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Sur les conclusions de la ville de Roanne au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "; Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à la condamnation des requérants, qui ne sont pas parties perdantes à l'instance, à payer à la ville de Roanne la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le tribunal décide : Article 1er : La délibération du conseil municipal de Roanne en date du 28 octobre 2002 est annulée. Article 2 : Les conclusions de la ville de Roanne tendant à la condamnation des requérants au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l’article R. 751-3 du code de justice administrative. Copie en sera transmise à la Cour de justice des communautés européennes. Délibéré à l'issue de l'audience du 8 mars 2007, où siégeaient : - M. Bézard, président, - M. Monnier et M. Besse, assesseurs. Prononcé, en audience publique, le vingt-deux mars deux mille sept. La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. | |
► Références | | 1. L'avis du jury de concours est un acte préparatoire non susceptible d'annulation. Un avis d'un jury du concours ne lie pas la décision de la personne responsable du marché. Il est donc donné à titre consultatif, et non à titre conforme. De ce fait, il constitue un acte préparatoire à la décision de la personne responsable du marché et il ne peut à ce titre être contesté par voie d'annulation. Ce jugement est conforme à la jurisprudence (CAA Marseille, 27 déc. 2001, n° 98MA01169, M. F c/ académie de Corse). Cependant, un vice de procédure commis à l'occasion des séances de jury est susceptible d’entacher la procédure d’irrégularité. Tel était le cas d'espèce, le procès-verbal du jury ayant été signé en blanc par ses membres et complété ensuite par la personne responsable du marché. Peu importe qu'il ait été ensuite transmis ou non aux membres du jury pour vérification. Mais une question reste à trancher : le contenu du procès-verbal doit-il être rédigé en séance du jury ? La réponse paraît être positive. En effet, pour prendre l'article 70-V du Code des marchés publics de 2006, il précise que « le jury dresse un procès-verbal de l'examen des prestations, dans lequel il consigne ses observations et tout autre point nécessitant des éclaircissements, et formule un avis motivé». C'est donc bien la collégialité qui est visée, « le jury », même si la rédaction matérielle peut être préparée par l'administration puis achevée en séance par un agent de la collectivité. Suivant la même logique, les décisions des commissions d'appel d'offres de l'État, en tant qu'elles sont rendues pour avis et n'emportent pas la décision du pouvoir adjudicateur, ne pourraient être annulées. On peut aussi s'intéresser au caractère préparatoire des décisions des commissions d'appel d'offres des collectivités territoriales qui portent sur le choix du titulaire du marché, et cela à deux titres. Déjà parce que le titulaire du marché peut ne pas remettre ses attestations fiscales et sociales et donc ne pas être attributaire, ensuite et surtout parce qu’en l'absence de délégation à l’exécutif local telles que désormais organisées par la réforme du Code général des collectivités territoriales, seule l'assemblée délibérante à compétence pour autoriser l’exécutif à signer le marché avec le candidat retenu, depuis la jurisprudence Commune de Montélimar (CE, 13 octobre 2004, nº 254007). 2. Les effets d'un vice touchant un acte préparatoire sur le déroulement de la procédure et le contrat. D’autres actes de procédure des marchés publics sont considérés par la jurisprudence comme préparatoires et insusceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, tels les avis d'appel public à la concurrence, car ils se bornent à manifester l'intention de la commune de passer un tel marché (CE, 10 mai 1946, Conseil régional de l'ordre des architectes de la région PACA - CE, 23 juin 1997, n° 167865, Commune d’Épinal) Par ailleurs, lorsque le juge annule une procédure d'attribution des marchés, que ce soit au titre d'un recours pour excès de pouvoir, ou d'un référé précontractuel, cette annulation n'entraîne pas automatiquement l'anéantissement du contrat, selon la théorie de l'acte détachable et au regard des conséquences manifestement excessives au regard du motif de l'annulation. Tout dépend de la nature du vice ayant entraîné l'annulation. Si le vice est mineur, le juge annule la procédure et ne prononcera pas d'injonction à administration pour résilier le contrat ou saisir le juge du contrat pour procéder à l’anéantissement de cet acte. Dans le cas présent, le juge a considéré sur la base de son instruction, donc des preuves matérielles qui ont été apportées, que l'irrégularité commise par l'administration n'a pas été de nature à avoir affecté le sens de l'avis du jury. L'irrégularité paraît donc essentiellement formelle. Par contre, le juge exige que l'administration régularise la procédure. La jurisprudence a déjà eu l'occasion de se prononcer en ce sens dans des affaires assez proches : - irrégularité formelle d'un jury n'entraînant pas l'annulation d'un acte : CE, 29 avril 2002, nº 240272, Société Apsys international et autres « en estimant que, dans les circonstances de l'espèce, l'irrégularité qui a consisté pour deux membres du jury, absents à la réunion du 31 juillet 2001, à donner procuration à des membres présents, n'avait pas eu d'incidence sur le sens de la délibération adoptée, le juge des référés a procédé à une appréciation souveraine des faits qui, en l'absence de dénaturation, ne peut être discutée devant le juge de cassation » -nécessité de régulariser a posteriori l'acte pour que le contrat soit validé : CAA de Lyon, n° 99LY00005,13 juillet 2004, M. René M. c/ Commune de Romans-sur-Isère : « Considérant en premier lieu que, lorsqu'un acte détachable d'un contrat a été annulé pour excès de pouvoir en raison d'un vice qui lui était propre, dépourvu de tout lien avec le contrat lui-même, et que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter sur les effets du contrat des conséquences manifestement excessives au regard du motif de l'annulation, la collectivité concernée peut, à titre exceptionnel, valider cet acte en lui substituant rétroactivement un nouvel acte, apuré du vice qui l'affectait ; que cette possibilité n'est pas affectée par les dispositions du code général des collectivités territoriales organisant l'obligation de transmission au représentant de l'Etat de certains actes des collectivités territoriales, et qui, pour subordonner le caractère exécutoire d'un tel acte à sa transmission, n'interdisent pas par elles-mêmes sa rétroactivité » Le jury doit donc signer un nouveau procès-verbal, et cette fois-ci pas « en blanc ». Cependant, la jurisprudence ne précise pas d'une manière générale quelle doit être la composition collégiale d'une assemblée qui doit statuer à nouveau pour régulariser une procédure. Ainsi, dans le cas d'espèce, le jury doit-il se réunir selon composition d'origine, ou la collectivité doit-elle désigner un nouveau jury compétent ? Plusieurs indices militent pour la seconde solution. Déjà dans la présente affaire, le juge vise les dispositions du dernier Code des marchés publics. Ces dispositions reprennent celles du Code de la procédure d'origine. On peut donc supposer que ce visa du nouveau code n'est pas innocent et permettrait également d’utiliser une nouvelle composition du jury conforme à ce nouveau code. Par ailleurs, le mandat des élus membres du jury étant impérativement lié à celui de l'assemblée délibérante, il est impossible de réunir un même jury, comme il serait impossible de réunir une même commission d'appel d'offres, ou une même assemblée délibérante. Ainsi en cas de changement de mandature, l'assemblée délibérante doit élire les nouveaux membres du jury, ou utiliser son éventuel jury permanent, et le président du jury doit désigner les nouveaux membres qualifiés. 3. Les effets d'un vice formel de procédure sur l'indemnisation du candidat évincé. Comme l’irrégularité de la procédure n'a pas eu de conséquences directes sur le choix du candidat, le juge a considéré fort logiquement que le candidat évincé n'avait pas eu de chance sérieuse de se voir attribuer le marché litigieux. Le choix du lauréat aurait été le même. Le juge considère fort logiquement que le candidat évincé n'avait donc été privé d'aucune chance sérieuse d'obtenir le marché et ne peut invoquer un manque à gagner indemnisable (perte de marge bénéficiaire sur le contrat espéré). Par ailleurs, lors d'une procédure irrégulière, si le candidat, bien que ne bénéficiant pas d'une chance sérieuse d'obtenir le marché (il n'était pas le mieux placé), n'était pas privé de toute chance d'obtenir le marché (sa candidature, puis son offre étaient conformes), il peut être indemnisé des frais de confection de son offre. Cependant, cette indemnisation peut difficilement être invoquée dans une procédure de concours, lorsque les candidats bénéficient déjà d'une prime censée couvrir ce défraiement. C'est d'ailleurs probablement pourquoi le candidat évincé dans l'affaire n'avait pas posé d'argumentaire en ce sens. Rappelons par ailleurs, que selon une jurisprudence désormais constante, un candidat qui obtient l'indemnisation de son manque à gagner pour perte de chance sérieuse, ne peut en plus obtenir l'indemnisation des frais de confection de son offre, présumés inclus (CE, 29 décembre 2006, nº 273783, Société BERTELE SNC, commentaire sous e-rjcp n° 1 du 15 janvier 2007- CE, 11 septembre 2006, nº 257545, Commune de Saran) Conseils pratiques pour les acheteurs publics Préparez vos procès-verbaux d'avis du jury, notamment des éventuelles annexes d'analyse peu susceptibles d'être remises en cause, faites voter en séance de jury les motifs et le contenu de son avis, avec une proposition de classement des candidats et mettez en signature ce document complété. Conseils pratiques pour les candidats aux concours Vous pouvez toujours attaquer une irrégularité d'un jury concours. Cependant, si le juge estime qu'il s'agit d'une irrégularité formelle qui n'a pas eu de réel effet sur le choix des candidats, le concours ne sera pas annulé, et vous ne bénéficierez pas d’indemnisation. Dans ce cas, évitez de perdre du temps et de l'argent dans ce type de procédure. |
Tribunal administratif d’Amiens, 8 février 2007, n° 0400587, Société L’atelier d’architecture SAS **** | | |
► Thème | | |
Effets de la signature « en blanc » d'un procès-verbal de jury par ses membres | | |
► Résumé | | |
En application de l’article 71 du Code des marchés publics, le jury de concours n'émet qu'un avis destiné à la personne responsable du marché qui dispose du pouvoir d'attribuer ledit marché au nom du maître de l’ouvrage. Par suite, cet avis et les décisions ayant contribué à son émission ne constituent que des actes préparatoires à la décision d'attribution du marché. Ils ne sont pas susceptibles de faire l'objet d’une annulation par un recours pour excès de pouvoir. La signature « en blanc » par les membres du jury du procès-verbal relatif à la séance dont l’objet et l’examen des prestations des candidats, et le complément ensuite de son contenu par la personne responsable du marché, est contraire à l’article 71 du code des marchés publics et vicie la procédure. Elle ne permet pas de garantir l’authenticité de l’avis exprimé par le jury, nonobstant la circonstance que ce procès-verbal aurait été transmis au membre du jury avec un délai suffisant pour leur permettre de rectifier les éléments qu’ils contesteraient. La procédure de passation du marché litigieux doit être regardée comme entachée d'irrégularité et la société requérante est fondée à demander l’annulation des actes produits relevant de cette procédure : la délibération de la commission permanente du conseil général autorisant la passation du marché litigieux. Cependant, eu égard au vice de procédure dont la décision de passer ce marché est entaché, alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que ce vice ait été de nature à avoir affecté le sens de l’avis du jury, l'annulation de cette décision : - n’implique pas nécessairement la résolution du marché - mais implique nécessairement que l’administration régularise la procédure suivie. Sur demande de la société requérante, le tribunal enjoint le département à rédiger, sans délai ni astreinte, un procès-verbal régulier en la forme, par application des dispositions du V de l’article 70 du code des marchés publics, reprenant les dispositions de l’article 71 du code des marchés publics dans sa version applicable à la date des faits en litige. Si la procédure de concours avait été suivie de manière régulière, il ne résulte pas que la société requérante aurait eu une chance sérieuse de se voir attribuer le marché litigieux, dès lors que l’irrégularité de la procédure relevée n’a pas eu de conséquence directe sur le choix du lauréat. Dans ces conditions, la société n’est en tout état de cause pas fondée à demander la réparation du préjudice résultant du manque à gagner qu’elle estime avoir subi du fait de l’irrégularité de la procédure de passation du marché. | | |
►Décision | | |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF D'AMIENS N°0400587 Société L’ATELIER D’ARCHITECTURE SAS M. DERLANGE, Rapporteur, M. DURAND, Commissaire du gouvernement Audience du 25 janvier 2007, Lecture du 8 février 2007 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif d'Amiens (3ème Chambre) Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2004, complétée par des mémoires enregistrés les 4 août 2004 et 18 février 2005, présentée pour la société L’ATELIER D’ARCHITECTURE SAS, dont le siège social est 8 rue Jessé à Creil (60100), par Me QUENNEHEN ; la société L’ATELIER D’ARCHITECTURE SAS demande au tribunal : 1°) d’annuler les actes pris sur le fondement de la délégation de signature du 23 mars 2001, l’avis du jury du 10 décembre 2003, les décisions de l’exécutif prises sur son fondement, les délibérations de l’assemblée délibérante autorisant la signature du marché, la signature éventuelle du marché et les actes pouvant faire obstacle au réexamen des projets par le jury et à la ré-attribution du marché ; 2°) de condamner le département de l’Oise à lui verser une indemnité d’un montant de 79.875 euros, avec les intérêts au delà d’un an ; 3°) d’ordonner au département de l’Oise d’obtenir la résiliation de la convention litigieuse dans le délai d’un mois à compter de la présente décision, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de condamner le département de l’Oise à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Vu les mémoires enregistrés les 18 juin 2004, 8 novembre 2004 et 5 avril 2005, présentés pour le département de l’Oise, par Me NATALI, avocat à la Cour ; le Département de l’Oise conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de condamner la société L’ATELIER D’ARCHITECTURE SAS à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Vu la délibération du 17 décembre 2003 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des marchés publics ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2007 : - le rapport de M. DERLANGE, rapporteur ; - les observations de Me QUENNEHEN, représentant la société L’ATELIER D’ARCHITECTURE SAS ; - et les conclusions de M. DURAND, commissaire du gouvernement ; Considérant que le conseil général de l’Oise a organisé en 2003 un concours restreint sur esquisse en vue de la passation d’un marché négocié de maîtrise d’œuvre pour la construction d’une caserne de gendarmerie dans la commune de Brenouille ; que la société L’ATELIER D’ARCHITECTURE SAS qui a participé au concours mais a vu écarter son offre conteste la procédure suivie ; |