télécharger 148.49 Kb.
|
COMMENT LA LUMIÈRE PEUT MODIFIER LA PERCEPTION D'UNE ŒUVRE D'ART. Essai de François-Éric VALENTIN À propos de la performance de Michèle Katz : « CHEMIN, PERSONNE NE TÉMOIGNE POUR LE TÉMOIN » à la Maison des Métallos en Janvier 2008 INTRODUCTION Ce texte est écrit à l’occasion de la présentation à La Maison des Métallos en janvier 2008 de la toile de Michèle Katz, « Chemin, Personne ne témoigne pour le témoin », avec une installation lumière tout à fait spécifique demandée par un peintre à un éclairagiste spécialisé dans le théâtre. C’est pourquoi après avoir réfléchi sur les tableaux exposés dans les musées et les techniques de leurs présentations, qu’ils soient classiques ou contemporains, en fonction des lieux qui les accueillent, des intentions des organisateurs ou de celles des artistes, il nous a semblé intéressant d’avancer quelques réflexions sur la manière dont la lumière peut modifier inconsciemment la perception de l’œuvre d’art. Après quelques réflexions générales sur la manière dont, en général, on éclaire les tableaux dans les musées, nous reconsidérerons le travail de la lumière dans le cas particulier de la performance de Michèle Katz. Si l’on s’interroge sur la fonction de l’art, et plus spécialement de la peinture, il semblerait que le rôle des artistes, en fonction de leurs diverses époques, soit double : présenter le monde tel que l’artiste le pressent, le voit ou le découvre, (et ceci est vrai jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle) mais aussi faire évoluer le spectateur. Pour les créateurs du XXème siècle, il s’agit d’ouvrir le regard du visiteur, en le faisant réagir au travail de l’artiste considéré comme un catalyseur : les formes créées par le peintre deviennent alors comme une situation fictive à laquelle réagira ce spectateur, à l’instar du comédien qui improvise sur un sujet donné, pendant sa formation ou lors de répétitions. Et l’œuvre existe seulement par l’échange plus ou moins intérieur, plus ou moins formel et plus ou moins extériorisé, entre le créateur initial et le spectateur qui devient alors partie intégrante de la création, jouant un rôle sans lequel l’œuvre n’est pas finie. Mais dans un musée, on n’éclaire pas un processus ou une démarche, on éclaire un résultat, un produit fini, même si celui-ci correspond à la démarche annoncée par l’artiste. Loin d’être un jeu, la proposition de Michèle Katz dans son installation-performance, répond à ce double but : peindre en couleurs ce qu’elle a découvert, mais aussi rendre visibles les interactions entre les « images » du peintre et le spectateur, puisque celui-ci va être, lors de son parcours devant la toile, projeté en ombre colorée sur celle-ci, pour en devenir intimement partie. Nous commencerons donc par les notions de base indispensables sur la lumière et la vision pour comprendre les problèmes de l’éclairage en général, puis nous envisagerons la vie de la lumière dans les tableaux eux-mêmes, avant une étude générale sur la « mise en valeur » des tableaux dans les salles d’exposition. En même temps connaître ces données de base est indispensable pour suivre le déroulement de la performance et le cheminement de l’équipe de création, et la dernière partie analysera, par opposition au généralisme des musées, le travail de la lumière sur l’œuvre de Michèle Katz. PREMIÈRE PARTIE : COMMENT ABORDER L’ŒUVRE D’ART : LES MOYENS DU SPECTATEUR 1 / LA LUMIERE : INTENSITE, DIRECTION, COULEUR. La lumière est l'ensemble des radiations électromagnétiques visibles à l'œil nu, c’est-à-dire une toute petite partie des ondes électromagnétiques produites autour de nous, elle est comprise entre deux séries d’ondes invisibles pour l’œil humain : les ultraviolets et les infrarouges. Elle est produite, quand elle est naturelle, par le soleil, les étoiles ou le feu, et nous parvient alors directement ; elle peut aussi être réfléchie vers nous par la lune ou les objets qui nous entourent, (par exemple les tableaux accrochés dans les musées), ce qui nous permet de voir ces objets. Mais la lumière peut enfin être créée de multiples autres manières : physiologique, (les vers luisants), chimique, (les lampes des alpinistes) ou électrique, pour les lampes utilisées aussi bien dans la vie quotidienne que dans les projecteurs inventés pour le spectacle, et utilisés dans la performance de Michèle Katz. Mais ce qui doit nous intéresser tout d’abord, ce sont les trois caractéristiques qui définissent une lumière : son intensité, sa direction et sa couleur. Et ces caractéristiques sont en permanence en mouvement. Autour de nous du matin jusqu’au soir, la lumière bouge lentement : horizontale depuis l’est, gris-rose à l'aube, verticale et plus « blanche » à midi, plus ambre-dorée au crépuscule redevenue horizontale, mais cette fois depuis l’ouest. Il n’en est pas de même habituellement pour l’éclairage artificiel domestique : les lustres ou les lampes de chevet sont en place une fois pour toutes et allumées ou éteintes en fonction de l’heure et de nos besoins. De même dans la plupart des musées de peinture où l’éclairage est fixe. Il n’est pas difficile de comprendre la notion d’intensité, depuis le dixième de lux d’une nuit d’hiver jusqu’aux cent mille lux de la plage au midi d’été, nous ne nous y attarderons donc pas. Mais il est important de souligner cependant que l’œil du spectateur est irrésistiblement attiré par le point le plus lumineux de son environnement, et qu’il ira involontairement vers ce point. Indépendamment des envies de son propriétaire. Essayez donc de regarder une émission sur un écran de télévision, un mercredi après-midi de juin, dans une pièce dont les fenêtres laissent entrer un grand soleil, et vous comprendrez l’indépendance de l’œil que vous croyez esclave bien domestiqué : il vous échappe sans cesse pour regarder vers la fenêtre, où rien ne vous attire personnellement… Nous reviendrons plus tard sur cet aspect important, même si trop souvent ignoré. En revanche, il faut bien comprendre le fonctionnement des deux autres caractéristiques. La notion de direction fait intervenir la place du projecteur par rapport au spectateur et donc l’angle compris entre l’axe du regard du spectateur et l’axe du faisceau de lumière qui éclaire l’objet en jeu. Suivant que cet angle est inférieur à 45° à gauche ou à droite du regard, compris entre 45 et 135° ou supérieur à 135°, on parlera de lumière de face, de lumière latérale ou de contre-jour. Et pour se convaincre des différences entre le travail de ces directions, il n’est besoin que de regarder un jet d’eau ou une fontaine, éclairée par le soleil. Si celui-ci est derrière le spectateur, l’eau semble grise, mais si le spectateur tourne lentement autour de cette fontaine, il va progressivement voir les gouttes d’eau devenir brillantes, de plus en plus lumineuses jusqu’à être une vraie rivière de diamants lorsque le soleil est directement derrière elles, c’est à dire exactement à 180° du spectateur. Leçon à retenir aussi pour le photographe débutant à qui on dit trop souvent de garder le soleil précisément derrière lui. Cela ne peut que donner des photos sur lesquelles les objets représentés seront effectivement reconnaissables, mais on ne peut plus gris et plats. Quant à la couleur, si la lumière du jour paraît blanche, elle s’avère en réalité le mélange d'une infinité de radiations colorées, la preuve en sera donnée par l'arc-en-ciel ou le prisme. Lorsque celui-ci la décompose, on a l’habitude de considérer six zones arbitraires : rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet. Mais les limites en sont fort imprécises et si on cite en général sept couleurs en intégrant l’indigo, cet indigo est en fait une couleur qui n'existe pas, mais il faisait bien dans l'alexandrin, et il est, dans diverses traditions, habituel de jouer avec le chiffre sept… Nous ferons donc intervenir ces deux caractéristiques, direction et couleurs, dans la performance de la Maison des Métallos : par la place des projecteurs qui enverra l’ombre des visiteurs sur la toile, et par le choix des gélatines qui modifieront les couleurs de la lumière et donc de la toile. Précisons encore un aspect de la lumière, important pour concevoir l’éclairage des œuvres d’art dans les musées. On considère habituellement deux domaines complémentaires pour la couleur de la lumière, on oppose couleur forte et couleur pastel, il existe pourtant une nuance subtile au sein de ces couleurs pastel. Suivant l'heure du jour et le lieu où on la regarde, la lumière du jour n'est pas la même. Les proportions des différentes radiations qui la composent en sont alors différentes : une lumière froide comprendra plus de radiations bleues, une lumière chaude contiendra plus de jaune et de rouge. Lorsqu'on allume une ampoule de 220 volts, le soir chez soi, la lumière est blanche, l’œil la voit blanche, et pourtant, lorsque la lumière jaillit le matin dans sa chambre, le dormeur qui ouvre les yeux sait tout de suite si on a ouvert une fenêtre sur l'extérieur ou si on a allumé la lampe de la table de nuit. Ce n'est pas le même blanc, la même lumière, la même couleur. Les scientifiques ont donc cherché à classer ces divers blancs ; ils ont fait correspondre à toute coloration de lumière blanche un nombre appelé « température de couleur » qui correspondra à la température à laquelle il faudrait chauffer un corps idéal — nommé corps noir — pour que celui-ci diffuse le même blanc. Citons quelques exemples de températures, exprimées ici en degré Kelvin : 800 ° rouge naissant, 1700° début du blanc, 1800° lampe à filament de carbone, 2000° soleil à son lever, 2200° bougie, 2800° lampe à filament de tungstène, 3500° soleil une heure après son lever, 4000° clair de lune, 5500° soleil plein midi, 8000° ciel brumeux, 10000° ciel bleu sans soleil. Disons déjà qu’il importera de connaître les températures de couleur de deux lumières, celle qui est peinte dans le tableau et celle de la salle d’exposition, pour les faire au mieux correspondre. 2/ LA VUE ET LA COULEUR ; LES DEUX SYNTHÈSES. Après cette approche des caractéristiques de la lumière, venons-en au spectateur devant un tableau : le lien entre un individu et son environnement, le lien entre le spectateur de théâtre et le plateau, le lien entre le visiteur du musée et les œuvres qu’il regarde, se font de la même manière : par les sens, en particulier par celui de la vue. Il est donc important pour l’éclairagiste de bien comprendre comment fonctionne l’œil, pour que son travail de lumière soit au plus haut point efficace, pour que ce spectateur ou ce visiteur reçoivent dans les conditions les meilleures les images que lui offrent le musée ou le metteur en scène, et que cela se fasse avec la fatigue la moins grande possible. À la différence du cinéma, au théâtre, l’éclairagiste travaille avec son œil, et non par des outils compliqués comme le luxmètre de la télévision : il voit donc directement ce que recevra l’œil du visiteur ou du spectateur, sans intermédiaires techniques. L’oeil travaille comme un appareil photo : il a besoin d’une chambre noire, d’une ouverture à diaphragme qui réagisse à la quantité de lumière, (on y revient déjà), d’un objectif réglable et adaptable, et d’une plaque sensible : la rétine. Pour comprendre le travail de la couleur, il faut savoir comment fonctionne cette dernière. C’est une membrane très fragile, jaunâtre et transparente, tapissant le fond de l’œil, et sur laquelle, après avoir traversé la cornée de l’œil, le cristallin et les divers milieux aqueux, se projette l’image regardée. C’est la partie sensible de l’œil. Cette sensibilité est due à deux sortes de cellules : les bâtonnets et les cônes. Les bâtonnets, comme leur nom l’indique, ont une forme allongée. Ils sont colorés en rose léger par le pourpre rétinien, qui les rend sensibles seulement à l’intensité de la lumière, et non à la couleur ; ils travaillent essentiellement lorsqu’il y a peu de lumière, au crépuscule ou pendant la nuit par exemple. On compte environ 120 millions de bâtonnets dans la rétine humaine. Les cônes sont les seules cellules sensibles à la couleur. Ils participent essentiellement à la vision diurne. Ils ont des dimensions et des formes assez variables et sont au nombre de 7 millions seulement. S’ils contiennent très peu de pourpre rétinien, ce qui les rend moins sensibles à la lumière que les bâtonnets, ils sont, par contre, sensibles aux radiations de couleur. C’est ainsi qu’à la lumière de la lune, on ne perçoit pas les couleurs, puisque seuls les bâtonnets sont excités, l’intensité de la lumière étant trop faible pour exciter les cônes. Cônes et bâtonnets constituent les récepteurs de lumière de l’œil et sont reliés au centre optique du cerveau par des neurones bipolaires et multipolaires, véritables cellules de transmissions des influx nerveux au nerf optique. Ce dernier se détache du fond de l’œil à partir d’un point appelé le point aveugle (appelé ainsi, car il n’est pas sensible aux excitations lumineuses). Comment l'œil réagit-il aux couleurs en fonction de la quantité de lumière ? Si l’on part d’une nuit profonde, et qu'il y a donc très peu de lumière, tout apparaît gris et noir, du fait de la vision scotopique par les seuls bâtonnets. Lorsque la lumière augmente, la première couleur à apparaître est le rouge, la plus grande longueur d'onde - c'est ce qui l'a fait choisir pour signaler le danger et les interdictions —, et un tiers des cônes réagit, sensibles aux longueurs d’ondes longues. La couleur qui apparaîtra en second est le vert, faisant réagir un second tiers des cônes ; les bleus ne seront perceptibles qu’en dernier, faisant réagir le troisième tiers des cônes : ainsi tout le spectre sera enfin visible. Mais, lorsqu’on inverse l’évolution de l’intensité, et que l’on rebaisse cette intensité, comme cela se produit lorsque le soleil se couche, les bleus, à niveau moyen faible, s'éclaircissent alors que les rouges s'assombrissent (c'est l'effet Purkinje, facile à vérifier sur les vitraux d'une église, entre la lumière de l’après-midi et celle du soir). Effet que l’on retrouve aussi dans les tableaux religieux d’un peintre comme Gustave Moreau. À niveau normal, l'œil distingue le spectre de 400 à 800 nanomètres, avec un premier pic de sensibilité maximale dans les bleu-vert (500 nanomètres) et un autre dans les jaune-orangé (575 nanomètres). Mais plus l’intensité de lumière augmente, plus le rouge va disparaître au profit des verts et bleus, puis des couleurs décolorées (dites délavées), le bleu pâle et le vert jaune pâle (correspondant au bleu 117 et jaune 150 dans la gamme Lee Filter). La couleur est un moyen inégalable pour jouer avec les ambiances. Elle ne se manie pourtant pas aussi facilement que l'on voudrait bien le croire, parce qu'elle possède des lois internes pour régler l’accord d'une couleur avec une autre, et des lois que j'appellerai « externes » : la manière dont une couleur-lumière réagit sur une couleur-matière. Enfin, parce qu'elle obéit aussi à des lois plus difficiles à expliciter, les lois de l'œil, physiologiques et biologiques, autant que lois découlant des rapports entre l’œil et le cerveau : lois des couleurs harmonieuses ou harmoniques. Le physiologiste, le physicien, le peintre, le poète, le photographe, chacun pourrait parler de la couleur et chacun donnera souvent l'impression de parler de choses différentes. Pour bien travailler la lumière, dans le spectacle autant que dans divers autres domaines, il faudra faire la synthèse du discours de chacun. La couleur, si fortement influente, est-elle liée à l'objet en lui-même, à la lumière qui l'éclaire, ou à l'œil qui la voit ? Dans le noir, il est évident qu'il n'y a pas de couleur. Il faut qu'il y ait lumière pour qu'il y ait couleur, puisqu'en fait, couleur, lumière et radiation ne sont, pour schématiser, que des transports différents d'énergie. Un objet n'a pas de couleur intrinsèque, le monde lui-même est sans couleur : il n’est qu’un ensemble de surfaces de réflexion dont chacune sélectionne ce qu’elle renvoie et ce qu’elle retient. Les couleurs ne seront révélées que par la lumière qui touche ces surfaces, et la sensation colorée ne naît que dans le couple oeil-cerveau de celui qui regarde. Lorsqu'une source de lumière émet des radiations, celles-ci s’organisent pour donner une couleur précise. Lorsqu'une lumière de cette couleur frappe un objet, celui-ci, en fonction de sa structure moléculaire, qui déterminera sa couleur propre, absorbe une partie de cette lumière et réfléchit le reste des radiations. Ces radiations réfléchies se composent à leur tour pour faire parvenir dans l’œil, une deuxième couleur précise, la couleur dont nous apparaît l'objet. Donnons l’exemple d’un objet rouge : il ne peut renvoyer des radiations que si ces radiations existent déjà dans la lumière qui vient l'éclairer. Si celle-ci est blanche, l'objet absorbe le reste, c’est-à-dire le bleu-vert et renvoie le rouge : il apparaît rouge. Si la lumière est rouge, l'objet rouge renvoie la totalité de la lumière qu'il a reçue, n'absorbant rien : il apparaît encore rouge. S’il reçoit une lumière violette, composée de bleu et de rouge, il absorbe le bleu et réfléchit le rouge, apparaissant encore rouge. S'il reçoit une lumière bleu-vert (complémentaire du rouge), il absorbe toute cette lumière, ne renvoyant rien puisqu’il ne reçoit pas de rouge : il apparaît donc noir. Si un objet jaune (sensible aux radiations vertes et rouges) est éclairé par une lumière violette, (bleue et rouge) il paraîtra rouge seule partie commune à lui et à la lumière qui le frappe. D'où l'expérience suivante. Sur un papier blanc, dessinez un poisson rouge et un papillon vert : sous la lumière blanche, vous voyez les deux entremêlés ; sous la lumière verte, vous voyez apparaître un poisson noir sur fond vert (le vert du papillon est renvoyé en même temps que le vert renvoyé par le fond blanc, et les deux se mêlent) ; sous la lumière rouge, le poisson devient papillon noir sur fond rouge. Cette démonstration est à la base du travail que Michèle Katz demande à la lumière colorée. La couleur des objets éclairés est donc fortement tributaire des couleurs de la lumière qui les éclaire : c'est une leçon à retenir, aussi importante que le fait que la lumière ne se voit que par les objets qu'elle frappe. Dans un air sans poussière, et sans objet, une lumière ne se voit pas, phénomène bien connu des astronautes dans l'espace : pas de ciel bleu, pas de rayonnement, ni de lumière diffuse, seulement la lumière directe, et le soleil est un rond blanc brillant sur un fond noir. Lorsque différents objets reçoivent de la lumière blanche, ceux qui renvoient toutes les radiations, quelles qu’elles soient, seront dit blancs ; ceux qui n’en renvoient aucune, sont dits noirs. Les autres, qui ne renvoient qu’une certaine partie de la lumière reçue, seront dits colorés. De même, un filtre ne colore pas la lumière, mais il retient une partie des radiations colorées qui le traversent. Si un filtre bleu profond est glissé devant un projecteur de 1000 watts, il ne produira pas 1000 watts de bleu mais ne laissera passer qu’un maximum de 200 ou 250 watts de lumière bleue, le reste étant converti en chaleur. Si maintenant nous écoutons le physiologiste, il nous dira que l’œil peut différencier entre elles plus de cent cinquante nuances colorées, mais ne distingue pas entre les trois choses suivantes : un papier blanc éclairé en violet, un papier violet éclairé en blanc et un papier violet ou blanc éclairé par mélange approprié de rouge et de bleu. L'œil est un appareil intégrateur qui intègre si bien, qu'il voit blanc une feuille de papier blanc éclairée en lumière du jour (contenant beaucoup de radiations bleues) et le même papier blanc, éclairé deux minutes plus tard en lumière artificielle par une lampe de 150 watts (contenant beaucoup de radiations jaunes). On peut donc facilement abuser l'œil. Mais comment l'œil analyse-t-il les couleurs ? Quel est son système de fonctionnement ? Lorsque le rayon lumineux forme l'image dans le fond de l'œil sur la rétine, celle-ci devrait-elle contenir en chaque endroit de sa surface autant de cellules que de possibilités de variations colorées ? Cela paraît fou ! Et pourtant, la solution n'en est pas loin : elle tient aux trois tiers de cônes. Il y a plus d'un siècle, Young, ancêtre anglais de notre physiologiste, imagina la théorie suivante, qui permet de comprendre comment la couleur fonctionne, entre autres, dans le spectacle. Les cônes se séparent donc en trois groupes : les premiers sont sensibles à la partie haute du spectre, donc aux rouges, les seconds à la partie centrale verte, les derniers à la partie basse du spectre, composée des bleus et des violets. Lorsqu'ils reçoivent une radiation rouge, seuls les premiers réagissent en transmettant une information nerveuse au cerveau qui réagit en « voyant le rouge ». S'il s'agit d'une couleur jaune, les « cônes rouges » et les « cônes verts » qui encadrent le jaune, réagiront ensemble pour que le cerveau « voie le jaune ». Ainsi, à partir de trois couleurs de base, le rouge, (106 en gamme Lee Filter) le vert, (139 en gamme Lee Filter) le bleu, (120 en gamme Lee Filter) que nous appellerons primaires de la lumière, Young imagina-t-il la théorie de la recomposition des couleurs que l'on appelle aujourd'hui synthèse additive. Le mélange de ces trois primaires, bleu, vert et rouge, donne le blanc ; le mélange des primaires deux à deux créent les secondaires : jaune, (101 en gamme Lee Filter) alliance du rouge et du vert, magenta, (entre le 113 et le 128 en gamme Lee Filter) alliance du bleu et du rouge et cyan, (entre le 116 et le 118 en gamme Lee Filter) ; alliance du bleu et du vert. Un mélange approprié de deux ou trois d'entre elles permet d'obtenir n'importe quelle couleur du spectre, plus ou moins délavée de blanc, et ce sont toutes les autres couleurs, que nous appellerons donc tertiaires. Ainsi pour que le cerveau puisse voir le jaune, les cônes « bleus » n’envoient rien au cerveau, les cônes verts et les cônes rouges envoient chacun 100%. Si le jaune devient plus orange, le pourcentage de vert faiblit et le rouge ne change pas. Si le jaune au contraire devient plus acide, se chargeant de vert, c’est le cône « rouge » qui envoie une information plus faible au cerveau, tandis que le pourcentage de vert reste inchangé. Ainsi le cerveau, par le jeu des pourcentages additionnés voit toutes les couleurs. C’est aussi en comprenant mieux ce travail des trois cônes, que l’on peut établir le nouveau cercle chromatique établi à partir des trois primaires et des trois secondaires, ce qui nous donne dans l’ordre : bleu primaire, cyan, vert, jaune, rouge et magenta. On voit que l’orange ou le violet n’y apparaissent plus, mais que chaque zone est composée d’une ou de deux primaires, alors que l’orange composé de 100% de rouge et d’un pourcentage plus faible de vert, n’a aucune raison d’y figurer. La preuve de ces affirmations nous est apportée par le spécialiste de la télévision couleurs : les trois tubes de base du récepteur familial sont filtrés par trois couleurs qui ne sont pas le jaune, le rouge et le bleu clair, mais par les trois primaires de la lumière, permettant ainsi de rendre la couleur d'un visage, d'un tronc d'arbre ou du ciel au soleil couchant. Et le vidéaste a raison quand il dit qu'il est possible de prévoir le résultat de deux couleurs. Prenons quatre projecteurs de 1000 watts, un filtré en rouge, un filtré en vert, et deux filtrés en bleu (car, par suite d’un facteur de transmission bien inférieur à celui des deux autres, le filtre bleu absorbe deux fois plus qu’eux). Lorsque ces quatre projecteurs seront réglés sur la même zone blanche d'un écran et branchés sur un jeu d'orgues, nous pourrons obtenir, en les allumant et éteignant successivement deux par deux, un bleu-vert turquoise, un jaune, un rose, puis enfin un blanc quand les trois couleurs seront en service ; avec de l'une à l'autre, toutes les variations imaginables. C’est ce que l’on appelle la synthèse additive dont les primaires sont les trois couleurs posées sur les projecteurs dans l’expérience ci-dessus. Et c’est la base du fonctionnement de la lumière dans la performance de Michèle Katz. Mais alors, direz-vous, le peintre qui depuis l'école maternelle enseigne que les mélanges de couleurs à partir du jaune, du bleu et du rouge vont progressivement vers le noir, ce peintre n'a plus raison ? Si ! Parce qu’il travaille dans un mode différent et complémentaire du premier que l’on appelle synthèse soustractive : chaque couleur, en tant que matière, retient une partie des radiations qu’elle reçoit, et mélanger en gouache deux couleurs distinctes signifie faire absorber par chacune une partie de ce que l'autre renverrait, d'où des mélanges de moins en moins lumineux pour finir au noir. A noter cependant que le bleu primaire de la lumière est un bleu foncé (presque violet) et que le bleu primaire de la peinture est un bleu clair appelé « cyan » et utilisé sous ce nom par les imprimeurs. Il en est de même pour le rouge : le rouge lumière est presque orangé ou vermillon, le rouge peinture ou imprimerie est magenta, c'est-à-dire proche d’un rose soutenu. Si l'on regarde le fameux cercle chromatique à six zones, composé des trois vraies primaires et des trois vraies secondaires, on s’aperçoit que le jaune et le bleu-violet sont opposés, c'est-à-dire que chacun retient les radiations que l'autre renvoie, donc mélanger en gouache ou en peinture, du bleu primaire c’est-à-dire le bleu-violet avec du jaune, donnera une couleur proche du noir. En lumière, chacune apportera ce qui manque à l'autre pour obtenir une lumière composée de toutes les radiations du spectre, donc le blanc. Ce sont les bases des lois a connaître pour comprendre le travail de la couleur dans la performance de Michèle Katz. Avec deux (ou plusieurs) projecteurs, nous travaillons en synthèse additive et obtiendrons une lumière de plus en plus blanche, avec des ombres colorées. Dans tous les autres cas, une lumière colorée sur une toile peinte par exemple, nous serons en synthèse soustractive obtenant un mélange de plus en plus sombre pour en arriver au noir. Dans un cas, le bleu cyan et le jaune donneront ensemble le vert, dans l'autre, ils donneraient le blanc, (ce qui est extrêmement différent, à la grande surprise de certains décorateurs). Il est intéressant enfin de remarquer que les deux synthèses sont complémentaires l’une de l’autre et que les primaires de l’une seront les secondaires de l’autre. Pour en terminer avec les éléments de base indispensables pour comprendre le travail proposé à la maison des Métallos, je voudrais insister sur deux points précis, citant d’abord les théories d'une école allemande d'entre les deux guerres : le Bauhaus. Ses membres, tous artistes, ont touché à plusieurs genres, du théâtre à l'architecture, de la musique à la peinture, en travaillant sur les rapports de la géométrie, et de la science appliquée avec l'art et la vie de tous les jours. Le cours préliminaire de Johannes Itten (1888-1967) constitue une des bases de l'enseignement artistique du Bauhaus, qui cherche à faire de l'homme, dans sa totalité, un être créateur ; l'un de ces moyens était l'enseignement de la forme et de la couleur en elle-même. L'enseignement de la couleur visait alors à dégager les lois objectives qui régissent les effets psychologiques et la réalité des couleurs : pour pouvoir échapper aux contraintes du jugement subjectif individuel, qui constitue notre première approche de la couleur, Itten essaya d'établir les bases d'une connaissance objective de la couleur à partir du cercle chromatique et des contrastes de couleurs, connaissance qu’il a expliquée dans ses livres intitulés L’art de la Couleur. (Petite ou grande versions) Le second point sera une citation tirée d’un livre dont j’ai oublié le titre, consacré aux accords de couleurs et destiné aux peintres : « Le noir et le blanc ne font pas partie du cercle chromatique. On peut seulement les appeler des « couleurs neutres ». Le noir est obscur, sombre impénétrable. Placé à côté d’une couleur pure, il la fait paraître plus lumineuse. Le blanc est clarté, limpidité, pureté extrême. A son contact, les couleurs du cercle chromatique paraissent plus sombres. » C’est bien ce que Vilar avait compris en créant à Chaillot la nuit d’Avignon avec des rideaux noirs, ou parfois, bleu foncé. Mais pourquoi les salles de certains musées nationaux, gardent-elles des murs d’un blanc immaculé qui, par conséquent, affadissent les couleurs des tableaux qui y sont exposés. (Nous y reviendrons…) |
![]() | ![]() | ... | |
![]() | «Chemin d’accès physique» lui correspond au chemin ou les données seront stockées | ![]() | «2» dans le nom de ce trail sportif désigne le bicylindre à plat (boxer). La notion de «High Performance» ou «Haute Performance»... |
![]() | ![]() | «fiscalité verte», le principe de la liberté contractuelle pour les relations donneurs d'ordres/transporteurs et les lacunes de la... | |
![]() | ![]() | ||
![]() | «essai» : nom, taille, … ? Prenez une capture d’écran de la fenêtre qui vous permet de trouver ces informations et collez-la dans... | ![]() |