télécharger 112.47 Kb.
|
2.2. L’élaboration difficile d’une directive européenneCe n’est que très récemment, en décembre 2008, qu’une directive propre à l’intérim a été promulguée par les institutions européennes. Après plusieurs tentatives de normalisation du travail intérimaire à l’échelle européenne, il a donc fallu attendre plusieurs années pour qu’aboutisse une proposition de directive. Cette difficulté s’explique naturellement par l’hétérogénéité des conceptions nationales sur le travail intérimaire au sein des États-membres, et surtout par la position de blocage du Royaume-Uni. 2.2.1. Les premières orientations d’actions communautaires en matière de travail temporaireDès les années 1960 et 1970, la Communauté économique européenne est confrontée à la question du placement de la main-d’œuvre par les agences de travail temporaire. Face au vide institutionnel du cadre réglementaire européen, les problèmes suscités par ce type d’activité sont dans un premier temps gérés par le biais de la jurisprudence. Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes s’est interrogée sur le cas d’un travailleur intérimaire de la succursale Manpower de Strasbourg, accidenté au cours d’une mission faite dans une entreprise allemande à Karlsruhe (Allemagne). Il s’agissait de savoir qui était débiteur des prestations en nature dues à un accidenté du travail et si s’appliquait l’article « 3a » du règlement n° 3 des Communautés européennes. Son arrêt du 28 décembre 1968 donne des conclusions en opposition complète avec celles de la Cour fédérale de Cassel (du 29 juillet 1970). Ces contradictions justifient bien entendu la nécessité d’une action communautaire [Caire, 1973]. Les débats suscités aboutissent tout d’abord, à l’échelle de la Communauté européenne, à différentes propositions de directives qui, pour l’essentiel d’entre elles, n’aboutiront pas. Au niveau des institutions européennes, d’autres initiatives concrètes appelant à une réglementation rapide de l’intérim ont été menées. La première émane du Comité consultatif sur la liberté de mouvement des travailleurs. En octobre 1972, ce Comité dépose un avis appelant à une normalisation juridique du travail temporaire c’est à dire de l’ensemble des relations de travail à durée déterminée. Dans le même sens, deux ans plus tard, à l’occasion de l’adoption du Programme social européen, le Conseil des ministres envisageait un contrôle du contrat de location de la main-d’œuvre et par conséquent de l’activité des entreprises de travail temporaire. Il s’agissait de protéger les droits et intérêts des travailleurs concernés, en cherchant à éliminer les abus dans ce domaine. En 1979, une analyse des différentes formes de travail temporaire est alors commandée par la Commission européenne. Réalisée par R. Blanpain et J. L. Drubigny, ce travail devait aboutir à des propositions en matière d’action communautaire. Les conclusions de cette étude fondent les orientations définies par la Commission européenne (Com (80) 351 final du 27 juin 1980) et serviront de base à l’établissement d’une proposition de directive. Trois principales orientations étaient définies : l’élimination des « abus » en matière d’usage de l’intérim avec la définition de cas de recours à l’intérim ; une meilleure protection des intérimaires ; et un contrôle régulier de l’activité des entreprises et des agences d’intérim par les autorités publiques. Beaucoup de pays avaient pris les devants et intégré bien plus tôt ces orientations dans leurs législations respectives sur l’intérim : la France et l’Allemagne en 1972, respectivement en janvier et en août ; les Pays-Bas déjà en 1965. Ces orientations visaient surtout les pays qui ne disposaient pas encore de réglementations : soit le reste des pays fondateurs de la Communauté économique européenne (Belgique, Luxembourg, Italie), ainsi que les pays qui venaient d’y adhérer en 1973 (Irlande, Royaume-Uni et Danemark) et la Grèce qui s’apprêtait à le faire (en 1981). Adressée aux membres du Comité permanent de l’emploi, cette étude a eu comme ambition d’impulser une dynamique d’élaboration d’une directive européenne. Ainsi, deux ans plus tard, en 1982, un projet reprenant l’essentiel des propositions précédentes a été élaboré par la Commission et soumis au Conseil (CEE, J.O. des Communautés européennes, n° C 128/2 du 19 mai 1982). Considéré comme trop strict par certains membres du Conseil, ce projet fut rejeté. En 1984, un nouveau texte (CEE, J.O. des Communautés européennes, n° C 133/1 du 21 mai 1984) est préparé. Il n’aboutira pas mieux, pour les mêmes raisons. La forte opposition venait surtout du Royaume-Uni qui voyait dans une directive européenne une réglementation inutile qui ne pouvait que porter préjudice à la libre initiative. Cette opposition durera très longtemps, jusqu’au compromis présidant à l’adoption de la directive de 2008 et constituera un frein à l’élaboration d’une directive européenne propre à l’intérim. En 1989, avec l’adoption de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux, l’examen de la question du travail intérimaire redevient d’actualité. Il ne porte cependant que sur certains aspects de cette activité. Il s’agit notamment des questions de santé et de sécurité des travailleurs. Un accord européen sur ce sujet réussit à aboutir pour la première fois deux ans après et se traduira par une directive européenne (CEE, J.O. des Communautés européennes, n° L 206/19 du 29 juillet 1991). 2.2.2. La directive du 25 juin 1991 concernant la sécurité et la santé au travail des travailleurs temporairesDeux principaux objectifs sont fixés dans cette directive. En matière de sécurité et de santé au travail, le traitement des intérimaires doit être identique à celui des autres salariés, en particulier, ils doivent accéder comme les permanents aux équipements de protection individuelle au sein de l’entreprise utilisatrice (art. 1). Cette directive s’attache également à définir les droits d’information des travailleurs sur les risques, les qualifications ou aptitudes professionnelles particulières (art. 3). Elle pose également un droit de formation du travailleur. La formation doit être « suffisante et adéquate aux caractéristiques propres du poste de travail, compte tenu de sa qualification et de son expérience (art. 4) ». La directive détermine les conditions d’utilisation et de surveillance médicale des travailleurs notamment (art. 5), ainsi que les modalités d’information et de suivi des services de protection et de prévention des risques professionnels pour les travailleurs temporaires (art. 6). Cette directive établit également des dispositions particulières applicables aux relations de travail intérimaire. L’ETT doit dans un premier temps, être informée par l’entreprise utilisatrice des qualifications professionnelles et des caractéristiques propres du poste de travail. Elle doit dans un second temps, porter l’ensemble de ces éléments à la connaissance des travailleurs concernés (art. 7). Enfin, la directive attribue à l’entreprise ou à l’établissement utilisateur la responsabilité des conditions d’exécution du travail en matière de sécurité, d’hygiène et de santé. Bien que concernant un domaine spécifique de l’intérim – ce qui a sans doute facilité par ailleurs la détermination d’un consensus au niveau de la Communauté économique européenne qui passait à 12 pays depuis l’adhésion du Portugal et de l’Espagne en 1986 – cette directive consacrait une avancée importante dans la régulation de l’intérim à l’échelle européenne et pouvait laisser présager d’autres avancées sur ce sujet avec notamment une directive sur l’intérim de portée plus générale. Pourtant, il faudra attendre 18 ans pour qu’un nouvel accord européen puisse aboutir. 2.2.3. La directive de novembre 2008 relative au travail intérimaireCette seconde directive a pour objet d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant le respect du principe de l’égalité de traitement entre intérimaires et travailleurs permanents (article 2). Elle a abouti, en novembre 2008, au bout de 7 années de discussions (2001-2008). Son élaboration a été très longue et difficile en raison des fortes oppositions de certains États européens [Belkacem, Kornig et Michon, 2011]. Rappelons que la toute première proposition de directive sur l’intérim remonte à 1982 et, plus explicitement concernant l’égalité de traitement, à 2001. En 25 ans de débats européens sur l’intérim, les points de désaccords entre les États-membres ont été récurrents. Ils ont concerné trois principaux sujets. Le premier se rapporte au principe d’égalité de traitement entre travailleurs intérimaires et permanents, et en particulier à la question essentielle du délai de carence pendant lequel l’égalité de traitement est suspendue, ainsi qu’à celle des travailleurs à prendre en référence pour définir cette parité (travailleurs de l’entreprise utilisatrice ou de l’entreprise de travail temporaire ?). Le second sujet se réfère aux restrictions d’usage de l’intérim comme l’interdiction de recours à l’intérim dans certains secteurs (le secteur de la construction en Allemagne et en Belgique par exemple), la durée maximale des missions, la liste des cas de recours. Des États comme le Royaume-Uni appelaient à une libéralisation du secteur, en particulier à une dérégulation de ces restrictions, tandis que d’autres préconisaient une forte réglementation (France, Allemagne notamment du moins jusqu’à la fin des années 1990). Le troisième sujet de divergence est lié à la question des modalités d’insertion des demandeurs d’emploi sur le marché du travail et du positionnement des agences privées de placement par rapport aux agences publiques. Différentes circonstances ont permis l’aboutissement d’une directive [Michon, 2009]. Tout d’abord, la présidence portugaise qui était en charge des affaires européennes au second semestre 2007 avait semble-t-il bien réfléchi à une stratégie de négociation qui s’est avérée efficace. Elle liait cette question de l’intérim à une autre discussion qui comportait des enjeux communs. Il s’agissait notamment du temps de travail. Mener conjointement les deux négociations a sans doute permis d’infléchir certaines réticences, notamment celles du Royaume-Uni, principal opposant. Ensuite, un accord sur l’intérim intervenu en mai 2008 entre les syndicats et les employeurs britanniques avait, semble-t-il, pris les devants en instituant un principe d’égalité de traitement. Ce texte approuvait en effet une équivalence entre intérimaires en mission et travailleurs recrutés directement par l’entreprise utilisatrice sur les mêmes emplois avec un délai de carence de 12 semaines. Mais il rejetait en même temps toute idée d’alignement des dispositifs de sécurité sociale professionnelle. Le Royaume-Uni n’avait donc plus de raisons formelles de s’opposer par principe à l’équivalence de traitement entre intérimaires et permanents pourvu que soit possible une application très souple de ce dispositif via l’instauration d’un délai de carence de 12 semaines. Enfin, la généralisation de l’intérim à des domaines de plus en plus qualifiés et à des profils de plus en plus expérimentés a fait craindre à des distorsions de concurrence entre agences d’intérim en Europe. L’équivalence de traitement pouvait être conçue comme un moyen de fidéliser une main-d’œuvre intérimaire de plus en plus qualifiée. Et les négociations ont été menées dans un contexte général d’assouplissements des législations, voire de libéralisation des réglementations sur l’intérim en Europe [Belkacem, Kornig et Michon, 2011]. Tout cela a sans doute contribué à lever les réticences et les oppositions entre États, à favoriser le ralliement du Royaume-Uni à la position européenne et à faciliter les négociations. Le 10 juin 2008, les ministres de l’emploi se mettaient donc d’accord sur une proposition de directive. La proposition est approuvée en novembre 2008 par le Parlement européen réuni en session plénière. Le texte prévoit que l’équivalence de traitement porte dès le premier jour de la mission, mais il valide en même temps la possibilité de déroger à cette règle par accord collectif ou par d’autres formes de consultation. Les États-membres ont jusqu’à la fin 2011 pour transposer cette directive dans leurs législations. Le Royaume-Uni par exemple, qui a retardé la mise en œuvre de cette directive en raison d’échéances électorales, l’a transposée en droit britannique en janvier 2010 pour entrer en vigueur en octobre 2011. En dépit des divergences au sein de l’Union européenne, la définition d’un cadre réglementaire et conventionnel de l’intérim à l’échelle européenne et internationale, a traduit un nouveau pas important vers la reconnaissance de l’intérim comme une activité certes règlementée mais reconnue dans ce même mouvement comme utile pour la collectivité. |
![]() | ![]() | ||
![]() | «jour venise», ce duo d’unis fait partie des indémodables à avoir dans son linge de maison | ![]() | «bmw efficientDynamics» qui a pour objectif de proposer aux automobilistes du monde entier des véhicules faisant référence en termes... |
![]() | ![]() | «calculateur automatique à grande puissance» voit le jour en 1937 au Etats-Unis. C'est l’œuvre d'un physicien Américain : Aiken | |
![]() | «fraude carrousel» qui a notamment touché la France, la Grande-Bretagne, le Danemark, les Pays-Bas et l'Espagne. La bourse italienne... | ![]() | |
![]() | ![]() | L’Angleterre est à la Révolution Industrielle ce que les balcons fleuris de géraniums sont à Grimentz Aux mots, nous joindrons les... |