E. Influences historiques et géographiques
Bien d’autres forces sont à l’œuvre pour modeler la législation de n’importe quel pays, mais un simple survol des nombreux pays retenus aux fins de la présente étude suffit à faire apparaître des tendances ancrées dans l’histoire et la géographie. En voici quelques exemples :
Le British Imperial Statute. La Loi britannique sur le droit d’auteur de 1911 était applicable non seulement à la métropole, mais aussi à tous les territoires d’outre mer et à toutes les colonies britanniques. Les modifications ultérieures ont eu la même portée géographique, du fait soit d’une prescription légale, soit de la dynamique de la tradition juridique. Aujourd’hui, l’exception en faveur des bibliothèques inscrite dans la législation britannique fait l’objet d’une loi distincte, dans laquelle les utilisations autorisées font l’objet de longs développements. Des dispositions dont l’économie, le style et la formulation sont analogues ont été incorporées dans la législation du Belize, de Sainte Lucie, de la Sierra Leone et de bien d’autres pays. L’Australie, la Nouvelle Zélande et Singapour se sont dotées de lois assez voisines, mais en sont venues au fil des ans à adopter une démarche différente sur bien des questions, conférant ainsi à leur législation un caractère qui, tout en reflétant son héritage britannique, s’en est émancipé sur bien des points de détail25.
Amérique du Sud et Communauté andine. Le cas de l’Amérique latine tend à indiquer que les influences régionales sont très fortes. Quatre pays sont membres de la Communauté andine, créée en application de l’Accord de Carthagène en 1969 : la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Ces quatre pays ont des lois analogues à bien des égards. Trois autres pays, l’Argentine, le Brésil et le Chili, ont en commun de n’avoir adopté aucune exception en faveur des bibliothèques26.
Afrique centrale et Accord de Bangui. L’Accord de Bangui a été conclu entre 16 pays francophones, situés pour la plupart en Afrique centrale. Cet Accord comprend un grand nombre de dispositions relatives au droit d’auteur, y compris une exception en faveur des bibliothèques. Beaucoup de pays membres n’ont pas adopté d’exceptions de ce type, mais dans la mesure où l’Accord de Bangui y a force exécutoire, ils ont adopté indirectement une telle exception. La région fait ressortir une autre tendance géographique, à savoir l’adoption par plusieurs pays d’une exception en faveur des bibliothèques relativement simple qui fixe certaines limites, mais qui, en dernière analyse, autorise de nombreux types de bibliothèques à réaliser des copies d’œuvres diverses aux fins d’accomplir n’importe laquelle de leurs missions. La loi unique semble englober la recherche, la préservation et toutes autres activités des bibliothèques27.
L’Union européenne et les mesures techniques de protection. À la suite de la publication de la Directive de 2001 sur la société de l’information, les pays membres de l’UE ont adopté en faveur des bibliothèques des exceptions à la loi sur l’interdiction de la neutralisation. Comme cela était à prévoir, ces pays ont été nombreux à s’emprunter des formulations, ce qui n’empêche pas les textes d’être très différents d’un pays à l’autre. Une autre tendance se fait jour en ce qui concerne les exceptions à la législation anti neutralisation. La directive autorise les exceptions à cette législation en faveur des bibliothèques, mais ne les prescrit pas. Or, 21 des 27 pays membres ont adopté une telle exception. Fait tout aussi important, peu d’autres pays l’ont fait, ce qui confirme le pouvoir d’une directive s’agissant d’orienter la législation.
Mis à part ces tendances et d’autres dont on ne peut nier l’existence, les lois prévoyant une exception en faveur des bibliothèques sont très différentes d’un pays à l’autre. La Convention de Berne et d’autres instruments internationaux sont peut être parvenus à harmoniser bien des aspects de la législation sur le droit d’auteur, mais la présente étude montre que l’harmonisation internationale n’a guère eu de prise sur les dispositions législatives créant des exceptions au droit d’auteur en faveur des bibliothèques et des services d’archives.
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