Souvenirs de l'Empire du Milieu








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Maurice JAMETEL

PÉKIN

Souvenirs de l'Empire du Milieu




à partir de

PÉKIN

Souvenirs de l'Empire du Milieu

par Maurice JAMETEL (1856-1889)

Chargé du cours de langue chinoise à l'École des Langues Orientales

E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1887.

Mise en format texte par

Pierre Palpant

www.chineancienne.fr

A

MONSIEUR LOUIS WUARIN

Professeur de sociologie

à l'Académie de Genève

HOMMAGE DE RESPECT

ET DE RECONNAISSANCE

Maurice JAMETEL



Sir Robert HART

Directeur général des douanes maritimes de l'empire chinois

Chevalier de l'ordre de Saint Georges et Saint Michel

TABLE DES MATIÈRES

Introduction

PREMIÈRE PARTIE. — Arrivée en Chine. Shanghaï.

I. De Paris en Chine.

II. Shanghaï et son arsenal.

III. Shanghaï au point de vue scientifique et militaire.

DEUXIÈME PARTIE.

I. L'observatoire de Si-ka-wé.

II. Orchestre jaune.

III. De Shanghaï à Tien-tsin.

TROISIÈME PARTIE.

I. Tien-tsin.

II. Pékin et Khan-baligh.

III. Boulevards pékinois et ruelles jaunes.

QUATRIÈME PARTIE. — Loisirs jaunes et le Temple des dix mille lamas.

I. Souvenir de la vie pékinoise.

II. Le Temple des dix mille lamas.

III. Maison d'or et cuisine dorée.

IV. Le Temple du Ciel.

INTRODUCTION

@

p.001 Les écrivains chinois ont pris, depuis bien longtemps, la louable habitude de faire précéder leurs ouvrages d'une préface dans laquelle ils démontrent, ou mieux croient démontrer, l'utilité de leurs œuvres. Certes, malgré cette manière de faire, il est plus d'un littérateur jaune qui aurait mieux agi, dans l'intérêt de sa bonne renommée, en gardant pour lui les fleurs de sa pensée ; mais, malgré cela, la nécessité de présenter au public quelque cause valable retient plus d'un rêveur sur la pente fatale qui conduit à l'imprimerie ; cet espèce d'examen de sa conscience littéraire lui permet souvent, au dernier moment, de voir que ses idées n'ont rien de neuf, ou encore qu'elles n'offrent aucun intérêt pour le plus grand nombre.

Puisque mon livre traite de la Chine, je me permettrai d'aborder mon sujet dès la préface, en lui donnant la même tournure qu'une introduction jaune, en en faisant, en un mot, un véritable plaidoyer p.002 pro domo sua. Et aussi bien, puisque j'ai les mêmes causes que mes collègues des bords de la mer Jaune pour agir de la sorte. Ces derniers ont été amenés, en effet, à exposer au public l'utilité de leurs productions par le peu d'étendue de la carrière ouverte aux littérateurs chinois. Confinés sur la route étroite des idées confuséennes, qu'ils ne cessent de parcourir depuis tantôt vingt siècles, il leur faut, bon gré mal gré, repasser constamment sur les traces de leurs devanciers. De là, pour eux, la nécessité d'essayer de faire accroire aux lecteurs que, tout en suivant à la lettre le précepte de Confucius, qui dit que l'écrivain « doit borner sa tâche à répéter ce qu'ont écrit les anciens sages », ils leur disent des choses nouvelles. Moi aussi, en racontant mes impressions de voyage dans la capitale des « Fils du Ciel », je refais un travail qui a déjà été fait bien des fois par des plumes plus autorisées que la mienne. « Pourquoi, alors, n'expliquerai-je pas, moi aussi, sous quel rapport mon travail diffère de celui de mes savants devanciers ? »

Je prie le lecteur de remarquer que cette dernière phrase, qui n'est point de mon cru, est extraite de la préface d'un célèbre ouvrage de philosophie jaune et traduite par moi à son intention.

A mon sens (ici je redeviens Européen, puisque je prends la grande liberté de parler à la première personne, sans m'inquiéter de l'opinion des auteurs d'avant le déluge), à mon sens donc, il n'y a qu'une seule façon d'écrire l'histoire, laquelle, passée à l'état de proverbe, consiste à raconter toujours le contraire p.003 de la vérité ; tandis qu'il y a deux manières d'écrire les relations de voyage.

La première de ces manières, qui est, du reste, la meilleure, lorsqu'elle a à son service la plume d'un Alexandre Dumas ou d'un Jules Verne, consiste à présenter au public, sous forme de roman, des renseignements, puisés aux meilleures sources, sur des pays lointains que l'auteur n'a jamais vus autrement qu'en rêve ou dans des ouvrages scientifiques.

Malheureusement, cette méthode a donné lieu à bien des abus. Sous prétexte que Disraeli et Anthony Trollope ont parsemé leurs romans, l'un de ducs et de pairs, l'autre de vicaires et de curés bien vivants, alors que le premier n'avait jamais pénétré dans un salon aristocratique, et que le second passait son temps en tout autre compagnie que celle des clergymen 1, de prétendus vulgarisateurs ont inondé littéralement le monde d'ouvrages géographiques, dépourvus de toute valeur scientifique, où ces auteurs ignorants, au lieu de cacher habilement leur manque de savoir sous le manteau de la fiction, se posent en savants, discutant gravement sur l'avenir et les ressources d'un pays dont ils ignorent même souvent la géographie physique élémentaire, celle que l'on apprend sur les bancs de l'école et qu'ils ont oubliée, ne se donnant même pas la peine de la revoir avant de prendre la plume. Et ces vulgarisateurs d'idées fausses poussent si loin p.004 leur habileté professionnelle, qu'ils en sont arrivés à persuader au public que, pour bien juger et apprécier, sans parti pris, un pays et ses habitants, il ne faut ni l'avoir visité ni en connaître la langue.

Je ne me permettrai point de discuter cette nouvelle théorie, fort agréable pour les conteurs qui souffrent du mal de mer ; mais je me permettrai de soutenir, pour ma part, que le monde des lecteurs est, Dieu merci, assez vaste pour que chacun y trouve sa place, aussi bien les géographes en chambre que les voyageurs qui passent leur vie sur les chemins plus ou moins bien tracés de notre planète. Ce que je demande est, en somme, fort juste : une petite place au soleil pour les récits de ceux qui passent des années, loin de leur patrie et des êtres qui leur sont chers, à étudier sur place les hommes et les choses, les langues et les lois. Et, pour mener à bien de semblables études, deux conditions sont nécessaires : la connaissance de la langue du pays que l'on veut étudier, et un séjour assez long en ce même pays pour permettre au voyageur de s'imprégner, pour ainsi dire, des idées et des préjugés indigènes, et de se constituer une seconde personnalité, grâce à laquelle il comprendra et appréciera, à leur juste valeur, les événements dont il sera témoin. Parmi les nombreux auteurs qui ont écrit sur la Chine moderne d'excellents ouvrages de vulgarisation, aucun ne réunissait, à ma connaissance, les deux conditions dont je viens de parler : les uns sont des géographes en chambre, les autres des voyageurs que l'attrait de l'inconnu, la facilité des communications, p.005 entraînent jusque dans les parages les moins fréquentés du globe. Ces derniers sont, en général, des jeunes gens riches qui aiment mieux dépenser leur argent et leurs loisirs en voyages intéressants et instructifs que s'adonner à la vie oisive des clubs et des coulisses. Mais ces voyageurs ne font que traverser les pays qu'ils visitent ; d'où le nom fort approprié à leur existence vagabonde, de globe-trotters, trotteurs du globe, sous lequel les désigne la société anglaise, qui en compte un grand nombre parmi ses membres. Cependant ce sport nouveau possède aussi en France des amateurs très convaincus, et c'est à eux que nous devons la majeure partie des chefs-d'œuvre qui composent la bibliothèque des voyages de la maison Plon et Cie.

Qui n'a été charmé par la lecture de ces spirituels récits écrits, avec autant de verve que d'entrain, par le marquis de Beauvoir, Maurice Dubardet et tant d'autres !

Mais les récits de voyages en Chine écrits par des auteurs connaissant la belle langue de Confucius, et ayant passé de longues années dans le pays où il a vu le jour, sont assez rares, je crois. Voilà pourquoi je me permets de présenter au public ces souvenirs de la vie d'un sinologue dans la capitale des Fils du Ciel.

Cette conclusion est tout à fait chinoise, et je l'ai extraite, mot pour mot, d'un célèbre ouvrage jaune.

Pendant mon séjour en Chine, chaque soir je consignais sur mon journal les événements de la journée, en donnant la plus large place aux résumés des conversations que j'avais eues avec les indigènes. Souvent même ces résumés n'étaient qu'une reproduction de p.006 notes prises, au cours de mes entretiens, sur un des innombrables calepins dont mes poches étaient toujours amplement pourvues. Lorsque je voulus, dans la suite, extraire les passages intéressants de ce volumineux journal, je ne tardai pas à m'apercevoir que mes entretiens avec les sujets du Fils du Ciel en constituaient la partie la plus curieuse, tant à cause de leur couleur fortement teintée de jaune, que des nombreux renseignements qu'ils renferment. Donner seulement un résumé de ces conversations eût été, dans bien des cas, leur faire perdre cette saveur du terroir qui en constitue le charme, et qui nous permet d'étudier le caractère chinois sous des aspects peu connus. Aussi me suis-je décidé, après de mûres réflexions, à reproduire in extenso des conversations en les intercalant dans mon récit, mais en m'abstenant, dans la plupart des cas, de les commenter, préférant laisser au lecteur le plaisir d'en tirer lui-même des conclusions en rapport avec ses goûts et ses sentiments.

Tels qu'ils sont, ces souvenirs de la capitale des Fils du Ciel constitueront, je l'espère, une nouveauté, tant sous le rapport de la forme qu'au point de vue des informations qu'ils renferment, et cela, amour-propre d'auteur mis à part ; car, ainsi que je viens de le dire, mon rôle s'est borné simplement à celui d'un sténographe consciencieux. Je puis donc, en offrant ce livre au lecteur, lui répéter les célèbres paroles de Confucius :

— Je rapporte les paroles des autres mais je ne dis rien moi-même 1.

p.007 Avant de terminer cette préface, il me reste à expliquer la présence, au commencement de ce volume, du portrait de sir Robert Hart, le plus grand Européen de l'Orient. Si la Chine est aujourd'hui accessible à tous, si les étrangers peuvent comme moi y voyager et y résider, ils le doivent certainement bien plus à l'homme dont je viens de prononcer le nom qu'aux armées ou aux diplomates que l'Europe a envoyés dans ce lointain pays. Tout récemment encore, sir Robert Hart a donné au monde une preuve éclatante de l'excellente et immense influence qu'il exerce sur le monde chinois. En présence de l'impuissance de nos diplomates et de nos cuirassés, dont les efforts combinés n'avaient pu arriver à une solution de la question du Tonkin, le directeur des douanes impériales maritimes chinoises se décida à intervenir entre les belligérants et, grâce à son habileté, il parvint à rétablir la paix dans l'Extrême-Orient. Son influence y est d'autant plus considérable qu'elle ne fait jamais étalage de sa puissance.

Je n'essayerai point d'exposer ici tout ce que sir Robert Hart a fait en Chine pour la cause de notre civilisation : c'est là une tâche que j'ai déjà accomplie en d'autres lieux ; mais je croirais ce livre de notes incomplet si je n'y joignais une courte biographie du Colbert de la Chine.

Sir Robert Hart est un enfant de la verte Irlande, cette terre légendaire de la misère, qui fournit néanmoins à l'Angleterre ses officiers les plus braves, ses voyageurs les plus audacieux et ses émigrants les plus p.008 entreprenants. A l'âge de vingt ans, le futur directeur des douanes maritimes chinoises partit pour l'Extrême-Orient, en qualité d'élève interprète du service consulaire. Dès son arrivée dans le « royaume des fleurs », le jeune attaché, qui venait de passer avec succès ses examens de sortie à l'Université royale d'Irlande, se livra avec ardeur à l'étude de la belle langue de Confucius, non point comme un savant en us, préoccupé avant toute chose des formes de la grammaire, mais au point de vue de la pratique, en homme qui se dispose à jouer un grand rôle dans le pays où il est appelé à vivre. Ses rapides progrès dans la langue chinoise lui valurent, en 1858, d'être appelé à remplir les délicates fonctions d'interprète de la commission alliée, à Canton, où il fut ensuite attaché au consulat anglais, aussi en qualité d'interprète. Il resta peu de temps dans ce poste, et le quitta en 1859 pour devenir sous-directeur du service des douanes chinoises maritimes, qui venait d'être organisé par M. Lay. Lorsque celui-ci quitta la Chine, sir Robert Hart fut appelé à le remplacer, d'abord à titre temporaire, puis à titre définitif.

Depuis l'époque de sa nomination au poste de commissaire des douanes impériales maritimes, sir Robert Hart n'a cessé, non seulement d'étendre et de perfectionner son service, mais aussi de s'appliquer, en toutes circonstances, à faire profiter le gouvernement chinois de ses relations avec l'Occident. La cour de Pékin, en récompense de ses services, lui a donné, en 1881, le bouton rouge, insigne des mandarins du premier rang ; et les gouvernements européens, de leur p.009 côté, lui ont conféré des honneurs qui n'ont jamais été mieux mérités. C'est ainsi que le gouvernement français l'a nommé, tout récemment, grand officier de la Légion d'honneur ; que la reine Victoria lui a donné la croix de commandeur de Saint-Michel et de Saint-Georges, d'où lui vient la particule de sir qui précède son nom. Et son pays natal a tenu, lui aussi, à prouver au monde qu'en Irlande on peut fort bien être prophète en son pays : en 1881, l'Université royale d'Irlande, dont il a été l'élève, lui a conféré le titre de docteur en droit causa honoris.

Et en agissant de la sorte, Empereurs, Rois et Université n'ont fait que rendre à César ce qui appartient à César, et au mérite ce qui lui revient.



PREMIÈRE PARTIE

Arrivée en Chine.

Shanghaï

CHAPITRE PREMIER

De Paris en Chine

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p.011 Le paquebot des Messageries Maritimes le Yangtze se balance doucement sur son ancre au milieu d'un véritable firmament terrestre. Tout autour de lui scintillent des milliers d'étoiles, qui ne sont autre chose que les fanaux des jonques des pêcheurs chinois.

Nous sommes déjà en Chine, mais sur ses eaux seulement. Demain, à la pointe du jour, la marée montante nous permettra de passer sans danger la redoutable barre de Vousong, pour remonter jusqu'à Shanghaï, le but de notre voyage et le grand emporium du commerce de l'Extrême-Orient.

Ce retard de la marée me vexe énormément, et j'envoie à tous les diables les mandarins chinois qui se refusent à laisser draguer le banc de sable de Vousong, sous prétexte que c'est un moyen de défense élevé de par les soins de la Providence. Leur respect p.012 pour cette malencontreuse barre est même si grand qu'ils l'appellent, dans leur langage imagé, la
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