télécharger 12.91 Kb.
|
Le Monde Environnement & Sciences, jeudi 15 décembre 2011, p. 9 REPORTAGE La biodiversité trouve refuge sur les toits de Paris transformés en jardins partagés Un après-midi de décembre, dans le 20e arrondissement de Paris : sur le toit du gymnase Vignoles, c'est le jour des plantations. " Salut Ludo ! Tu as apporté les bulbes ? " Sous le ciel bleu, ils seront bientôt une dizaine à s'affairer devant 6 m² de terre, où devrait éclore au printemps prochain une somptueuse composition de muscaris, narcisses, tulipes et autres plantes vivaces. Impossible, lorsqu'on regarde le gymnase depuis la rue des Haies, de deviner que sa terrasse offre 600 m² de parcelles cultivables. Ni que celles-ci reçoivent les soins de tant de visiteurs. " Nous accueillons quatre jours par semaine des personnes en situation d'exclusion, bénéficiaires pour la plupart du RSA, à qui ce jardin donne l'occasion de renouer avec une activité collective. Le mercredi, ce sont des enfants des classes maternelles voisines qui viennent jardiner. Et le week-end, c'est une association d'habitants du quartier qui participe à son entretien ", résume Valérie Navarre, membre de l'association La Fayette Accueil qui gère ce jardin partagé d'insertion sociale. Fleurs, légumes ou aromates : ceux qui participent à l'aventure rentrent chez eux avec une partie de la récolte. Parfois, des repas sont directement organisés sur place. Un lieu où l'on cultive la solidarité, mais qui s'inscrit aussi dans un projet plus vaste, de nature écologique. Car ce " jardin de béton " fait partie des 3,7 hectares de verdure qu'hébergent les toits deParis, et dont la superficie devrait presque tripler d'ici 2020. Les toitures végétales figurent en effet parmi les actions prioritaires du plan " biodiversité " adopté, mardi 15 novembre, par le Conseil de Paris, dans le cadre de la politique menée par la mairie " en faveur du développement durable de la capitale ". L'enjeu à long terme de ce plan ? " Avant tout, changer de mode de pensée sur la ville de demain, et faire rentrer la nature dans les bâtiments, les parcelles ", détaille Fabienne Giboudeaux, adjointe (Verts) au maire de Paris en charge des espaces verts, qui rêve que tombent les barrières entre architectes, urbanistes, naturalistes, paysagistes et horticulteurs. " Tous doivent apprendre à travailler un peu plus ensemble, afin que la biodiversité soit plus présente dans la ville et qu'augmente la qualité de vie de ceux qui l'habitent ", argue-t-elle. Mais ce plan prévoit également des objectifs chiffrés ambitieux, visant à la création d'espaces qui seront dédiés prioritairement à la biodiversité. Parmi eux : 40 nouvelles mares ou milieux humides, et 7 nouveaux hectares de toitures végétalisées, dont au moins 15 nouveaux jardins en terrasses. Pour ses défenseurs, cette canopée urbaine a de multiples avantages : meilleure régulation des eaux de pluie, meilleure isolation thermique et phonique des bâtiments, meilleur équilibre paysager... Par ailleurs, elle contribue au maintien et au développement de la diversité biologique en ville : la vie sauvage retrouve des habitats, des équilibres naturels se recréent. Au printemps dernier, le gymnase de la rue des Haies a ainsi hébergé deux ruches. " Soit plus de 100 000 abeilles qui sont allées butiner à 5 km à la ronde ", précise Valérie Navarre. La principale contrainte des toitures végétalisées étant le poids du substrat de culture (sec, et plus encore détrempé), la structure doit être suffisamment forte pour y résister. La technique de toiture végétale, adaptée aux principaux supports de construction (bois, bac acier, béton) consiste à recouvrir le toit - qui peut être plat, ou d'une pente inférieure à 30° - de tapis précultivés de sédum. Ou encore de caissons emboîtables prévégétalisés et autodrainants, mais équipés d'une petite réserve en eau. Pour ne pas amplifier le problème du poids, la végétation ne sera, dans la plupart des cas, qu'herbacée ou arbustive. Elle comportera surtout des plantes vivaces, rustiques et adaptées aux températures extrêmes, afin de créer un écosystème stable avec un entretien limité. " Ces espaces verts sont importants s'ils rendent un vrai service écologique. Il faut pour cela que l'épaisseur de la terre soit suffisante pour retenir l'eau, et que la biodiversité qu'ils hébergent soit un peu plus riche que celle des toitures produites par les industriels du bâtiment ", précise Mme Giboudeaux. Pour préciser les meilleures conditions de culture et les espèces de plantes les mieux adaptées aux toits de Paris, un laboratoire expérimental a été mis en place au 103 avenue de France (13e), sur le bâtiment qui abrite la direction des espaces verts et de l'environnement : 140 m2 de terrasse sur lesquels ont été installés 126 carrés de cultures différentes. Les premiers résultats sont attendus au printemps 2012. Catherine Vincent © 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés. Numéro de document : news·20111215·LM·0Q1512_477263 |