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Tribunal administratif de Lyon, 22 mars 2007, n° 0205404, M. Jean Auroux et autres c/ ville de Roanne ***** | |
► Thème | |
- Annulation d'une délibération approuvant la signature d'une convention publique d'aménagement passée en méconnaissance du droit européen des marchés publics. - Impossibilité d'invoquer la validation rétroactive instaurée par l’article 11 de la loi nº 2005-809 du 20 juillet 2005, cet article de loi étant contraire au droit européen des marchés publics. | |
► Résumé | |
En ne faisant précéder la conclusion d’une convention litigieuse d’aucune mesure de publicité et de mise en concurrence selon les stipulations du 1 de l'article 7 de la directive 93/37 du 14 juin 1993, la délibération du conseil municipal autorisant son maire à signer une convention publique d'aménagement est annulée, car : Cette convention d’aménagement est conclue à titre onéreux dès lors que la ville concédante s’est obligée : - à verser une somme pour la cession d’un parc de stationnement public, - par une promesse de participation au financement de tous les ouvrages à réaliser, - à devenir automatiquement propriétaire des terrains et ouvrages qui n’auront pas été cédés à des tiers à l’expiration de la convention, - à assurer l’exécution des contrats en cours, et reprendre les dettes contractées avant cette date. La ville est un pouvoir adjudicateur et la société à laquelle a été confié l’aménagement est un entrepreneur, nonobstant la circonstance que la société est une société d’économie mixte d’aménagement qui n’assurera pas la conception et l’exécution avec ses ressources, mais fera appel à des sous-traitants pour ce faire. La valeur du marché public de travaux en cause incluse : - les montants sur lesquels la ville concédante s’est engagée pour environ 6 millions d’euros (cession du parc de stationnement public, et promesse de participer au financement de tous les ouvrages), - et l’ensemble des recettes que la société escompte de la vente à des tiers, soit environ 8 millions d’euros. La valeur estimée de cette convention hors taxe dépasse le montant de 6 242 028 euros fixé à compter du 1er janvier 2002 par la Commission européenne comme équivalent la somme de 5 millions de droits de tirages spéciaux prévue par les stipulations précitées du 1 de l'article 6 de la directive 93/37 du 14 juin 1993. Eu égard à la nature et à l’importance des travaux, la convention d’aménagement objet de la délibération en litige doit être regardée comme un marché public de travaux au sens des dispositions précitées de l’article 1er de la directive nº 93/37. La ville ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que la SEM est soumise pour la passation des marchés nécessaires à l’opération d’aménagement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, dès lors qu’elle n’exerce pas sur la SEM un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. Elle ne peut utilement se prévaloir de l’article 11 de la loi nº 2005-809 du 20 juillet 2005, en tant qu’il valide les conventions publiques d'aménagement signées avant le 21 juillet 2005 dont la légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, car : - il n’est pas conforme aux obligations de publicité et mise en concurrence imposées par les stipulations du 1 de l'article 7 de la directive 93/37 du 14 juin 1993, - outre, ces dispositions s’appliquent aux conventions publiques d'aménagement signées avant le 21 juillet 2005 et non aux délibérations prises lors de la procédure préalable à la conclusion de ces conventions. | |
►Décision | |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON (3ème chambre) N° 0205404 ---------- M. Jean AUROUX et autres ---------- M. Monnier, Rapporteur ---------- M. Arnould, Commissaire du gouvernement ---------- Audience du 8 mars 2007 Lecture du 22 mars 2007 ---------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA DEMANDE - Par un jugement en date du 7 avril 2005, le tribunal de céans a sursis à statuer sur la requête de M. Jean AUROUX et autres, enregistrée sous le n° 0205404 et tendant à l’annulation de la délibération du 28 octobre 2002 par laquelle le conseil municipal de Roanne a autorisé son maire à signer avec la Société d'équipement du département de la Loire (SEDL) une convention publique d'aménagement en vue de la réalisation d'un pôle de loisirs et d'un parc de stationnement, jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur les trois questions suivantes : 1. Une convention par laquelle un premier pouvoir adjudicateur confie à un second pouvoir adjudicateur la réalisation, dans un but d’intérêt général, d’une opération d’aménagement, dans le cadre de laquelle ce second pouvoir adjudicateur remet au premier des ouvrages destinés à servir à ses besoins, et à l’expiration de laquelle le premier pouvoir adjudicateur devient automatiquement propriétaire de ceux des autres terrains et ouvrages qui n’ont pas été cédés à des tiers, constitue-t-elle un marché public de travaux au sens des dispositions de l’article 1er de la directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 modifiée ? 2. En cas de réponse positive à la première question, pour l’appréciation du seuil susvisé de 5 000 000 de droits de tirage spéciaux fixé par l’article 6 de cette même directive, convient il de prendre en compte le seul prix versé en contrepartie de la cession des ouvrages remis au pouvoir adjudicateur, ou la somme de ce prix et des participations versées, même si celles-ci ne sont qu’en partie affectées à la réalisation de ces ouvrages, ou enfin la totalité du montant des travaux, les biens non cédés à l’expiration du contrat devenant automatiquement la propriété du premier pouvoir adjudicateur et celui-ci poursuivant alors l’exécution des contrats en cours et reprenant les dettes contractées par le second pouvoir adjudicateur ? 3. En cas de réponse positive aux deux premières questions, le premier pouvoir adjudicateur est-il dispensé, pour conclure une telle convention, de recourir aux procédures de passation des marchés prévues par la même directive, aux motifs que cette convention ne peut être passée qu’avec certaines personnes morales et que ces mêmes procédures seront appliquées par le second pouvoir adjudicateur pour la passation de ses marchés de travaux ? - Par un mémoire présenté par Me Petit et Me Cadoz, enregistré le 26 août 2005, la ville de Roanne s’interroge sur l’intérêt à saisir d’une question préjudicielle la Cour de justice des communautés européennes au regard des dispositions de l’article 11 de la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005. L’AUDIENCE Les parties ont été régulièrement averties de l’audience publique qui a eu lieu le 8 mars 2007. A cette audience, le tribunal assisté de Mme Thomas, greffière, a entendu : - le rapport de M. Monnier, premier conseiller, - les observations de Me Antoine, avocat des requérants et de Me Cadoz, substituant Me Petit, avocat de la commune de Roanne, - les conclusions de M. Arnould, commissaire du gouvernement. LA DÉCISION Après avoir examiné la requête, la décision attaquée, l’arrêt n° C-220/05 du 18 janvier 2007 de la Cour de justice des communautés européennes, ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties, et vu : - la directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 modifiée du Conseil des Communautés européennes, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, - le code général des collectivités territoriales, - le code des marchés publics, - le code de l'urbanisme, - la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005, - le code de justice administrative ; Considérant que, par jugement en date du 7 avril 2005, le tribunal a sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur les trois questions suivantes : 1. Une convention par laquelle un premier pouvoir adjudicateur confie à un second pouvoir adjudicateur la réalisation, dans un but d’intérêt général, d’une opération d’aménagement, dans le cadre de laquelle ce second pouvoir adjudicateur remet au premier des ouvrages destinés à servir à ses besoins, et à l’expiration de laquelle le premier pouvoir adjudicateur devient automatiquement propriétaire de ceux des autres terrains et ouvrages qui n’ont pas été cédés à des tiers, constitue-t-elle un marché public de travaux au sens des dispositions de l’article 1er de la directive 93/37/CEE du 14 juin 1993 modifiée ? 2. En cas de réponse positive à la première question, pour l’appréciation du seuil susvisé de 5 000 000 de droits de tirage spéciaux fixé par l’article 6 de cette même directive, convient il de prendre en compte le seul prix versé en contrepartie de la cession des ouvrages remis au pouvoir adjudicateur, ou la somme de ce prix et des participations versées, même si celles-ci ne sont qu’en partie affectées à la réalisation de ces ouvrages, ou enfin la totalité du montant des travaux, les biens non cédés à l’expiration du contrat devenant automatiquement la propriété du premier pouvoir adjudicateur et celui-ci poursuivant alors l’exécution des contrats en cours et reprenant les dettes contractées par le second pouvoir adjudicateur ? 3. En cas de réponse positive aux deux premières questions, le premier pouvoir adjudicateur est-il dispensé, pour conclure une telle convention, de recourir aux procédures de passation des marchés prévues par la même directive, aux motifs que cette convention ne peut être passée qu’avec certaines personnes morales et que ces mêmes procédures seront appliquées par le second pouvoir adjudicateur pour la passation de ses marchés de travaux ? Considérant que, par l’arrêt n° C-220/05 du 18 janvier 2007, la Cour de justice des communautés européennes a répondu que : 1) Une convention par laquelle un premier pouvoir adjudicateur confie à un second pouvoir adjudicateur la réalisation d’un ouvrage constitue un marché public de travaux au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997, indépendamment du fait qu’il est prévu ou non que le premier pouvoir adjudicateur soit ou devienne propriétaire de tout ou partie de cet ouvrage ; 2) Pour déterminer la valeur d’un marché aux fins de l’article 6 de la directive 93/37, telle que modifiée par la directive 97/52, il convient de prendre en compte la valeur totale du marché de travaux du point de vue d’un soumissionnaire potentiel, ce qui comprend non seulement l’ensemble des montants que le pouvoir adjudicateur aura à payer, mais aussi toutes les recettes qui proviendront de tiers ; 3) Un pouvoir adjudicateur n’est pas dispensé de recourir aux procédures de passation de marchés publics de travaux prévues par la directive 93/37, telle que modifiée par la directive 97/52, au motif que, conformément au droit national, cette convention ne peut être conclue qu’avec certaines personnes morales, qui ont elles-mêmes la qualité de pouvoir adjudicateur et qui seront tenues, à leur tour, d’appliquer lesdites procédures pour passer d’éventuels marchés subséquents ; Considérant que, par une délibération du 28 octobre 2002, le conseil municipal de la ville de Roanne a autorisé son maire à signer avec la Société d'équipement du département de la Loire (SEDL), une convention publique d'aménagement, en vue de réaliser un pôle de loisirs et un parc de stationnement ; Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 1er de la directive 93/37 du conseil susvisée : "Aux fins de la présente directive: a) les «marchés publics de travaux» sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d'une part, un entrepreneur et, d'autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l'annexe II ou d'un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur ; b) sont considérés comme «pouvoirs adjudicateurs», l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public. On entend par «organisme de droit public» tout organisme : - créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et - doté de la personnalité juridique et - dont soit l'activité est financée majoritairement par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public. (…) e) les «procédures ouvertes» sont les procédures nationales dans lesquelles tout entrepreneur intéressé peut présenter une offre ; f) les «procédures restreintes» sont les procédures nationales dans lesquelles seuls les entrepreneurs invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre ; g) les «procédures négociées» sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les entrepreneurs de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux ; (…)" ; qu'aux termes du 1 de l'article 6 de cette directive : "La présente directive s'applique : a) aux marchés publics de travaux dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) égale ou dépasse l'équivalent en écus de 5 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) (…)" ; qu'enfin, aux termes du 1 de l'article 7 de la même directive : "Pour passer leurs marchés publics de travaux, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures définies à l'article 1er points e), f) et g), adaptées à la présente directive." ; Considérant, en premier lieu, que, eu égard à la nature et à l’importance des travaux, la convention d’aménagement objet de la délibération en litige doit être regardée comme un marché public de travaux au sens des dispositions précitées de l’article 1er de la directive n° 93/37 dont la ville de Roanne est le pouvoir adjudicateur et la SEDL l’entrepreneur, nonobstant la circonstance que la SEDL est une société d’économie mixte d’aménagement qui n’assurera pas la conception et l’exécution avec ses ressources mais fera appel à des sous-traitants pour ce faire ; qu’il ressort des pièces du dossier que la convention d’aménagement a été conclue à titre onéreux dès lors que la ville de Roanne s’est obligée à verser la somme de 2 925 000 euros pour la cession du parc de stationnement public, a promis de participer au financement de tous les ouvrages à réaliser à hauteur d’un montant prévisionnel de 3 034 342 euros, a prévu de devenir automatiquement propriétaire des terrains et ouvrages qui n’auront pas été cédés à des tiers à l’expiration de la convention, assurera l’exécution des contrats en cours, et reprendra les dettes contractées avant cette date ; qu’ainsi la convention publique d’aménagement dont la signature a été autorisée par la délibération en litige doit être regardée comme un marché public de travaux au sens des stipulations précitées de l'article 1er de la directive 93/37 du 14 juin 1993 ; Considérant, en deuxième lieu, que la valeur du marché public de travaux en cause inclut non seulement les montants de 2 925 000 euros et 3 034 342 euros susmentionnés mais aussi l’ensemble des recettes que la SEDL escompte de la vente d’éléments du pôle de loisirs à des tiers, soit environ 8 millions d’euros ; qu’ainsi la valeur estimé hors taxe dépasse le montant de 6 242 028 euros fixé à compter du 1er janvier 2002 par la Commission européenne comme équivalent la somme de 5 millions de droits de tirages spéciaux prévu par les stipulations précitées du 1 de l'article 6 de la directive 93/37 du 14 juin 1993 ; Considérant, en troisième lieu, qu’il n’est pas contesté que la conclusion de la convention litigieuse n’a été précédée d’aucune mesure de publicité et de mise en concurrence ; qu’ainsi la ville de Roanne n’a pas appliqué les procédures définies par les stipulations précitées de l'article 1er points e), f) et g) de la directive 93/37 du 14 juin 1993 ; que, par suite, la ville de Roanne a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 7 de la directive 93/37 du 14 juin 1993 ; que la ville de Roanne ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que la SEDL est soumise pour la passation des marchés nécessaires à l’opération d’aménagement du pôle de loisirs urbains aux obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors que la ville de Roanne n’exerce pas sur la SEDL un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la procédure de passation de la convention publique d’aménagement en litige a méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 7 de la directive 93/37 du 14 juin 1993 ; que l’article 11 de la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005, en tant qu’il valide les conventions publiques d'aménagement signées avant le 21 juillet 2005 dont la légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, n’est pas conforme aux obligations de publicité et mise en concurrence imposées par les stipulations précitées du 1 de l'article 7 de la directive 93/37 du 14 juin 1993 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter, dans cette mesure, l'application des dispositions de l’article 11 de la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 dont se prévaut la ville de Roanne ; qu’en outre, les dispositions de l’article 11 de la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 s’appliquent aux conventions publiques d'aménagement signées avant le 21 juillet 2005 et non aux délibérations prises lors de la procédure préalable à la conclusion desdites conventions ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que, faute de mise en concurrence, le conseil municipal de la ville de Roanne ne pouvait adopter une délibération autorisant son maire à signer avec la Société d'équipement du département de la Loire une convention publique d'aménagement en vue de la réalisation d'un pôle de loisirs et d'un parc de stationnement ; qu’il suit de là que la délibération du 28 octobre 2002 doit être annulée ; |