Programme de travail lundi 12 novembre 2007 L’evolution des procedures collectives en france








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DROIT ET COMMERCE

VOYAGE D’ETUDE EN ESPAGNE

PROGRAMME DE TRAVAIL
Lundi 12 novembre 2007


L’EVOLUTION DES PROCEDURES COLLECTIVES EN FRANCE


INTRODUCTION : UN DROIT EN CONSTANTE EVOLUTION DEPUIS CINQUANTE ANS

I.- L’EVOLUTION DES PRINCIPES
DE LA SEPARATION DE L’HOMME ET DE L’ENTREPRISE AU DOGME DE LA SAUVEGARDE DE L’ENTREPRISE EN DIFFICULTE

A.- LES CAUSES EXTRINSEQUES A LA LOI


  • Bref rappel historique

  • Les temps modernes : la frustration du droit par l’économie

  • La déesse entreprise

  • Le droit des entreprises en difficulté



B.- LES FINALITES DE LA LOI


  • L’ordonnance du 23 septembre 1967

  • La loi du 1er mars 1984

  • La loi du 25 janvier 1985

  • La loi du 10 juin 1994

  • La loi du 26 juillet 2005


II.- L’EVOLUTION DES REGIMES JURIDIQUES RECENTS

(Lois des 25 janvier 1985 et 26 juillet 2005)


L’INTERET GENERAL SOUTIENT DES INTERETS DIVERGENTS


A.- MODIFICATION – CREATION – SUPPRESSION D’INSTITUTIONS PROCEDURALES


  • Le plan

  • La cession d’entreprise

  • La masse des créanciers

  • La procédure de sauvegarde


B.- L’EVOLUTION DU ROLE DES ACTEURS DES PROCEDURES COLLECTIVES D’UNE LOI A L’AUTRE


  • Les acteurs institutionnels :




    • Le Tribunal, le Ministère Public et les Auxiliaires de Justice.




  • Les acteurs privés :




    • créanciers – salariés – débiteurs – repreneurs.

CONCLUSION


Pourquoi rechercher de nos jours, presque à tout prix, la sauvegarde des entreprises en difficulté, alors que pendant 150 ans le partage des biens du failli entre ses créanciers et sa condamnation à la perte de ses droits civils et civiques, sinon à la prison, a suffi au droit commercial, comme au corps social ?

N’est-ce pas parce qu’en quelques décennies la « Déesse Entreprise » est devenue un culte économique qui apostrophe le droit ?

Le Doyen Claude CHAMPAUD résumait ainsi la situation de l’entreprise dans l’économie, au cours d’un colloque à Deauville de l’Association Droit et Commerce :
« Créancière et débitrice de son environnement sujet de base du droit économique, partenaire des pouvoirs publics, l’entreprise est l’un des maillons solidaire de cette chaîne qui dans cette économie de marché organisée, unit l’Etat, les banques, les clients, les fournisseurs, les collectivités locales et les collectivités sociales ».

Si dans cette chaîne économique le maillon faible est l’entreprise, toute la chaîne en sera affaiblie.

Que des difficultés entrepreneuriales graves surgissent, les répercussions se propagent à grande vitesse :
Sociales, économiques, politiques.

Elles vont prendre une telle ampleur, provoquer de tels désordres, qu’ils dépasseront de loin le problème de l’entreprise et du droit commercial.

Face à de vrais dangers que font naître ces troubles de l’entreprise en difficulté, le corps social exige que l’on y pallie en l’empêchant de disparaître malgré les difficultés qu’elle éprouve, sans s’interroger sur l’artifice du remède, ni le respect des lois de la concurrence eu égard aux effets prévisibles de cette disparition.

Mais comment éviter la disparition d’un éphémère économique que les marchés ont acculé au déséquilibre, parce que ses produits sont obsolescents et ses fonds propres insuffisants pour renouveler les machines sans concours financiers ruineux ?

Qui peut s’opposer à l’ordre normal de création/disparition des entreprises – cellules économiques – à une allure qui n’est pas calquée sur la durée de vie professionnelle d’un salarié ?

Le droit économique a tenté de relever le défi dans les années 1975-1990, période d’interventionnisme économique de l’Etat.

Il a conduit à distinguer l’homme de l’entreprise, puis à faire passer l’intérêt de l’entreprise avant celui des créanciers parce qu’ils sont moins nombreux que les salariés de l’entreprise et qu’aux yeux du citoyen, les créanciers apparaissent toujours mieux nantis que les salariés.


Mais dans un souci d’exhaustivité de la conduite et du maintien des entreprises en difficulté, le droit économique, malgré le recours à la planification, la réglementation, le libéralisme jugulé, l’économie de marché organisée, n’a pu ajuster les impulsions économiques et les avatars d’entreprises aux besoins de sécurité juridique revendiqués par les sujets de droit.

Cependant, l’influence du droit économique a eu un avantage de poids : ne considérant pas la règle juridique comme une fin en soi, mais un moyen, il en résulte que si les gouvernants constatent qu’une règle de droit n’atteint pas son but, ils la changeront sans remords, ni regrets, ce qui n’est pas sans expliquer pour partie cette évolution ou du moins ces changements accélérés des lois et règlements en cours des cinquante dernières années en France.

Ces changements de lois, ces frottements sociaux provoqués par la défaillance des entreprises dans le milieu humain et le tissu économique, ces interventions de l’Etat et de ses institutions économiques et judiciaires ont néanmoins permis la construction d’un droit particulier, le droit des entreprises en difficulté, fil conducteur de nos lois qui se donne pour but depuis les années 1970 de remédier à ces difficultés.


I.- L’EVOLUTION DES PRINCIPES

DE LA SEPARATION DE L’HOMME ET DE L’ENTREPRISE AU DOGME DE LA SAUVEGARDE DE L’ENTREPRISE EN DIFFICULTE.

Plutôt que de brasser les textes techniques, pourrait nous éclairer une évocation brève et chronologique des quatre textes législatifs de la période moderne traitant du droit des entreprises commerciales en difficulté :
- deux en 1967, puis 1985 et 2005 pour y chercher les signes d’une évolution explicitant l’impératif catégorique actuel de la sauvegarde des entreprises en difficulté.

Recherche qui n’est pas inutile car, c’est par l’étude des finalités évolutives de ces lois qu’apparait la progression en France du dogme volontariste de la sauvegarde des entreprises en difficulté et le déploiement corrélatif d’un arsenal ambitieux de moyens juridiques destinés à le servir.

A.- LES CAUSES EXTRINSEQUES A LA LOI :

C’est une opinion généralement partagée de dire que des causes extrinsèques à la loi poussent au changement des modes de vie du corps social.
Ils provoquent l’évolution de la pensée juridique confrontée aux réalités économiques changeantes et aux exigences minimum de stabilité sociale exprimées par le corps électoral.

Depuis une cinquante d’années, ces changements se manifestent autour de l’importance grandissante accordée à la pérennité des entreprises comme noyau agrégatif du corps socio-économique.

Ils doivent donc, ces changements, pour la préservation de la paix sociale, essayer de trouver leur expression légale, les mots et les appellations qui porteront foi qu’ils ont été intégrés dans la loi, dont l’étude permet de suivre l’évolution significative de nos préoccupations contemporaines.

Dans les dernières décennies, l’évolution législative relative aux entreprises en difficulté implémentait les procédures de traitement selon un critère étalon :
- la cessation des paiements.

Selon que la cessation des paiements était contestée, la procédure collective avait pour but :
- de faciliter les redressements économique et financier de certaines entreprises (1967),
- d’instituer une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité, de l’emploi et l’apurement du passif (1985).

Au contraire, si la cessation des paiements n’était pas constatée, des mesures de prévention étaient disponibles, judiciairement, pour le débiteur :
- organisation de la prévention et du règlement amiable des difficultés des entreprises (1984),
- organisation de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises (1994).

Reconnaissons au législateur français de 2005 l’audace et l’esprit de synthèse pour avoir fait bouger les lignes en décidant :
- d’une part, que la cessation de paiements récente (moins de 45 jours) ne ferait plus obstacle à la procédure de prévention (conciliation judiciaire),
- d’autre part, qu’une procédure collective judiciairement organisée et contrôlée pouvait être déclenchée par un débiteur en difficulté, mais pas en cessation de paiement.


Retour arrière : Les procédures de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises qui ne sont pas en cessation des paiements, ne relèvent pas des procédures collectives proprement dites jusqu’à la loi nouvelle du 26 juillet 2005.

Nul doute que les deux lois du 1er mars 1984 et du 10 juin 1994 (pour la partie prévention) ont servi de propédeutique nécessaire à la procédure de conciliation visée par la loi nouvelle de 2005, mais les procédures préalables de règlement amiable ne sont pas des procédures collectives et comme telles ne rentrent pas dans notre sujet.

Elles relèvent, même dans la dernière loi, d’accords contractualisés par l’intervention de conciliateurs dont l’activité n’est pas encadrée procéduralement, même si le résultat heureux peut être sacralisé par un jugement.

Notre point de départ sera la loi sur le règlement judiciaire et la liquidation des biens (c’est-à-dire à l’époque – 13 juillet 1967 – la vente forcée des biens) parce que ses auteurs ont affirmé qu’elle posait le principe de séparation du traitement de l’homme (le failli …) de l’entreprise.

On peut lire dans certains commentaires un peu acides que la loi du 13 juillet 1967 contenait un corps de règles classiques destinées à appréhender les difficultés, non des entreprises, mais des boutiquiers : procédures collectives de paiement des créanciers qui votaient le concordat et décidaient de la vie ou de la mort du débiteur, commercialement s’entend !

En effet, il ne faut pas oublier que cette loi, dont le titre a des relents de préférence pour les sanctions individuelles plutôt que la sauvegarde, - « loi sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes » : c’est bien son appellation – soit quatre exécutions du commerçant pour une seule chance de survie : le règlement judiciaire – avait pour la première fois distingué l’homme de l’entreprise en assurant – le choix du vocabulaire n’est pas sans importance tant il est encore timide – « toutes les chances raisonnables de survie aux entreprises compétitives victimes d’une défaillance accidentelle imputable à leurs dirigeants (… on les sanctionnera ! …) ou provoqué par des circonstances très exceptionnelles ».

Etonnement, dans cette atmosphère un peu compassée de l’été, surgit la défaillance prévisible d’une entreprise de stature nationale implantée près de SAINT-ETIENNE, qui doit être à tout pris évitée.

Par ordonnance du 23 septembre 1967, un texte conjoncturel est adopté dont la terminologie et la procédure dérogatoire sont prémonitoires au vocabulaire moderne de nos jours.

En effet, l’ordonnance instaure une procédure spéciale (peu de voies de recours) et dérogatoire aux droits de poursuite des créanciers, dont le titre est historiquement évocateur : « l’ordonnance tend à faciliter le redressement économique et financier de certaines entreprises dont la disparition serait de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et pourrait être évitée dans des conditions jugées compatibles avec l’intérêt des créanciers », car il ne s’agit pas d’une procédure collective classique puisque nous sommes avant cessation de paiements, mais en suspension provisoire des poursuites des créanciers pour 3 mois, répit nécessaire à l’entreprise pour soumettre au Tribunal de Commerce un plan de redressement économique et financier assorti d’un plan d’apurement du passif, dont l’exécution ne doit pas dépasser 3 ans.

Deux institutions procédurales nouvelles apparaissent :


    • la suspension provisoire des poursuites dont le régime et la dénomination évolueront (interdiction des poursuites, interruption des poursuites),




    • et le plan, qui apparaît pour la première fois et restera une institution de la procédure collective pérenne, omniprésent actuellement dans les mesures de redressement judiciaire d’entreprises en difficulté avant ou après cessation des paiements,




    • le plan dans cette ordonnance déjà que le Tribunal peut modifier autoritairement sur les délais de paiement d’une part, et, d’autre part, déjà en 1967 ! en conditionnant son approbation au remplacement du ou des dirigeants de l’entreprise en difficulté,




    • le plan, qui est présenté par le seul débiteur (la procédure de sauvegarde 38 ans avant !) et dont les créanciers peuvent prendre connaissance sans pouvoir le discuter comme ils le faisaient du concordat.



Les premiers signes évolutifs de l’affaiblissement du rôle des créanciers et du renforcement corrélatif du pouvoir judiciaire dans le traitement des entreprises en difficulté étaient perceptibles.

Le centre de gravité de la procédure se déplace :

Le redressement de l’entreprise prime (il y va de l’intérêt national ou régional), certes dans des conditions qui doivent rester compatibles avec l’intérêt des créanciers, mais cette appréciation de la compatibilité échappe aux créanciers pour ne relever que de la seule souveraineté du Tribunal !

Dix huit ans s’écoulent avant qu’une lame de fond ne submerge les principes et les institutions de la procédure collective version juillet 1967.

L’ordonnance de septembre n’a pu endiguer la profonde crise économique des années 1975 (les chocs pétroliers) et les vagues de licenciement déclenchées par les nombreuses défaillances d’entreprises.

La nouvelle majorité politique, socialiste, prônent l’interventionnisme économique par l’Etat et les Régions si bien qu’à la lecture de la loi sur le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire du 25 janvier 1985, beaucoup s’interrogent : l’entreprise privée est-elle devenue un nouveau service public économique ?

En effet, c’est une loi structurante, profondément modificatrice des institutions de la procédure dont elle supprime certaines pour créer de nouvelles.

Par sa finalité explicitement exprimée à son article 1er, la loi du 25 janvier 1985 rompt avec le système des procédures collectives antérieur qui était tourné vers l’apurement du passif par le recours aux voies d’exécution.

Au contraire, le maintien de l’entreprise en difficulté en vue de son redressement devient le principe essentiel de l’appareil procédural mis en place par la nouvelle loi de 1985.

Sa finalité énumère pour la première fois l’ordre des priorités et dans un sens bien différent des précédentes.


L’article I dispose :

« Il est institué une procédure de redressement judiciaire destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif ».

Il y a donc un ordre des finalités légales à respecter.


1.- Premier principe : Le sauvetage de l’entreprise.
L’entreprise cesse d’être traitée comme un objet de propriété des actionnaires et dirigeants : c’est un ensemble de biens, de personnes, de contrats, de flux qui peuvent être, selon leur nature et leur fonction, soumis à une dynamique de restructuration, par exemple, par cession de branches d’activité, fermetures partielles, adjonction ou regroupement d’unités de production disparates.

Une grande liberté de restructuration est attribuée au Tribunal, pourvu qu’il respecte l’ordre légal des priorités.


2.- Second principe : Le maintien de l’activité et de l’emploi.

Pour pallier et s’opposer aux vagues de licenciements successives qui frappent le début des années 1980, le maintien de l’emploi est érigé par la loi en principe juridique majeur, doté d’une protection spécifique : les licenciements de la procédure collective sont radiographiés et soumis à l’oral de l’autorité judiciaire.

L’idéal recherché par la restructuration est le même type d’emploi dans le même type d’activité.

On parlait alors de « bassins d’emploi dans le tissu industriel … ».

Aujourd’hui, à l’époque des délocalisations, ce vocabulaire a vieilli.


3.- Troisième objectif de la loi : L’apurement du passif : en dernier rang !

Apurer le passif est une expression trompeuse en l’occurrence : il ne s’agit plus de régler les créanciers du tout, sinon du mieux !

Il s’agit de traiter en dernier impératif le sort des créanciers, dont un désintéressement partiel, le moment venu, sera une finalité raisonnable, un résultat acceptable de la procédure collective.

Apurer le passif c’est aussi tirer un trait sur le passé, le passif non apuré !

En l’occurrence le législateur préfère une entreprise en difficulté qui continue son activité sans que les créanciers soient payés, plutôt que de constater que le paiement des créanciers se fait au prix de la disparition/destruction d’une unité de production.

L’entreprise n’est plus le gage de ses créanciers ou fournisseurs, elle devient le gage du débiteur qui conditionne chez le créancier agacé l’espoir de nouveaux marchés, pourvu qu’il renonce d’abord à tout ou partie de ses créances !

La loi de 1985 ne se limite pas à définir précisément ses finalités, elle en dessine les moyens par le tracé d’une architecture ferme et qui impose les institutions de la procédure sous l’autorité du Tribunal :
« Le redressement judiciaire est assumé selon un plan arrêté par décision de justice à l’issue d’une période d’observation. Ce plan prévoit, soit la continuation de l’entreprise, soit sa cession.
Lorsqu’aucune de ces solutions n’apparaît pas possible, il est procédé à la liquidation judiciaire ».


Elle éclate en deux professions, celle de Syndic :


    • l’administrateur judiciaire pour le diagnostic et l’accompagnement ou la direction de l’entreprise en période d’observation ou durant la phase de redressement,




    • le mandataire liquidateur qui exerce les fonctions de représentant des créanciers dans la procédure de redressement judiciaire et le liquidateur dans les procédures de liquidation judiciaire,




    • de ce fait disparaît la masse des créanciers,




    • la loi maintient les sanctions individuelles à l’encontre des dirigeants reconnus responsables et non plus présumés responsables de fautes personnelles de gestion ou de fautes pénales de banqueroute,




    • la loi édicte aussi le formalisme que devront respecter les candidats repreneurs en déposant leurs offres pour qu’elles soient recevables.


*

* *

Par cette loi, les finalités du droit de procédures collectives de traitement des difficultés des entreprises ont été modifiées, nommées et ordonnées selon une valeur nominative qui dicte les impératifs juridiques de la solution économique de redressement judiciaire qu’arrêtera le Tribunal.

Le dogme de la sauvegarde de l’entreprise en difficulté est érigé légalement.

Vingt ans après …

D’une majorité politique nouvelle très libérale et d’un bord différent de celui des auteurs de la loi de 1985, on pouvait craindre la mise en chantier d’une loi balayant l’ordonnancement des principes posés par la précédente pour réaffirmer en unique credo les droits prioritaires des créanciers.

Or, si la loi du 26 juillet 2005 ne les a pas oubliés, elle a accompli beaucoup plus, un formidable travail législatif (tout le livre VI du Code de Commerce français a été refondu) correspondant à une réelle réforme novatrice au sens noble du terme.

Que l’on soutienne que cette réforme est la continuité de la loi du 25 janvier 1985 qui a la première placé le redressement de l’entreprise au centre de ses préoccupations, ou qu’on la dise en rupture profonde avec la législation antérieure (le Garde des Sceaux, en la présentant a sévèrement critiqué le droit précédent issu de la loi de 1985, qualifié « d’obsolète et de destructeur » marqué par « un manque de sécurité pour l’emploi et un manque de sécurité juridique »).

Quoi qu’il en soit, nul ne peut nier que la réforme revêt une importance majeure parce qu’elle introduit dans le droit français des règles sans précédent et en rupture avec la tradition.


    • L’application du droit des entreprises en difficulté aux professionnels libéraux et indépendants exerçant à titre individuel, qui ne sont pas commerçants, mais des entreprises !




    • La décorrélation du constat préalable de la cessation des paiements pour la recevabilité d’une ouverture de procédure collective !



Mais on peut aussi constater que cette nouvelle loi est une réforme dans la continuité de la précédente, le redressement des entreprises en difficulté demeurant au centre des préoccupations de la loi du 26 juillet 2005.

Car, parachèvement du dogme, les finalités de la loi nouvelle se regroupent autour de grands thèmes qui ont pour vocation la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de son activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif (Article L.620-1).

Toujours est-il que ses finalités sont dans l’orthodoxie du dogme – la sauvegarde des entreprises en difficulté – même si le déroulement du rite qui le sert entaille sérieusement la régularité des canons !

Par souci de pragmatisme et d’ajustement au mieux du droit à l’économie, pas moins de cinq procédures sont organisées, sans compter le mandat ad hoc :


    • la procédure de conciliation dédoublée en une variante confidentielle et une variante d’homologation judiciaire,




    • trois procédures collectives proprement dites, dont une nouvelle, sans cessation des paiements, teintée de contractualisation, la procédure de sauvegarde : ouverte aux débiteurs qui ne sont pas encore en cessation des paiements, mais qui justifient de difficultés qu’ils ne sont pas en mesure de surmonter et de nature à conduire à la cessation des paiements,




    • c’est une procédure volontariste à la seule initiative du débiteur, qui n’est pas dessaisi et qui peut personnellement se prévaloir, si le plan de sauvegarde aboutit, des dispositions qu’il contient, en sa qualité de caution de l’entreprise.



Mais c’est une procédure collective judiciaire : particulièrement l’élaboration d’un plan de sauvegarde s’impose à l’initiative du débiteur dirigeant qui négocie avec l’aide de l’administrateur judiciaire des propositions avec les créanciers, réunis en deux comités, afin d’arrêter contractuellement un projet de plan de sauvegarde qui est soumis au Tribunal.

Si le Tribunal estime qu’il respecte les intérêts des créanciers (qui ont voté à la majorité des 2/3 le projet de plan), il l’arrête par jugement qui s’applique d’autorité à tous les créanciers des comités.

Innovation majeure de cette loi impliquant les créanciers publics : l’article (L.626-6) autorise « les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d’assurance chômage … à consentir des remises de dettes, tant dans le cadre de la conciliation, que d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, dans la proportion des efforts consentis par les autres créanciers et dans des conditions normales de marché » (Ces dernières précisions ont pour but d’écarter les soupçons d’octroi d’aides publiques de nature à fausser le jeu de la concurrence).

La loi nouvelle innove en traitant les créanciers avec considération :


    • la responsabilité civile pour soutien abusif au débiteur est écartée du fait des concours consentis, « sauf dans les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci » (L. 650-1).



Toujours dans le but de favoriser le traitement des difficultés par recours au crédit qui devient l’un des remèdes majeurs pour le redressement et la réorganisation de l’entreprise, une mesure fiscale attendue a été votée en juillet 2005 :


    • c’est la déductibilité fiscale des « abandons de créance à caractère commercial consentis ou supportés dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement »,




    • autre mesure phare, pour faciliter le crédit, la loi institue un privilège au profit de banquiers ou fournisseurs qui acceptent d’apporter, dans le cadre d’une procédure de conciliation, de l’argent frais qui bénéficiera, en cas de conversion du plan en redressement ou liquidation, du rang très favorable de créance de la procédure.


II.- L’EVOLUTION DES REGIMES JURIDIQUES RECENTS : (Lois des 25 janvier 1985 et 26 juillet 2005)

L’INTERET GENERAL SOUTIENT DES INTERETS DIVERGENTS


A.- MODIFICATION – CREATION – SUPPRESSION D’INSTITUTIONS PROCEDURALES

Reconnaissons aussi à notre législateur le soin avec lequel il a parachevé l’évolution pratique de certaines institutions de la procédure collective en supprimant des ambiguïtés de textes antérieurs, à l’origine de pratiques parasitaires ou en comblant des vides lors d’une conversion d’un régime de redressement à la liquidation judiciaire.

C’est un signe agréable que reçoit le juriste qui découvre que son législateur s’est montré perfectionniste.

Par exemple, dans les articles traitant de la cession d’entreprise (visée aux articles L.642-1 à L.642-17).

Dans la loi de 1985, l’entreprise susceptible de redressement en fin de période d’observation pouvait faire l’objet, au choix du Tribunal :


    • d’un plan de redressement judiciaire avec continuation d’activité dans la même structure juridique,




    • ou d’un plan de cession de l’entreprise, que le Tribunal choisissait de redresser en évidant la structure juridique dans laquelle elle s’était trouvée en difficulté pour en basculer les forces vives, l’unité de production ou d’exploitation dans la structure juridique du repreneur où elle se retrouvait greffée, en synergie avec d’autres moyens d’exploitation, lui permettant de continuer à vivre au sein d’une entreprise in bonis.



Ce plan de cession répondait à des critères exigeants de transfert sous le contrôle du Tribunal d’unités de production ou d’exploitation en état de fonctionnement que des règles juridiques précises empêchaient de désosser pour les vendre en éléments d’actif séparés, sous peine pour le cessionnaire de voir prononcer la résolution du plan, le prix payé par lui restant acquis au cédant.

L’expérience du recours au plan de cession a suscité des critiques sur les chances de redressement ouvertes au débiteur en redressement judiciaire.
On a dit que c’était un leurre, le débiteur sous plan de cession étant en réalité assimilé au débiteur en liquidation judiciaire :


    • en effet, les actifs affectés à l’entreprise cédée sortent de son patrimoine,




    • les actifs résiduels sont liquidés selon les règles applicables à la procédure de liquidation judiciaire,




    • et le prix du tout est distribué aux créanciers.



Les critères orignaux du plan de cession, favorables à la survie de tout ou partie des moyens d’exploitation et du personnel s’estompaient devant le constat d’éviction de l’entité débitrice, évoquant l’image de la liquidation plutôt que celle du redressement.


A cette nuisance de perception des praticiens et de communication pour le débiteur, s’ajoutait un inconvénient supplémentaire :


    • la procédure de liquidation judiciaire comportait elle-même un régime de cession d’unités de production distinct du plan de cession.



Cette coexistence d’institutions, à intitulés proches et régimes juridiques voisins, entretenait la confusion au détriment du plan de cession, confusion encore alimentée par des candidats repreneurs tardant à remettre leurs offres pour spéculer sur le régime de la liquidation judiciaire, perçu comme moins contraignant que celui du plan de cession.

Pour pallier ces équivoques, les auteurs du projet de loi de sauvegarde ont voulu faire du plan de cession une opération de la liquidation judiciaire.

Dans leur esprit, le Tribunal n’aurait eu en fin de période d’observation qu’une seule alternative, claire :


    • ou bien arrêter un plan de redressement « lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée »,




    • ou bien prononcer la liquidation judiciaire avec possibilité de cession de l’entreprise dans le cadre juridique de la liquidation, y compris sur la base d’offres reçues pendant la période d’observation.



Ce projet avait le mérite de dissiper la confusion des esprits et des régimes de cession d’entreprise.

Mais il a donné lieu lui-même à controverse auprès des parlementaires auprès de qui d’aucuns ont soutenu que le basculement du plan de cession dans le régime de la liquidation judiciaire aurait un effet psychologique néfaste sur les offres de reprise, susceptible de nuire à la réussite du plan de cession, dont la crédibilité serait brouillée par le recours à son exécution dans les opérations de liquidation judiciaire.

Pour surfer sur la vague des contradictions, la loi nouvelle a établi un fil conducteur à la technique judiciaire de la cession d’entreprise en difficulté sous procédure collective.

Elle est tout d’abord restée fidèle au principe de sauvegarde de l’unité de production ou d’exploitation en état de fonctionnement par le recours à un transfert global destiné à en éviter le démantèlement.

Elle permet au Tribunal d’ordonner un plan de cession sans prononcer la liquidation judiciaire dès lors qu’une offre de reprise satisfaisante a été déposée pendant la période d’observation (631-22).

Mais ce sont les règles applicables au régime de la liquidation judiciaire qui conduiront les opérations de cession (Articles 642-1 et 642-17).

Paradoxalement, la manifestation de volonté de sauvegarde de l’entreprise dans la loi s’est ainsi perfectionnée à l’occasion de ce choix, qu’elle a décliné dans les articles de loi.

En effet,


    • d’une part, cette manipulation des textes opère fusion du plan de cession et de l’ancienne cession d’unité de production qui disparaît au seul maintien du plan de cession supprimant ainsi l’ambiguïté du passé entre les deux appellations,




    • d’autre part, c’est la logique et le régime du plan de cession qui l’emporte sur les anciennes règles de la cession d’unités de production, ce dont rend compte le maintien de la dénomination du « plan », qui relève du Tribunal lui-même, et non plus du Juge Commissaire.



De plus, cette opération de plan de cession demeure inspirée par la sauvegarde et le redressement de l’entreprise et non pas sa liquidation.

Ces textes précisent en effet que « la cession de l’entreprise a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif (642-1) et que le Tribunal retient l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution ». (642-5).

Il ne s’agit donc pas seulement de céder pour payer les créanciers du prix obtenu, mais aussi de pérenniser au mieux l’entreprise cédée en la confiant à un repreneur apte à la redresser et la continuer, repreneur à qui seront opposables les règles contraignantes du plan de cession :
- par exemple : transmission forcée des contrats, affectation d’une quote-part du prix aux biens grevés de sûreté …


L’exécution du plan de cession est contrôlée judiciairement au sens de l’article L.642-11 du Code de Commerce qui stipule :
« Article L.642-11 (L. N° 2005-845 du 26 juillet 2005, art. 111). Le cessionnaire rend compte au liquidateur de l’application des dispositions prévues par le plan de cession.
Si le cessionnaire n’exécute pas ses engagements, le Tribunal peut, à la demande du ministère public d’une part, du liquidateur, d’un créancier, de tout intéressé ou d’office, après avoir recueilli l’avis du ministère public, d’autre part, prononcer la résolution du plan sans préjudice de dommages et intérêts.
Le Tribunal peut prononcer la résolution ou la résiliation des actes passés en exécution du plan résolu. Le prix payé par le cessionnaire reste acquis ». (V. Décr. N°2005-1677 du 28.12.05, Arti. 264, Infra, App. V° Difficultés des entreprises).

Ne boudons pas l’avantage que procure un texte clair, qui adhère aux situations vécues par la pratique des procédures collectives et qui permet d’éviter les aléas et les attentes des décisions de la Cour de Cassation que peuvent nécessiter l’interprétation de la volonté du législateur quand son expression est ambigüe.

CONCLUSION

On peut s’interroger sur la signification de cet impératif de sauvegarde qui paraît contradictoire avec la conception libérale de l’économie qui a prévalu dans nos pays, au contraire des choix idéologiques fait à la même époque par les pays de l’Est.

Les lois économiques considèrent normaux le déclin et la mort des entreprises, dont il peut paraître contre nature de vouloir en enrayer le destin.

Mais le législateur et les juristes édictent des lois qui peuvent entrer en conflit avec l’économie parce que leur objet est de protéger le corps social dont les mutations ne se font pas à la vitesse des changements économiques.

Le dogme de la sauvegarde correspond à un procédé de ralentissement des effets des mutations économiques.

Mais pour éviter que ce ralentissement éteigne les forces vives d’un pays, le législateur en confie la gestion au talent des juges consulaires qui opèrent par les procédures collectives comme des chirurgiens d’entreprises.

FIN


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