Josephte
On ne connaît vraisemblablement rien de cette femme qui signe sous un pseudonyme. Ces deux poésies ont paru dans le Répertoire national de John Huston, en 1848. D’autre part, l’ouvrage Textes poétiques au Canada français attribue ce pseudonyme à Pierre-Joseph-Olivier Chauveau.
À une étoile tombante
Lors de sa parution dans La Revue canadienne, le 29 mars 1845, le poème était accompagné de la note suivante : « Nous ne publions jamais un article sans en connaître l’auteur, mais nous faisons volontiers une exception en faveur des dames. Les stances ci-dessous sont heureuses, délicates et jolies; elles ont un parfum de poésie et de sentiment que nos lecteurs admireront comme nous. Notre aimable compatriote, nous espérons, voudra bien continuer de nous favoriser de ses poétiques inspirations. » Où vas-tu donc lorsque, dans l’ombre,
Plus rapide que l’hirondelle,
Tu fends l’espace et la nuit sombre?
Où vas-tu donc, petite étoile? Viens-tu nous voir, nous, mauvais monde,
Tout de poussière et si rebelle,
Et qu’un torrent d’horreurs inonde?
Viens-tu nous voir, curieuse étoile? Es-tu lasse de scintiller
Au sein des cieux lorsque, si belle,
L’on t’y voyait étinceler?
Es-tu lasse, coupable étoile? Fuis-tu le ciel, ce doux séjour
Que désire l’âme immortelle,
Dans son cadre d’un pauvre jour?
Fuis-tu le ciel, méchante étoile? Es-tu l’ange qui nous chérie,
De nos chevets la sentinelle,
Qui nous garde de l’ennemi?
Es-tu cet ange, ô bonne étoile? Retourne donc, si tu t’esquive;
Repens-toi donc, si criminelle;
Ne laisse pas en fugitive;
Mais sois notre ange et notre étoile!
À l’oiseau blanc
Lorsque les durs frimas sur toute la nature
Ont tendu leur linceul, ce grand voile enneigé
Qui, sous ses plis d’argent, dérobe la verdure
Et cache le gazon gémissant et glacé,
Petit oiseau tout blanc, tu viens nous réjouir,
T’envolant vers l’hiver qui n’a pas de zéphir! Quand les vents échappés de leurs cachots de glace,
Furieux, ont dépouillé les bois de leur feuillage,
Et lorsque les branches, quand l’autan siffle et passe,
Se plaignent gémissant de leur triste veuvage,
Petit oiseau tout blanc, tu viens nous réjouir,
T’exilant des forêts qui sont à reverdir! Lorsque des froids cruels la blanche main glacée
Enchaîne, dans les champs, le cours de nos ruisseaux
Qui, leur perle roulant sur le gazon, l’été,
Semblent mêler leur bruit aux accents des oiseaux,
Petit oiseau tout blanc, tu viens nous réjouir,
En t’éloignant des bords qui ne font que fleurir! Lorsque dans la campagne on n’entend plus la voix
De l’humble rossignol, ni le gazouillement
Des gentils habitants qui peuplent la forêt
Et remplissent les airs de leur céleste chant,
Petit oiseau tout blanc, tu viens nous réjouir,
Nous annoncer l’hiver, les jeux et le plaisir! Lorsque tous les attraits, qu’une divine main
À ce sol a prêtés, nous sont tous dérobés,
Et lorsqu’on murmure contre l’ordre divin,
De noire ingratitude et de péchés rongés,
Petit oiseau tout blanc, tu viens nous prévenir
D’être bons, patients, qu’ils vont tous revenir! Et quand la froide neige tombe en lambeaux des nues,
Ou bien, quand elle siffle, agitée par les vents,
Reviens près de nos toits, dans nos forêts si nues,
Après avoir été suivre, ailleurs, les autans,
Petit oiseau tout blanc, reviens nous réjouir,
D’être bons, patients, nous faire souvenir!
Denis Benjamin Viger (1774-1861)
Denis Benjamin Viger a été avocat, député à la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada, puis a siégé dans le Conseil Législatif. En 1838, il est emprisonné pendant 19 mois, un record chez les Patriotes. Premier président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Viger a joué un rôle important dans la vie politique de l’époque.
|