enseignement n’avait pas changé depuis deux siècles, le népotisme et le clientélisme faisaient rage et les oulémas (les enseignants des medrese) jouissaient d’une influence étendue, d’autant qu’ils étaient riches grâce aux biens waqf : cette influence s’exerçait évidemment dans un sens très conservateur. En province, nous avons vu à quel point la Porte avait du mal à se faire obéir : le début du XIXe siècle représente sans doute le moment de son plus grand affaiblissement face aux pouvoirs régionaux. Il y avait quand même des administrateurs nommés par Istanbul, mais ils étaient corrompus : ne connaissant pas la durée de leur charge, ils avaient tendance à pressurer le plus possible leurs administrés pour en tirer un maximum de profit. Dans les années 1830, le choc des défaites subies lors des « guerres de Syrie » contre Méhémet Ali, auxquelles il faut ajouter le recul dans les Balkans et dans le Caucase, provoqua l’entrée de l’Empire Ottoman dans l’ère des réformes (tannzîmât en osmanlı) proprement dite. Il y eut d’abord un début de reprise en main des provinces, qui se traduisit notamment par la reconquête militaire, en 1835, de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque294, juste à l’ouest de l’Égypte : c’étaient les dernières régions qui restaient à la Porte au sud de la Méditerrranée, mais la dynastie locale de pachas n’obéissait plus, et elles étaient menacées d’annexion par le beylicat de Tunis. À l’issue de cette expédition, la Porte rétablit son administration directe dans la région295. En Mésopotamie, en Anatolie et dans les Balkans aussi, une reprise en mains eut lieu, avec plus ou moins de succès selon les régions, entre 1830 et 1860 ; en 1872, une armée ottomane (re)-prit même le contrôle de Sana’a, au Yémen. Dès 1835, une réforme avalisant une situation de fait mit fin au statut d’esclave d’État (kul), qui était celui de la plupart des employés de l’administration. Il céda la place un statut de fonctionnaire libre (me’mur) : en réalité il s’agissait d’un simple changement de terminologie, les kullar étant libres de mener leur vie depuis belle lurette. Il apparut une distinction entre fonctionnaires civils, militaires et religieux (tous salariés désormais), et un tableau d’avancement à sept rangs, à la russe. Le gouvernement fut réorganisé à l’occidentale, avec des ministères et un conseil des ministres ; en 1838, il apparut un autre conseil chargé d’examiner les propositions de loi (mais toujours non élu, évidemment). Toujours dans les années 1830, il apparut également des écoles de formation des fonctionnaires, d’abord sous la forme d’un Bureau des Traducteurs (les grecs perdirent leur prééminence en ce domaine) puis de collèges militaires, d’une École d’Enseignement Judiciaire et d’une École d’Enseignement Littéraire296. On procéda à un recensement et on commença la cadastration des terres ; la collecte des impôts se faisait de moins en moins par le biais de fermes. L’armée connut de nouvelles réformes, sous l’égide de conseillers non pas français (Paris soutenait Méhémet Ali) mais russes, anglais et prussiens — dont Von Molkte, le futur vainqueur de la France en 1870297. Par ailleurs, suivant l’exemple de Méhémet Ali, Mahmoud II avait lancé un premier298 journal en 1831 ; cet organe officiel avait une édition française, Le moniteur ottoman (ils ne tiraient qu’à 5.000 et 300 exemplaires respectivement). Un deuxième journal apparut en 1840. Toujours pour afficher son occidentalisme, dès 1814 le sultan avait abandonné le palais de Topkapı pour celui de Dolmabahce, aménagé à l’occidentale299. Il apprit le français et introduisit la musique occidentale à la Cour, avec le concours d’un frère du compositeur italien Donizetti. Le costume occidental devint obligatoire pour les officiels (à la seule réserve de la coiffure, qui était un fez). Le français se répandit dans l’élite, et du reste le nombre d’étrangers à Istanbul s’accrut. Mais les réformes les plus spectaculaires datent du règne d’Abdoul Majid300 Ier (1839- 1861) et de son successeur Abdul Aziz301 (1861-1876). Dès l’arrivée au trône d’Abdoul Majid en novembre 1839, à l’âge de seize ans, son entourage réformateur le poussa à promulguer un texte de la plus grande importance auquel Mahmud II avait travaillé dans les derniers mois de sa vie, le rescrit (ou firman, ou édit) de Gülhane (ou Gulkhané, du nom de la salle du palais de Topkapi où il fut proclamé302. Ce texte, rédigé dans un style encore assez imprégné de la tradition islamique, promettait la fin des monopoles d’État, une réforme des impôts avec notamment la fin des fermes et une assiette fixe, la fixation des dépenses militaires par la loi, un service militaire réduit à 5 ans maximum, la fin de l’arbitraire législatif et judiciaire (et notamment un code pénal), la fin des trafics de faveur dans l’administration. Il proclamait l’égalité des sujets ottomans devant la loi quelle que fût leur religion. Abdoul Majid ne s’écarta jamais de ce programme réformateur : il adopta un mode de vie assez occidentalisé, s’entoura d’œuves d’art occidentales et fit, en 1867, le premier voyage en Europe chrétienne d’un sultan ottoman (il visita notamment l’Exposition Universelle de Paris303). Il en fut de même d’Abdoul Aziz ; son successuer, l’éphémère Mourad V (1876), alla jusqu’à se faire initier dans une loge franc-maçonne (affiliée au Grand Orient de France), avant son arrivée au pouvoir304. Dans ces conditions, le rescrit de Gülhane entra peu à peu en application, sous l’impulsion, à partir de 1854, d’un Conseil des Réformes305. L’administration (la Sublime Porte au sens strict) connut une croissance spectaculaire de ses effectifs (de 1.000-1.500 scribes vers 1800 à 150.000 fonctionnaires vers 1900 !). Il apparut progressivement des codes juridiques, très influencés par l’exemple napoléonien comme une bonne partie des tanzîmât (un premier Code Pénal dès 1840, remplacé par un autre en 1858 ; un Code Commercial en 1850, un Code Civil entre 1870 et 1877) ; la multitude des coutumes locales tendit à rculer. Même le droit religieux, jusque-là clivé en 7 grandes écoles régionales, connut un mouvement d’unification ; par ailleurs, après 1856 il ne concernait plus que les seuls musulmans (voyez plus bas). Pour appliquer ce droit nouveau, il apparut de nouveaux tribunaux, hiérarchisés à l’occidentale. En 1858, une grande réforme foncière se traduisit par la généralisation du cadastre et la reconnaissance d’une propriété privée, donc aliénable (jusque-là, la plupart des terres étaient réputées propriété éminente de l’État). Il apparut un budget annuel de l’État et les réformes fiscales continuèrent. En 1864, l’administration des provinces (vilayet en osmanlı306) fut réorganisée sur le modèle français : chose importante, il y avait des administrateurs ou des corps élus (les maires l’étaient par exemple), c’est-à-dire un début de régime représentatif à l’échelle locale, alors qu’il n’y avait pas d’élections à l’échelle nationale307. L’armée fut réorganisée en 5 grandes régions : elle était désormais entièrement formée de conscrits, au nombre de 210.000 vers 1870, recrutés par tirage au sort pour 5 ans, puis 4 ans, plus un temps de réserve (cela faisait environ 500.000 réservistes). Cela dit, en Europe la seule Prusse alignait un million de combattants… Les impôts rentraient de mieux en mieux ; en 1840, il était apparu une espèce de papier-monnaie (mais qui portait intérêt), les kaime. Un réseau d’écoles séculières d’État se développa ; à la suite d’une visite du ministre français de l’Éducation, Victor Duruy, qui avait proposé un plan de modernisation, le système scolaire séculier fut partiellement réorganisé à la française en 1869 — c’est également à cette époque qu’ouvrit (en 1868) le lycée français de Galatasaray, établissement d’élite aujourd’hui encore célèbre pour son club de football, ainsi (en 1873) que le lycée technique Dâr üch-Chafaka308, destiné à l’origine à accueillir des orphelins (on y enseignait, entre autres, la télégraphie) et le Robert College (1863), qui appartenait à une congrégation protestante missionnaire américaine. Les établissements supérieurs spécialisés se multipliaient, dont une École d’Administration en 1859, et même une École Normale Supérieure en 1862309, mais aussi une École de l’État-Major. En 1856, sous la pression des Puissances dans le cadre du règlement de la guerre de Crimée (voyez plus bas), la Porte promulgua un édit (le Hatti Humayûn) qui abolissait la dhimma et émancipait les chrétiens310. Il s’agissait par ailleurs d’une reconnaissance officielle des milletler (c’est à cette époque que le terme se banalisa) : les patriarches et chefs de communautés étaient désormais payés par l’État ottoman ; les biens de chaque communauté lui étaient garantis, avec autoadministation et droit de réparation des écoles, hôpitaux et cimetières. La liberté de culte était garantie, ainsi que l’égalité d’accès aux emplois publics et l’égalité devant l’impôt (bonne nouvelle) et la conscription (mauvaise nouvelle). Le texte fonctionnait essentiellement en termes religieux : il n’y avait qu’une seule brève et vague mention de l’égalité des langues entre elles. Dans le but de diviser pour mieux régner, les autorités se mirent à reconnaître toutes sortes de petits milletler, à commencer par un millet des Arméniens protestants distinct de celui des monophysites (voyez un peu plus bas l’origine de cette communauté arménienne protestante)311, mais aussi, au début des années 1860, un millet assyrien, qui regroupait les monophysites de Syrie et de Mésopotamie (autrement dit ceux qui ne sont ni arméniens ni coptes), et un millet chaldéen qui regroupait les nestoriens (la troisième grande branche du christianisme avec les monophysites et les chalcédoniens). Il y avait aussi un millet melkite, c’est-à-dire orthodoxe mais arabophone (désormais distinct des orthodoxes des Balkans), un millet maronite, un millet druze… Nous verrons plus bas que dans les Balkans, le millet grec était par ailleurs en proie à des processus de scissiparité sous l’effet des nationalismes. Enfin le millet juif se dota d’un règlement en 1865. Seuls les musulmans n’avaient pas de millet à eux, parce que la légitimité ultime de l’Empire Ottoman demeurait quand même religieuse et musulmane : le sultan était toujours calife ! Parmi les effets positifs de cette espèce de révolution par en haut et du climat nouveau qui l’accompagnait, il faut évoquer une plus large ouverture au monde dans l’administration et plus largement dans les élites ottomanes, notamment par le biais du français et, surtout après 1850, la diffusion de l’imprimerie, que le monde musulman refusait depuis toujours312 : pensée au départ pour les besoins du gouvernement et donc encouragée officiellement, elle s’accompagna d’un début de littérature au sens moderne, européen du terme (en osmanlı et en arabe), ainsi que d’un début de presse313. C’est ce type d’évolution qui força la langue osmanlı à se moderniser, à quitter le monde de la haute culture musulmane classique pour devenir lisible par tout un chacun (dans les régions arabophones, l’arabe connaissait le même début d’évolution, pour les mêmes raisons). Les idées libérales progressaient. Les évolutions économiques et sociales s’accélérèrent, en partie aussi grâce aux tanzîmât. Les villes croissaient de plus en plus vite (voyez le détail dans la quatrième partie, lorsque je ferai un certain nombre de « portraits de villes ») ; l’urbanisme et l’hygiène y progressaient. Il apparut, en périphérie, mais aussi à l’emplacement de fragments de centre-villes ravagés par des incendies, de nouveaux quartiers à l’urbanisme bien plus occidental (des rues larges, souvent en damier), où les élites commençaient à migrer : chose intéressantes, toutes les communautés religieuses et linguistiques s’y retrouvaient sans constituer de sous-quartiers communautaires, signe que la bourgeoisie émergente était cosmopolite et tournait le dos, en tout cas pour ce qui était de son habitat, aux vieilles logiques de repli communautaire — cela dit, ces nouveaux quartiers chics étaient des ghettos… bourgeois ! L’exode rural vers les villes se doublait d’un exode, souvent saisonnier, en direction des grandes exploitations agricoles des plaines, par exemple d’Anatolie en Cilicie (pour récolter le coton ou les céréales). De même, on assistait à un recul du nomadisme, notamment en Anatolie : souvent cette sédentarisation se faisait spontanément, mais elle pouvait aussi être forcée, ce fut en 1865 le sort de certaines tribus « turkmènes » un peu trop indisciplinées de Cilicie. C’étaient des bras en plus pour l’agriculture moderne, qui commençait àse développer : les exportations agricoles à destination du Royaume-Uni et de la France doublèrent entre 1855 et 1875. Particulièrement dynamiques étaent celles de coton, de soie, de tabac, de fruits secs ; les exportations de céréales à destination du Royaume-Uni décuplèrent carrément. Cela dit, en valeur absolue ce n’étaient pas des chiffres très impressionnants, et la majorité des paysans demeuraient très en retard du point de vue des techniques agraires, et très pauvres. C’est en partie pour des raisons du même ordre (peupler les régions vides), en partie pour des raisons idéologiques et religieuses, que la Porte favorisa un autre type de migrations, celle de réfugiés de l’Empire russe et des Balkans314. La conquête des ethnies montagneuses du Caucase allait bon train, mais non sans peine (voyez plus bas) : faute de parvenir à les pacifier, les Russes les expulsèrent largement (notamment les « Circassiens » du nord-ouest du Caucase), voire même entièrement pour le peuple oubykh, une petite ethnie circassienne315. Jamais l’Empire Ottoman ne pensa sérieusement reconquérir ces régions et, par exemple, elle choisit d’installer les réfugiés sur des propriétés privées plutôt que de les parquer dans des camps de réfugiés, ce qui eût été signe qu’elle ne reconnaissait pas leur exil comme définitif316. Eux-mêmes, d’ailleurs, semblent n’avoir jamais nourri un irrédentisme très fort. En 1857, une loi accorda à ces muhajirun (réfugiés, en arabe317) un lopin de terre et l’exemption de l’impôt et du service militaire pour dix ans. Ils s’installèrent dans tout l’Empire Ottoman, mais la Porte les dirigea en priorité, d’une part vers les Balkans (pour tenter d’y renforcer le poids de l’islam), où, très remontés contre les orthodoxes, ils contribuèrent à la montée des tensions intercommunautaires, et d’où d’ailleurs ils durent repartir lorsque les micro-États chrétiens les expulsèrent entre 1878 et 1913 ; d’autre part dans les régions arméniennes, afin de les désarméniser ; enfin sur la rive sud de la Mer Noire, parce que le climat était proche de celui de leur Caucase natal, qu’il y avait là aussi beaucoup trop de Grecs et d’Arméniens et enfin, et surtout parce qu’on craignait une invasion russe par cette voie. Ainsi c’est largement grâce à ces réfugiés que la province de Brousse318, juste à l’est d’Istanbul, vit sa population doubler entre 1876 et 1906. Au total, dans la période 1854-1876, on estime que 500.000 réfugiés du Caucase affluèrent dans l’Empire Ottoman319. De même, les pays autonomes et indépendants des Balkans pratiquèrent très tôt la purification ethnique (voyez plus bas). Elle touchait des « turcs » au sens religieux du terme, c’est-à-dire de musulmans de langues maternelles diverses, mais qui se turquifièrent rapidement une fois coupés de leurs racines320. Ils se réinstallèrent dans les mêmes régions, avec également, parfois, des reprises d’exil en direction de l’Anatolie, notamment en 1912-1913. Ces mouvements en provenance des Balkans s’accélérèrent à la fin du XIXe siècle, avec le recul accéléré de l’Empire Ottoman dans la région : on estime qu’entre 1876 et 1914, 1,5 millions de musulmans des Balkans se réfugièrent dans ce qui restait d’Empire Ottoman. En sens inverse, 300.000 chrétiens quittèrent l’Empire Ottoman, surtout des Arméniens qui se réfugièrent en Russie. Hélas, la plupart des réformes furent des semi-échecs — soit elles ne furent pas ou furent mal appliquées, soit elles eurent plus d’effets négatifs que positifs. Il y eut des révoltes antifiscales. Les réformes militaires coûtèrent très cher, ainsi que le recrutement massif de fonctionnaires — par ailleurs trop vite engagés pour être tous des parangons d’efficacité et d’honnêteté. La Porte fit trop généreusement usage de la planche à billets et les kaime perdirent rapidement toute valeur : en 1854 il fallut les retirer de la circulation à grands frais. Une université, apparue à Istanbul en 1870, échoua et disparut au bout de quelques années. L’enseignement primaire demeurait largement confessionnel, lié aux mosquées pour les musulmans, ce qui était un gage de retard ; les systèmes scolaires des non-musulmans étaient bien plus dynamiques, ce qui n’était pas forcément un bon présage pour la cohésion de l’Empire. En 1856, les écoles séculières n’accueillaient que 3.371 élèves pour tout l’Empire : or, en 1871, les Arméniens avaient déjà 48 écoles dans la seule capitale, et 460 en Anatolie ! La cadastration des terres fut surtout l’occasion pour des notables de faire reconnaître leurs usurpations passés : il se constitua une grande propriété privée bien peu dynamique. Et puis il n’y eut pas de réformes politiques, malgré l’apparition dans les années 1860 d’un courant libéral. L’un des groupes de cette nébuleuse, autour de l’écrivan et journaliste Namik Kemâl, prit le nom révélateur de « jeunes-Ottomans » — calqué sur la « Jeune-Italie » de Mazzini (voyez plus bas) —, et, vers 1865, s’organisa en société secrète à la mode des carbonari (voyez itou). Kemâl défendait l’idée de liberté dont il faisait, à la française, un droit de l’homme, mais aussi, à la pas française du tout, un don de Dieu ; il demandait la séparation des pouvoirs et une constitution avec un gouvernement représentatif. Une lettre ouverte adressée au sultan en 1867 provoqua la dissolution du groupe et quelques années d’exil pour Kemâl321. Ce courant obtint une victoire éphémère avec la proclamation d’une constitution en 1876 : je la traiterai dans la prochaine sous-partie. L’idéologie qui sous-tendait les grands textes réformateurs de la période 1839-1876, et qui a reçu de certains historiens le nom d’ottomanisme, était, en très gros, une version locale du jacobinisme à la française : tous citoyens, tous égaux devant la loi, quelles que fussent la langue et la religion. Mais c’était surtout une idéologie à usage externe : son application sur place se heurta à toutes sortes de difficultés. Ainsi l’édit de 1856 aboutit surtout à la reconnaissance de nouveaux privilèges pour les non-musulmans, donc à un renforcement des communautarismes : chaque millet, définitivement reconnu comme interlocuteur de la Porte et même pourvu de sa propre constitution, devenait une entité non territoriale dotée de droits religieux, politiques et culturels ; de même, les assemblées locales prévues par la réforme administrative de 1864 devaient compter une certaine proportion de membres issus de chaque communauté. De toute façon, les chrétiens, qui étaient en train de devenir plus riches et plus puissants que les musulmans, et qui étaient protégés par les Puissances en tant que non-musulmans, n’avaient aucun intérêt à se fondre dans une masse indistincte de sujets ottomans. En revanche, sur un point précis la discrimination se poursuivait en leur défaveur : après 1856, pour ne pas être soumis à la conscription, ils avaient obtenu de payer une taxe de rachat qui ressemblait furieusement aux anciens impôts discriminatoires prévus par la dhimma… Il faut dire que malgré l’égalitarisme affiché par les réformateurs, ils n’étaient pas bienvenus dans l’armée, car on craignait qu’ils ne finissent par constituer une « cinquième colonne » des ennemis de la Porte, tous chrétiens sauf la Perse et les wahhabites. En particulier, à cette époque les capitulations changèrent de sens : elles devinrent la marque d’un rapport d’inégalité, car elles assuraient de plus en plus d’immunités aux Européens vivant dans l’Empire. Ceux-ci tendaient à s’appuyer de plus en plus sur les communautés non musulmanes, dont certains membres, d’ailleurs, se fit progressivement reconnaître comme ressortissants des pays occidentaux — ce qui était catastrophique, entre autres, sur le plan fiscal, puisqu’aux termes des capitulations les Occidentaux jouissaient de toute une série d’exemptions en ce domaine. Les bénéficiaires des capitulations et leurs obligés se montraient de plus en plus arrogants, d’autant que les tribunaux mixtes leur donnaient généralement raison en cas de conflit et que, dans certaines régions, les consuls occidentaux avaient plus d’autorité que les représentants de l’administration ottomane (voyez plus haut la note sur l’exil d’Abd El-Kader à Damas). Ainsi l’assemblée du millet arménien, apparue en 1863, ne tarda pas à se transformer en un véritable Parlement de la communauté arménienne et prit des position de plus en plus subversives, réclamant notamment l’autonomie des provinces peuplées en majorité d’Arméniens à l’est de l’Anatolie. Cette extrême maladresse, voire cette franche irresponsabilité, jouèrent un rôle dans la dégradation des relations entre les Arméniens et la Porte dans les années 1880-1890322. L’ensemble s’accompagna d’une grande offensive missionnaire chrétienne, sur fond de rivalité entre sectes chrétiennes : tandis que la France bichonnait les catholiques et les uniates du Moyen-Orient et que la Russie patronnait les orthodoxes, ceux des Balkans comme les melkites de Syrie323, les Britanniques tentaient de jouer la carte druze en Syrie324. Par ailleurs, depuis les années 1920 la Grande-Bretagne, la Prusse et même les États-Unis, où tout un bouillonnement religieux était en cours, tentaient d’implanter le protestantisme parmi les populations chrétiennes d’Orient325 (et aussi parmi les juifs — en revanche, tout prosélytisme était interdit envers les musulmans326). Les missionnaires américains eurent du succès notamment parmi les Arméniens (il y avait 15.000 Arméniens protestants vers 1855), et comme je l’ai déjà mentionné, ils contrôlaient un lycée prestigieux dans la capitale ottomane ; dans les années 1850, la Porte avait reconnu un millet protestant, essentiellement pour les Arméniens de cette confession. Ce prosélytisme occidental renforça l’occidentalisation culturelle des chrétiens de l’Empire Ottoman, mais aussi leurs liens politiques et sociaux avec les Européens (consuls, marchands), leur influence économique (ils profitaient de leur situation d’intermédiaires). Enfin cela éleva leur niveau culturel, car tout un réseau d’institutions éducatives apparut, tenues par diverses congrégations. Ainsi au Liban et en Syrie, la présence française se mit progressivement à reposer en partie sur un réseau d’établissements éducatifs, catholiques mais s’appuyant sur les communautés arabes uniates (les maronites au premier chef) : le plus important était l’université Saint-Joseph de Beyrouth, fondée en 1875 les jésuites. Au Levant vers 1914, 40.000 élèves fréquentaient une école française ; ils étaient 87.000 dans tout l’Empire Ottoman en 1911 (8.400 à Istanbul), parmi lesquels seulement 9% de musulmans — mais il y avait une forte concurrence des collèges protestants anglo-saxons. De même en Égypte, vers 1900 il y avait 3 lycées français, plus diverses écoles confessionnelles catholiques et celles, francophones également, de l’Alliance Israélite, fondée en 1860 et qui se donnait pour but de « régénérer les israélites d’Orient » : l’ensemble scolarisait 20.000 élèves en français. Barrès, qui s’est rendu en Orient en 1914 et en a ramené Une enquête aux pays du Levant, apprécia beaucoup « la mélodie d’Ile-de-France » du parler des jeunes filles rangées d’Alexandrie… Du fait de cette francophonie des élites de l’Empire comme du statut international du français à l’époque, la presse en français jouait un rôle important aussi bien au Levant que dans la capitale (où le principal journal en français s’appelait Stamboul)327. Les rivalités entre Occidentaux se traduisaient sur place par des tensions croissantes entre leurs protégés : ainsi au Liban, où de toute façon les druzes étaient en conflit avec les maronites pour la possession de la terre et du pouvoir local dans les montagnes libanaises (les maronites bénéficiaient d’un dynamisme démographique supérieur). Les Puissances avaient imposé le partage du Mont-Liban entre un district maronite, patronné par les Français, et un district druze, patronné par Londres, ce qui ne réglait pas le problème des zones mixtes… En Terre Sainte, toutes ces bisbilles débouchèrent sur ce qu’on appelle la querelle des Lieux Saints : il apparut d’abord à Jérusalem un évéché protestant (1843), patronné par les Britanniques et les Prussiens, puis, par réaction, Rome y rétablit un patriarcat catholique client de Paris (1847)328 ; quant aux Russes, ils obtinrent la restauration d’un patriarcat orthodoxe329. Les trois institutions sombrèrent dans des querelles de chiffonniers : l'on se disputait les « bons » horaires pour les messes mais aussi le moindre mètre carré de chapelle, le moindre placard à balais, tandis que les trousseaux de clefs étaient au cœur d'intrigues byzantines…330 Ce fut l’une des causes lointaines de la guerre de Crimée que je traiterai plus bas, plus exactement ce fut l’un des prétextes dont se saisirent les Franco-Britanniques pour déclarer la guerre à la Russie. Les réformes furent notamment des échecs dans les provinces arabes encore contrôlées par la Porte (dans les Balkans aussi évidemment mais je le traiterai à part). Pour l’instant ce n’était pas un nationalisme arabe anti-turc qui s’y développait, sauf chez une petite minorité parmi les minorités non musulmanes. Mais les provinces arabes devenaient une espèce de sanctuaire du conservatisme islamique : les musulmans supportaient mal, notamment, que les chrétiens abandonnassent les marques de soumission et d’humilité que leurs ancêtres avaient acceptées des siècles durant ; la progression démographique de ces minorités chrétiennes, liée à l’occidentalisation de leur mode de vie et à l’amélioration de leur niveau de vie, contituait un autre motif d’inquiétude331. Bref, les Arabes étaient plus divisés que jamais, même sans tenir compte du fait que ceux d’Afrique du Nord suivaient désormais leurs propres destins. L’exaspération des conflits entre Arabes finit par aboutir, en 1860, au massacre de plusieurs milliers de maronites par des druzes au Liban, et de chrétiens par des musulmans à Damas. Ces drames, relayés par une vigoureuse campagne d'opinion en Europe332, entraînèrent une expédition « humanitaire » française en 1860-1861 : Napoléon III, pour des raisons de politique intérieure plus que par conviction idéologique (il fallait calmer les catholiques français après les guerres d’Italie, voyez plus bas), cherchait à renouer avec l'image de la France, « fille aînée de l'Église », et par ailleurs, nous l’avons vu à propos de l’Algérie, il rêvassait d’un grand royaume arabe client de la France. L'expédition française ne rencontra guère de résistance au Liban (les Ottomans se chargèrent de pacifier Damas), mais l'opposition du Royaume-Uni, inquiet d'un éventuel « engrenouillage » de ces régions trop proches de Suez et des Détroits, amena le corps expéditionnaire à se retirer presque immédiatement ; cependant cet épisode fut à l'origine d’un nouveau renforcement de l'intérêt de la France pour cette région du monde arabe. Ce fût aussi à cette occasion que pour la première fois, sous la pression française, Istanbul dut accepter que le Mont-Liban, c’est-à-dire la montagne chrétienne (le centre-sud de l’actuel Liban), fût administrativement détachée de la province de Damas et placé sous l’autorité d’un gouverneur chrétien nommé avec l’accord des Puissances333, alors qu’au contraire les Britanniques avaient proposé une grande Syrie autonome mais centralisée autour de Damas334. En 1864, il apparut, pour « seconder » ce gouverneur, un conseil de représentants des différentes communautés libanaises, « élu » sur une base confessionnelle : c’était le début de la gestion du Liban sur une base confessionnelle, qui dure encore aujourd’hui avec les piteux résultats que l’on sait. Cependant, cette époque vit également l’apparition de la figure de Boutros al-Boustani, un maronite converti au protestantisme qui, vers 1858, déçu par les missionnaires anglo-saxons, s’était tourné vers l’idéologie ottomaniste, mais avec, dès le début, un fort accent mis sur la renaissance de la langue et de la culture arabe. Il se mit rapidement à insister sur la notion d’une patrie commune à tous les Arabes de Syrie (= du Levant), liée à la notion de « terre ancestrale » et à celle de « valeurs communes », telles qu’elles s’étaient exprimées à la grande époque de la civilisation arabo-musulmane (mais dépassant l’islam). L’ensemble était un décalque d’idées européennes (le modèle d’al-Boustani, c’étaient évidemment les diverses « (re)naissances nationales » qui avaient lieu un peu partout en Europe), mais déjà en bonne partie retournées contre l’Occident, qu’al-Boursani considérait en décadence culturelle et morale. Même s’il demeurait politiquement fidèle à l’Empire ottoman (il rêvait d’une fédéralisation sur le modèle américain) et si son patriotisme était plus levantin qu’arabe, il annonçait les nationalistes arabes du XXe siècle, notamment par ses appels à une « solidarité arabe ». Pour l’instant, ses idées n’eurent guère de succès. Par ailleurs, les tanzîmât ne pavinrent pas à empêcher l’Empire Ottoman de plonger progressivement dans une dérive d’échanges inégaux et d’endettement. Depuis le traité de libre-échange de 1838, la Porte n’avait plus le contrôle de sa politique douanière, puisque toute modification des tarifs devait passer par un accord avec les Puissances. Alors que les échanges économiques de l’Empire Ottoman n’avaient augmenté que de 80 % entre 1780 et 1830, ils quintuplèrent de 1840 à 1880 (le Royaume-Uni était au premier rang335, la France et l’Autriche venaient ensuite avec 12 % chacune). Cela provoqua certes, nous l’avons vu, un début de modernisation de l’agriculture, mais la balance commerciale était très déséquilibrée en faveur de l’Europe et la concurrence des produits industriels occidentaux ruina l’artisanat traditionnel (ainsi la province de Bursa, près d’Istanbul en Asie, produisait 20.000 pièces de tissu en 1843 et seulement 3.000 en 1863) et accentua la dépendance. Les rares secteurs modernes de l’économie ottomane (essentiellement des entreprises d’artisanat de luxe, des manufactures d’équipements destinés à l’armée, des magnaneries336, des filatures et, surtout après 1855, des mines) étaient aux mains de capitaux européens, pour l’instant moins allemands que britanniques (le chemin de fer Smyrne-Cassaba337, mis en service en 1866), français (la société Collas et Michel, qui construisait des phares depuis le début des années 1860338 ; une fabrique moderne de mouchoirs apparue à Bursa en 1850) ou multinational (une Société Impériale des Chemins de Fer de la Turquie d’Europe, apparue en 1869, gérait déjà un millier de kilomètres de voies vers 1875). Il commençait à se produire quelque chose comme une division de l’Empire Ottoman en sphères d’inétrêt : au Royaume-Uni l’Égypte, l’Irak et la péninsule arabique, à la France la Syrie et le sud-est de l’Anatolie, plus la Tunisie, à la Russie le pourtour de la Mer Noire et l’Anatolie orientale, à l’Autriche les Balkans occidentaux… Surtout, les réformes libérales (libre-échange, etc.) et le recours à des capitaux européens pour mener la modernisation économique aboutirent à un autre type de dépendance envers l’Europe, sous forme d’une logique d’endettement. Le premier emprunt (placé auprès du public français et britanique, moyennnant une très vigoureuse campagne d’opinion menée par les deux gouvernements) date de 1854, l’année de la guerre de Crimée, et servit en bonne partie à financer la mise hors circulation des kaime ; il y en eut un autre dès l’année suivante, géré par les Rothschild, et encore 13 jusqu’en 1875 — vers la fin, ils servaient de plus en plus à rembourser les précédents, avec évidemment des taux d’intérêts qui augmentaient au fur et à mesure que l’affaire devenait plus risquée. La Banque Impériale Ottomane, fondée en 1856 ou en 1863 selon les sources, était à capitaux privés franco-britanniques : elle gérait les emprunts susmentionnés, mais elle avait aussi le monople de l’émission du papier monnaie qui avait remplacé les kaime, c’est-à-dire qu’elle servait de banque d’État, et elle investissait dans des projets de développement comme les tramways d’Istanbul. Parmi les banques ottomanes à capitaux français, citons également la Société Générale de l’Empire Ottoman, fondée en 1864 ; le Crédit Général Ottoman (1869) et la Banque de Constantinople (1872). Tous ces établissements vivaient largement des prêts qu’ils faisaient à la Porte. En 1875-1876, l’Empire Ottoman fit banqueroute sur la moitié de sa dette : à cette date, 50 % de ses dépenses étaient affectés au remboursement de ladite dette, or une crise financière en provenance des États-Unis rendit impossible de contracter de nouveaux emprunts à court terme pour rembourser les précédents, tandis que des problèmes climatiques affectaient les revenus de l’État339. En 1879, il y eut une démonstration armée de la Navy dans les Détroits. En 1881, année de la banqueroute officielle, il apparut une Administration de la Dette Publique Ottomane : elle était dirigée par un conseil dominé par les représentants des créanciers, et présidé alternativement par un Français et un Britannique. Afin d’assurer « à la Porte » des revenus réguliers pour rembourser ce qui demeurait de la dette (laquelle avait été restructurée, consolidée et légèrement réduite), elle plaça les douanes sous son contrôle, ainsi que d’autres revenus publics (un tiers du total vers 1910) ; elle avait son mot à dire, et ne s’en privait pas, en matière d’investissements ferroviaires, textiles, etc. En 1914, c’était, avec 9.000 employés, le véritable ministère des Finances de la Porte. Elle avait à peu près assaini la situation financière : l’Empire était toujours endetté, mais de nouveau capable d’emprunter340. Enfin, dès les années 1830 la Porte perdit une partie de sa souveraineté militaire. En 1833, l’accord signé entre Istanbul et Saint-Pétersbourg contre Méhémet Ali incluait une clause selon laquelle les Détroits, donc la Mer Noire, étaient fermés aux navires de guerre occidentaux : en gros, cela faisiat desdits Détroits une chasse gardée de la Russie. En 1841, sur intervention du Royaume-Uni, une « Convention des Détroits » ferma ceux-ci à tout navire de guerre en temps de paix : c’était plutôt, pour le coup, tranformer la Mer Noire en une nasse pour la marine russe, et cela ne fit qu’entretenir à la cour des tsars le désir d’une fenêtre sur une mer « vraiment » libre, l’Égée ou l’Adriatique. |
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