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Assimilation : individus qui accordent une importance forte à l’adoption de la nouvelle culture et au maintien de bonnes relations avec la société hôte. Intégration : individus recherchant et valorisant les relations entre le groupe dominant et le groupe dominé. Ségrégation : individus ayant une forte identité et considérant qu’il est important de la maintenir. Ils ont donc peu de comportements issus de la culture dominante. Marginalisation : individus ne valorisant pas le fait d’avoir des relations avec la société hôte et avec leur groupe d’origine. Maldonado et Tansuhaj (2002) proposent une classification qui peut se confondre avec celle proposée par Berry : le changement culturel que l’on peut associer à l’assimilation, l’incorporation culturelle qui s’assimile à l’intégration, la résistance culturelle que Berry nommera la ségrégation. En revanche le dernier niveau d’acculturation diffère du concept de marginalisation de Berry en ce sens qu’il décrit la création d’une sous-culture. Berry présente cette dernière catégorie comme rejetant simultanément les deux cultures. Lorsque les cultures en contact sont très divergentes, les traits culturels empruntés sont simplement une source d’imitation mais ne sont jamais substitués aux traits d’origines (Berry, 2006 ; Kozinets, 2001). On définira donc le syncrétisme comme une nouvelle culture, fruit de la rencontre entre plusieurs cultures. Ce syncrétisme peut s’appréhender au niveau matériel : les éléments perceptibles des deux cultures ont été métamorphosés. Le syncrétisme formel fera référence aux transformations des structures de pensée des individus (Bastide, 2000). L’anthropologie dynamique peut donc donner un cadre adapté pour analyser les processus de création de la culture de la marque et caractériser les acteurs impliqués. LE DESIGN DE LA RECHERCHE Notre recherche étant positionnée dans une perspective interprétativiste, les différentes données collectées (prises de notes des observations et des rencontres physiques et en ligne, retranscriptions des entretiens, documents des communautés et des entreprises, photos, films, journal d’introspection…) sont de nature qualitative. En se fondant sur le continuum de Hirchman et Holbrook (1992), l’interprétativisme considère la réalité comme socialement construite par les individus avec des interprétations différentes. La culture n’est visible qu’au travers de ses traductions concrètes. La réalité de cette culture va être traduite par le « texte » et la symbolique (Geertz, 1973 ; Hirschman et Holbrook, 1992). La « textualisation » est donc un élément préliminaire à tout travail interprétatif (Geertz, 1973 ; Clifford, 1988). L’interprétativisme ne cherche pas à objectiver des comportements mais à garder leur subjectivité. Ainsi, on ne cherche pas à lier des causes et des conséquences, mais à saisir des schèmes interprétatifs. On ne cherche pas la réalité, mais simplement l’image que les acteurs se font de celle-ci. Par ailleurs, ces représentations sont exposées, partagées par le discours (Sperber, 1996). Pour traiter l’ensemble de ce corpus, nous avons mobilisé les méthodes d’analyse du discours et d’analyse du contenu (Bardin, 2007). Choix du cas Le choix de la marque Harley-Davidson ne s’est pas fait sans raison. Principalement, il s’agit de s’appuyer sur un cas pour lequel il existe une culture de marque reconnue (Schouten et McAlexander, 1995). Il répond ainsi aux invariants de la culture de la marque à savoir : elle est la création d’un groupe ou plusieurs groupes d’individus organisés en sociétés. Elle a une existence dans le temps : Harley-Davidson a fêté ses 105 ans en 2008. Par ailleurs, il n’existe pas une communauté Harley-Davidson, mais des centaines de communautés. Au-delà du HOG (Harley Owners Group) et des chapters locaux, que l’on pourrait nommer les communautés officielles de la marque, parce que soutenus et encadrés par la marque, il existe pléthore de groupes : motos clubs, associations ou simplement groupes d’amis, qui se réunissent autour de la marque. Chaque groupe a ses codes, ses valeurs, sa langue vernaculaire et partage un système de cognitions et de symboles de manière consciente ou inconsciente. Depuis quelques années, la Company propose de nouveaux produits pour attirer à la fois un groupe de consommateurs de plus en plus aisés, mais également des clients friands de modèles plus sportifs aux allures de moto de vitesse. De plus, une volonté affichée de séduire une clientèle féminine se concrétise d’une part par la mise sur le marché de motos plus légères et plus basses, d’autre part par une collection de plus en plus large d’articles textiles. Design de l’étude Pour répondre à la question de recherche, ce travail s’appuie sur un terrain ethnographique du monde Harley-Davidson à travers une approche multi-méthodes, seule capable d’appréhender la richesse et la complexité du sujet. Cette ethnographie multi-sites ou par triangulation permet de comprendre la formation du contenu de cette marque. Parce que notre objet d’étude est interactionnel et changeant, il convient de multiplier les sources autour d’un même cas (Sitz, 2008 ; Arnould et Wallendorf, 1994 ; Yin, 1984 ; Glaser et Strauss, 1999). Par ailleurs, différentes étapes ont été nécessaires pour pouvoir intégrer les diverses communautés (Figure 1). Ainsi, le travail a commencé par des études documentaires sur la base d’ouvrages sur la marque Harley-Davidson (Annexe 1). Deux ouvrages retraçant l’histoire de la Company de sa naissance jusqu’à nos jours ont été sélectionnés : un premier ouvrage réalisé par des auteurs allemands et dont le contenu a été corrigé et validé par l’entreprise (il porte le logo « Official Licensed Product ») ainsi qu’un ouvrage d’un auteur français pour célébrer les 100 ans de la marque. Cette approche documentaire a été complétée par l’examen de deux revues motos l’une, FreeWay, partenaire de la marque Harley-Davidson et l’autre, Wild, où toutes les marques de motos sont représentées. Le journal Hog Tales (le magazine des membres du HOG) depuis les premiers numéros jusqu’à nos jours, la News Letter, ainsi que des coupures de journaux dans la presse quotidienne, ont complété cette première phase nécessaire à la fois pour intégrer des groupes physiques et virtuels, mais également pour mettre en évidence les disparités et altérités culturelles. Une deuxième phase a consisté en une observation non participante des différents individus et groupes attachés à la marque ainsi que des salariés, dirigeants et responsables de concession, clients ou futurs clients. Cette présence régulière et assidue a permis une meilleure acceptation, malgré certaines réticences voire résistances. Ainsi, ont pu commencer les premiers entretiens informels et la possibilité d’une observation participante à travers les repas, les invitations à domicile, les essais motos, les sorties organisées autour de la marque, et les sollicitations pour trois grands rassemblements (Montalivet, Free Wheels, Les Brescoudos). Une dernière étape, celle des entretiens individuels formels auprès de membres des communautés officielles et libres, des salariés, des responsables de centre de profit ou de marque, d’un magazine a été menée sur 17 individus (Annexe 1). Le recrutement des informateurs s’est fait au fur et à mesure du traitement et de l’analyse afin de respecter l’objectif de leur représentativité qualitative. Le guide d’entretien a été modifié à chaque avancée pour rendre compte des nouvelles possibilités qu’offre chaque interview. « Alors, quand nous progressons vers le prochain cas et ceux qui le suivent, nous sommes plus sensibles à la fois à ces possibilités et encore à d’autres aspects que les cas nouveaux nous enseigneraient. » (Strauss et Corbin, 2004 : p118). Ce n’est qu’à partir de ces entretiens qu’une netnographie sur les forums dédiés à la marque a pu être réalisée, puisque les demandes d’adhésion sans parrainage, aux sites consacrés à la marque, avaient été systématiquement refusées. Elle a permis d’accéder à des informations différentes et complémentaires. L’analyse des données qualitatives a demandé plusieurs séquences. La première étape de l’analyse s’est faite par codage ouvert. L’analyse des différents contenus a mis en évidence des catégories qui se sont affinées au fur et à mesure de l’étude. Puis un codage axial permettant de mettre en relation et de trouver les interactions entre les catégories a été réalisé. Un codage sélectif a restreint les catégories pour simplifier le traitement. Finalement, le codage du processus autorise l’émergence du concept de syncrétisme culturel. ![]() Figure 1. Les étapes de l’intégration de la communauté HARLEY-DAVIDSON LES RESULTATS La culture n’est pas autoféconde mais interféconde. (Bastide, 1971) Les résultats seront présentés en trois parties. Les types de chevauchement des différentes cultures communautaires, à l’origine du syncrétisme culturel, sont d’abord expliqués. Puis, nous présenterons les facteurs qui agissent plus ou moins fortement sur la tendance culturelle. Enfin, nous montrerons que le produit « culte » reste central au processus d’acculturation.
L’étude documentaire, l’observation non participante et participante, ainsi que les entretiens formels et informels ont mis en évidence une multitude de groupes sociaux, de communautés qui se sont rassemblés autour de la marque Harley-Davidson. La première remarque est liée à la quantité de groupes que l’on peut identifier, certains étant très visibles, d’autres plus obscurs. Ces communautés ne comportent la plupart du temps qu’une vingtaine de membres. Parfois, lorsque la communauté devient trop importante, elle se divise en plusieurs sous-groupes qui cherchent non seulement une identification à travers un nom, mais également un langage vernaculaire différent, des codes, un folklore… ce qui constitue une sous-culture de groupe (Fine, 1979). L’étude documentaire révèle en France plus de 200 clubs de motos Harley-Davidson officiels. L’observation participante fait émerger à l’intérieur du seul HOG de Toulouse une quinzaine de sous-groupes. De la même façon, lors des grands rassemblements, on voit apparaître de nombreux motos clubs ou associations ou simplement des groupes d’amis qui arborent leurs couleurs distinctives. Chaque groupe revendique un message, une culture liée à la marque. Fine (1979) propose de la nommer idioculture dans le sens où elle appartient à un groupe d’individus restreint. Joël : « Donc on a créé ce groupe, qu’on a appelé Furieux, mais on a limité ce groupe à 20 personnes et principalement et que des hommes.(…). Alors comme on,… on a donné un nom au responsable de ce groupe qu’on appelle le vingturion, parce qu’y a 20 personnes. (…) y’en a d’autres qui sont arrivés… bien sûr quand ils arrivent on fait toute une intronisation, ya tout un cérémonial avant d’être Furieux, ils passent par un stade qui s’appelle le peigne-cul (rires) et … et ces gens sont intronisés lors d’une cérémonie où,… où on rigole beaucoup, on chante, parce qu’on s’est créé quelques chansons et on fait la fête. » La communauté de marque ne se cantonne donc pas aux membres du HOG (Harley Owners Group), qui ne représente qu’un groupe communautaire. Par ailleurs, être membre du HOG ne signifie pas être membre de la communauté. Une carte de membre est offerte aux nouveaux acheteurs la première année. Cette carte permet des réductions de prix à la concession, ce qui peut expliquer en partie son renouvellement. Le HOG n’est donc pas plus représentatif des communautés Harley que les associations ou motos clubs. Il est, comme les autres, attaché à la même marque légendaire. La Communauté Harley est constituée de centaines et de centaines de groupe de motards. En ce sens, il convient de parler de monde de marque ou de communauté Harley dans laquelle plusieurs communautés de marque se rassemblent et échangent. Ces observations vont également dans le sens d’un monde de marque qui reconnait l’existence d’une multitude « d’acteurs reliés entre eux par un intérêt et un attachement communs à la marque » (Sitz, 2008 : 28). En effet, l’ensemble de ces communautés est attaché à Harley-Davidson. Valérie :« la marque c’est pas une sélection, c’est tout un monde à la fois, c’est un monde, c’est comme un puzzle quoi ! y’a toutes les pièces différentes. » L’approche de ces communautés donne une double vision : d’une part elles sont toutes assises sur une même communauté de consommation : la communauté de motards, toutes attachées à la même marque Harley-Davidson, de l’autre elles se rejettent mutuellement. En effet, toutes les personnes croisées, pendant ces quelques mois d’immersion, font référence à la culture bikers. Elle n’existe plus pour certains, « les gens s’arrêtent plus au bord de la route » (Jo), d’autres au contraire persistent en affirmant que la culture motard est toujours présente « que ce soit une japonaise ou pas, on s’arrête pour voir. Un gars en panne sur le bord de la route, il reste pas dix minutes sans que quelqu’un se soit arrêté » (Valérie). Ainsi, on distingue la culture « biker » associée pour certains à la culture Harley-Davidson et celle du motard, simple utilisateur de deux roues. Certains informateurs ne font pas la différence et expliquent qu’il s’agit simplement d’un américanisme. Pour d’autres l’utilisation d’un vocabulaire particulier traduit à la fois cette diversité de culture, mais également, pour ceux qui ne connaissent pas cette différence, une preuve de la non-acculturation. Jo :« les motards c’est pas la même mentalité que les bikers.» Lors des interviews réalisées hors concentration, les informateurs ne se projettent jamais dans la même communauté Harley. Ils disent ne pas avoir de sentiment d’appartenance. Chaque groupe se sentant très différent. Ainsi, ils ne partagent pas les mêmes valeurs, les mêmes croyances, les mêmes folklores. Il s’agit donc d’une mosaïque de cultures autour de la marque Harley-Davidson. Valérie : « en fait y’en a qui ont des Harley parce qu’ils ont des sous, euh… parce que c’est du prestige, y’en a qui ont des Harley parce qu’ils en ont envie, enfin c’est différent ». Nonobstant, chaque individu interrogé a la conviction de détenir la vraie culture de la marque, les autres n’étant que des néophytes, des usurpateurs, voire des persona non grata. Valérie : « ce qui me désole, c’est qu’on puisse associer cette marque à certains groupes de voyous. Et ça pour moi, ça représente pas du tout la marque. » Patricia : « les plus aisés, ils détruisent l’image de la marque, c’est des machines à fric, ils ont de l’argent, ils l’affichent, c’est pas les vrais !!! Les mecs ils sortent « bobonne ». Elle comprend rien, elle est pas dans le trip, je ne supporte pas ! Si tu as du fric et que tu fais un chèque tu peux pas comprendre la marque, elle a un passé qu’il faut découvrir. » Cette vision d’incompréhension est généralisée. Les revues et les émissions de télévisions sont critiquées, car elles semblent incapables de donner une vision réelle de la culture de la marque. Claude : « t’as vu l’émission sur Harley ?... Non, mais ils ont rien compris. C’est superficiel et creux. Quel est l’intérêt de faire ça ? »
On pourrait penser que les réseaux de communications actuels et les nombreux rassemblements partout en France et en Europe pourraient lisser les différences culturelles, or on s’aperçoit que des phénomènes de localisme surgissent. Par ailleurs, des stéréotypes ou des préjugés dont on a relevé les incohérences, ou la fausseté continuent à être véhiculés par les différents groupes eux-mêmes et ce malgré la connaissance qu’ils ont de l’entreprise et des produits. Les stéréotypes du passé restent dans la mémoire collective. En effet, les personnes qui parlent des défaillances du produit : « lorsque tu vois une moto en panne sur le bord de la route, c’est sûr c’est une Harley » (Jeanmi) sont des consommateurs qui n’ont jamais fait les frais de ces problèmes qui ont été réglés il y a plus de 40 ans maintenant avec la production de nouveaux moteurs. De la même façon on s’aperçoit que systématiquement, quels que soient les groupes et les individus, on revient toujours aux incidents de Hollister1 qui donnent à la marque une image rebelle. Qu’elle soit considérée comme négative ou positive, elle est une référence pour le consommateur de Harley-Davidson. Cette référence est d’autant plus déplacée qu’aujourd’hui on sait combien cet incident fut monté en épingle par les journalistes de l’époque. Par ailleurs ces incidents ne furent même pas tous provoqués par des Harleytistes. De la même façon le mythe de Marlon Brando dans « L’équipée sauvage » est complètement dépassé puisque la moto du film était une des marques concurrentes de l’époque. Daniel : « mais Harley c’était déjà un peu différent. Y’a eu un film je sais plus comment il s’appelle avec Marlon Brando, « l’équipée sauvage » je crois, … et le mythe il part de là ». Parfois les consommateurs répandent de fausses croyances. Par exemple, lors de l’observation participante, on nous explique que « les 1 % : ce sont les Hell’s Angels » (Franck). Jo : « La culture Harley, c’est après guerre, c’est la culture des hippies qui a fait une mode ». Ces perceptions différentes entraînent des réactions diverses. Parfois négatives, on assiste alors au rejet de certaines communautés. Parfois sont plus sympathiques : on ne comprend pas l’autre mais on accepte sa différence, voire même on considère qu’elle fait partie de la culture de la marque. Emmanuel: « vous êtes un peu truc de mouton, je voyais pas l’intérêt, sans déconner, je voyais pas l’intérêt (rires), je voyais la moto chauffer, je me disais « mais qu’est-ce qu’on fout là à 50 à l’heure », je voyais pas trop le but là à part pour faire parader, on est regardé, non mais c’est un peu gland quoi ! » Patricia : « moi si je vois que c’est un mec du HOG au bord de la route, c’est bon je vais le laisser » Catherine « un biker il va perdre la demi-journée s’il le faut, mais il va s’arrêter » Jo : « il a acheté une moto pour lui, une pour sa femme… il a racheté une autre moto Harley pour quand les amis viennent chez lui, ils puissent rouler avec lui » Valérie : « Ils sont quand même motards, même s’ils roulent que trois mois dans l’année, parce qu’il faut avoir passé le permis quand même, c’est pas rien. » A l’intérieur des communautés elles-mêmes, des différences d’interprétation de la culture de la marque émergent (Thompson et Troester, 2002). Jo « le vrai biker pour moi c’est le côté sauvage, à la base c’est ça, après t’as le mec qui s’est acheté une moto à 30000 € avec des décalcomanies collées partout et lui c’est un mec du HOG» Joel : « le HOG c’est génial, mais tu peux pas rouler alors, moi j’ai créé mon groupe où on peut rouler… » Ces différences d’interprétations sont liées aux personnalités mais aussi à la culture de base des individus. La culture locale va teinter la culture du groupe d’une particularité. On va distinguer au sein des communautés elles-mêmes deux types d’acculturation : une acculturation matérielle et une acculturation formelle. Les changements affectifs seront perçus comme une acculturation formelle. Valérie : « Je ne fais pas encore partie du Chapter (…) parce qu’au début j’étais très réfractaire (…), je vais peut-être me laisser tenter. Je vais essayer ». Les membres du HOG ou des Hell’s Angels de par le monde vont vivre cette acculturation matérielle comme un signe d’appartenance et seront fiers de porter et d’honorer les couleurs. Joël : « Alors y’a toute une institution, c’est-à-dire que déjà vous avez le plus gros (…) ensuite vous avez la banane, (…) qui se met au dessus de l’écusson qui va être HOG France et ensuite vous avez la banane du Chapter où vous êtes et après ya pleins d’autres…, après ya des patches, les patches ça va être des écussons (…) et puis vous avez après tout ce qui est pin’s, (…) mais que vous soyez Français, Japonais, Américain, c’est la même ». Eric, Hell’s Angel, nous déconseille de nous asseoir sur une chaise où un Ange a déposé son blouson. En effet, nous ne sommes pas Hell’s et nous ne pouvons pas porter les couleurs qui figurent sur le blouson. Les Hangarounds, les prospects eux-mêmes ne pourront les porter qu’une fois qu’ils sont admis dans le cercle. Ils ne peuvent se passer de leur sensibilité locale, et de leur manière de penser ou d’appréhender le monde. Les cultures nationales ou régionales ne sont pas une simple adaptation ou conformité aux altérités de l’environnement, elles symbolisent un besoin de se différencier. Lorsque, on aborde les Hell’s Angels français pendant la concentration certains se déclarent différents, en affirmant, « nous en France, on est pas méchant ». Réduire le noyau culturel à l’intérieur de la communauté à quelques valeurs générales est vécu comme une vulgarisation et une simplification affligeante. Même s’ils se reconnaissent tous comme attachés à la marque Harley, ils ont besoin de se distinguer. Ce localisme, n’est pas juste lié à la situation géographique, la proximité ou l’éloignement social, psychologique, intellectuel sont des dimensions importantes de cette volonté de variété. Ce localisme non géographique est à l’origine de la diversité et de la multitude de groupes composant la Communauté Harley. Le localisme est une des preuves de résistance à l’acculturation formelle. Les formes sont plus facilement recopiables que les fonctions, ainsi, même si l’organisation de tous les Chapters dans le monde semble identique (la forme), la manière de penser l’organisation est différente (le fond). Bruno : « On a pas la même philosophie tu vois (…), alors j’ai quitté le chapter de XXX et maintenant j’ai rejoint celui de YYY » Daniel : « oui, mais non on peut pas travailler ensemble tu comprends on a pas la même façon de travailler, d’organiser… Madrid c’est autre chose, ils étaient sympas, mais bon organiser c’est différent ». Le localisme est donc un moyen de continuer à exister dans cette communauté pour ne pas se laisser assimiler par la culture des communautés dominantes. |