L’AVENIR DES BASSES-TERRES DE LA VALLEE DE LA SENNE AU SUD DE BRUXELLES
Les études qu'il me devient aujourd'hui assez urgent d'exposer, s'adressent, idéalement, à un groupe bien choisi de personnes mues par le désir de voir Bruxelles recommencer à se penser AUSSI comme atelier, c'est-à-dire comme site de production. Et en particulier, de personnes qui auraient ensemble la capacité à définir le type d'activités industrielles (j'utilise le mot dans son sens noble !) qui trouveraient avantage, dans l'avenir, à se regrouper, même assez densément, j'oserais même dire verticalement, au bord du canal, pour bénéficier d'une double voie de transport des biens et des personnes : le canal et un chemin de fer de type « tram-train ».
L'hypothèse que nous explorons en ce moment au sein de notre bureau d'étude est assez simple à résumer. Elle vise, progressivement et en même temps 1 :
à libérer le thalweg de la Senne et de la Senne de gauche, entre ring et chemin de fer de contournement de Bruxelles par l'ouest - soit environ 300 ha -2, de la présence de l'actuel "Anderlecht business park", un zoning d'activités conçu dans une optique d'accessibilité exclusivement "gomme", pour restituer le thalweg de Bruxelles à l'ordre aquatique et végétal. Ces 300 hectares, que l’on traverse aujourd’hui par le milieu, lorsqu’on rentre à Bruxelles par le boulevard industriel, qui forment le fond même de la cuvette fluviale, fil conducteur géographique maître de Bruxelles, deviennent partie d’un très ample parc transrégional de la Senne, ouvert au nord et aux Sud vers nos deux grandes régions limitrophes. Dans cette partie Sud du parc transrégional de la Senne, localisée pour l’essentiel sur le territoire de la commune d’Anderlecht, le tracé de la Senne est re-gravé in situ, l’eau recommence à circuler à ciel ouvert. Le parc est autant récréatif que productif. S’y réaffirme un large fragment de la structure brabançonne – rurale pour l’essentiel – du territoire bruxellois
à réimplanter l'activité industrielle en un quartier linéaire qui se déploierait sur environ 1000 mètres, à l’alignement de la rive droite des bassins de Bisteboeck et de Batelage (jusqu’à l’île d’Aa). Ce quartier linéaire – dont l’orientation, les dimensions en plan et la morphologie générale renvoient à l’expérience historique du faubourg3 industriel - serait composé d'une succession de hauts hôtels industriels à larges cours ouvertes vers le canal, dont l'allure serait un peu comparable à celle des grandes meuneries que l'on peut encore admirer en aval et en amont de Bruxelles. L'ensemble des ateliers, serait accessible par l'eau et par une ligne de chemin de fer léger (tram-train) à raccorder aux réseaux de train et de tram. La face de ce long quartier industriel tournée vers le parc transrégional serait propice au développement d'un programme de logements. Ces logements ne se tourneraient donc pas vers le canal, mais bien vers la Senne, c’est-à-dire vers le fil de la vallée, et bénéficieraient de la vue magnifique vers les hauts promontoires du plateau brabançon à Forest...
Par l'exposé de cette hypothèse, et des dessins qui l'illustrent, mon souhait est d'élargir la réflexion, d'associer à la démarche culturelle qui est la mienne, plutôt guidée par le désir d'une architecture qui renouerait avec les modalités bruxelloises de la création urbaine, une démarche de fabricants, d'opérateurs urbains.
Il est question ici, donc, de construire de la motivation en nourrissant l'imagination , c'est-à-dire en recréant un lien autrefois toujours très fort mais aujourd'hui très distendu entre besoins (attentes précises et souhaitables pour le moyen voire le long terme en termes de survie collective) et formes. Il est question d'imaginer ensemble des formes qui répondent pleinement à ces besoins : des formes qui ne soient pas seulement des images, ni des démonstrations aussi vite démodées qu’elles sont tonitruantes, mais des formes symboliques, à la fois réponses audacieuses (puisque le défis auxquels nous sommes appelés nous invitent à modifier nos habitudes) et capables de révéler leur justesse à travers le temps.
Mon souhait est donc bien de permettre à une attente de changement actuellement un peu angoissée parce que largement privée de pistes concrètes, de se muer - par l'imagination - en espoir. Je suis donc demandeur d'une critique civile de cette hypothèse sur l'avenir des basses terres de la vallée de la Senne, en vue de sa bonification dans le dialogue, de son inscription dans le domaine du partagé, c'est-à-dire du réel. J'ignore s'il est opportun d'associer aujourd’hui les acteurs les plus déterminés à voir "gagner" rapidement une stricte logique de mutation résidentielle des bords du canal, ni ceux qui envisagent strictement Bruxelles comme plate-forme logistique (encore que les limites de la notion de « logistique » fasse débat). Probablement faudrait-il commencer par réunir autour de ce projet les acteurs les plus concernés par les questions relatives aux choix industriels d'avenir, ainsi qu'aux choix en matière de transport, voire aussi en matière d'agriculture et de paysage urbain, déjà sensibilisés et enthousiastes à la perspective d'une transition heureuse.
25/9/2012 Bertrand Terlinden
Dr architecte
Chargé de cours ULB – Faculté d’Architecture La Cambre-Horta |