2.2Les opérations de base Les deux univers ainsi définis vont se développer. Les concepteurs déploient de nouvelles connaissances dans K et ajoutent parallèlement des propriétés aux concepts dans C. Ils apprennent, activent de nouvelles connaissances (expansion de K) et, dans le même temps, ajoutent des attributs au concept (expansion de C).
L’opérateur externe de K vers C, généralement appelé le créateur d’idées, ajoute ou soustrait des propriétés de K vers les concepts de C. Il crée une disjonction lorsqu’il transforme les propositions issues de K en un concept correspondant à sa phase de définition. Ce processus de K vers C exprime une action infaisable en l’état actuel des connaissances. Les descriptions de produits dans l'espace C et l’extension des concepts (δC)1 peuvent se faire grâce aux connaissances. Le démarrage de tout travail de conception démarre toujours de l’espace C par une disjonction avec un concept dépourvu de statut logique.
L’opérateur interne de C dans C exprime l’expansion de l’espace des concepts. Les connaissances de l’espace K explorent progressivement le concept de départ C0, défini comme central et flou, pour en connaître l’étendue. Cette exploration s’effectue en divisant le concept initial en sous-concepts qui seront estimés à leur tour. Cette partition permet donc de décliner les différents chemins à parcourir, ce qui nous amène à construire un arbre de conception (Figure 2). Ses branches seront détaillées en lui ajoutant des propriétés. Certains chemins non retenus, à défaut d’être validés, seront retirés : c’est l’opération d’inclusion. La partition est dite restrictive, si la nouvelle propriété ajoutée au concept est déjà connue dans l’espace K, sinon elle est dite expansive, tout en restant originale. Ainsi, l’arbre de conception permet de dessiner des axes d’exploration, d’imaginer de nouvelles prestations, de structurer un champ d’innovation ouvert et d’expliciter la stratégie de l’entreprise. En mémorisant les choix de conception, la théorie C-K sert de structure pour capitaliser des connaissances acquises.
L’opérateur externe de C vers K recherche à activer des attributs pertinents dans l’espace des connaissances K et permet de valider les concepts. Une conjonction manifeste le passage d’une proposition qui n’a pas de statut logique vers une condition qui est vraie ou fausse. Lorsque le concepteur estime que le concept a acquis assez de propriétés validées, il devient alors une connaissance. Ce passage de l’inconnu vers le connu marque la fin du processus de conception et déclenche l’activation de nouveaux savoirs (Lenfle, 2005). Une inclusion apparaît lorsque le concept n’arrive pas à activer une connaissance dans K ou bien est jugé insatisfaisant ou infaisable (Kazakçi, Tsoukias, 2005), alors que la départition est une « expansion inversée ». Face à un d'échec, les concepteurs peuvent aussi remonter à la disjonction de départ pour « départitionner » le concept initial. Ainsi, les concepts existants réorganisent et étendent l'espace des connaissances (δK) et génèrent ainsi des découvertes. C01
C0
C00
C000
C001
K3
K1
K2
Ki
K
K
Nouveau K = Conjonction
δK Expansion
C : Espace des Concepts
K : Espace des Connaissances
Conjonction
Disjonction
δC partitions
Deux types de partitions (K-relative) :
δCr : restrictive : Propriété connue dans K
δCe : expansive : Propriété non connue dans K
Figure 2 - La dynamique C-K (Hatchuel et al., 2004 ; 2009)
L’opérateur interne de K dans K visant à acquérir de nouvelles connaissances caractérise l’extension de l’espace K. Cette « zone d’apprentissage » correspond à un processus déductif ou associatif entre les éléments de connaissances pour en produire de nouvelles. Les méthodes scientifiques, comme les expérimentations, aboutissent à de nouvelles découvertes. Souvent, les éléments créés dans K sont indépendants de l’espace C. La recherche fondamentale mène souvent à des résultats autonomes, contrairement à des disciplines comme la recherche appliquée en médecine, qui est liée à une question issue de l’espace des concepts. La capacité d’expansion est le mécanisme qui permet de découvrir ou d’apprendre des choses surprenantes ou non grâce au processus de conception. Elle apparaît tributaire de la manière dont sont acquises et perçues nos propres connaissances. Des choses peuvent nous paraître anodines, alors que pour l’expert elles possèdent un potentiel incroyable à exploiter.
Ainsi, les opérateurs modélisent le raisonnement de conception et ses interactions entre les espaces comme la création d’idées, les découvertes ou l’apprentissage de connaissances. D’un concept nous aboutissons à un produit ou un service.
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