La contribution de la Cour de cassation à la construction juridique européenne : Europe du droit, Europe des juges








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2.1.1.2. – L’accès au juge :

Si la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît aux Etats une certaine marge de manoeuvre pour réglementer le droit d’accès au juge, elle veille néanmoins à ce que ces réglementations ne l’entravent pas dans des proportions qui portent atteinte à sa substance même.

Si certaines procédures ont pu être validées au regard de ce droit d’accès au juge, d’autres pratiques ou décisions ont au contraire été condamnées, et la Cour de cassation a aussi écarté l’application de certains textes ou principes qui y portaient directement atteinte.

* La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a décidé que ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l’article 6§1 de la CEDH :

  • la procédure d’offre obligatoire d’indemnisation imposée aux assureurs, en matière d’accidents, par les articles L. 211-9 et L. 211-13 du Code des assurances (2è Civ., 9 octobre 2003, Bull. 2003, II, n° 292, p. 238, pourvoi n° 02-15.412), cette procédure étant destinée à favoriser l’indemnisation rapide des victimes sans priver celles-ci et les assureurs du droit à un procès équitable ;

  • les restrictions apportées en droit interne à l’effet interruptif de délais attaché à la demande d’aide judiciaire (2è Civ., 2 décembre 2004, Bull. 2004, II, n° 509, p.437, pourvoi n° 03-10.427) ;

  • l’impossibilité de former après la clôture des débats une demande de renvoi pour cause de récusation d’un ou plusieurs juges (2è Civ., 2 juin 2005, Bull. 2005, II, n° 145, p. 130, pourvoi n° 05-01.511) ;

  • les dispositions de l’article 961 du nouveau Code de procédure civile qui édictent une irrecevabilité temporaire des écritures d’appel d’une partie ne comportant pas les mentions requises par l’article 960 du même Code, ces renseignements étant nécessaires à la sauvegarde des droits de l’adversaire et la partie pouvant les communiquer pour régulariser la procédure (2è Civ., 14 octobre 2004, Bull. 2004, II, n° 459, p. 391, pourvoi n° 02-15.457).

* En revanche méconnaissent les dispositions de l’article 6§1 de la CEDH :

  • l’arrêt d’une cour d’appel qui, dans une procédure sans représentation obligatoire, après avoir relevé que l’appelant n’était ni présent ni représenté, constate qu’elle n’est saisie d’aucun moyen, alors que cette partie ayant formé une demande d’aide juridictionnelle, il appartenait à la cour de la transmettre au bureau d’aide juridictionnelle (2è Civ., 1er avril 2004, Bull. 2004, II, n° 145, p. 123, pourvoi n° 02-15.457) ;

  • le jugement d’un tribunal des affaires de sécurité sociale ayant rejeté l’opposition à une contrainte formée par une partie dont l’avocat avait sollicité le renvoi de l’affaire en raison d’une grève du barreau, l’empêchement de l’avocat justifié par une circonstance exceptionnelle ayant pour conséquence de priver la partie de toute possibilité de faire valoir son droit en justice (2è Civ., 2 mars 2004, Bull. 2004, II, n° 76, p. 67, pourvoi n° 02-30.755).

* Des décisions récentes importantes concernant le droit d’accès au juge ont été rendues sur l’application de la législation sur les rapatriés, écartée par la Cour de cassation au nom de ce droit d’accès et des exigences du procès équitable.

Le législateur a en effet mis en place, par différents textes intervenus depuis 1963, un dispositif de suspension des poursuites applicable aux dettes contractées par les rapatriés.

Par un arrêt du 7 avril 2006 (Bull. 2006, ass. plén., n° 3, p. 5, pourvoi n° 05-11.519), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a dit que ces dispositions, en ce qu’elles organisent sans l’intervention d’un juge une suspension automatique des poursuites d’une durée indéterminée, portent atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers, privés de tout recours alors que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives et méconnaissent ainsi les exigences de l’article 6§1 de la CEDH.

La même solution a été adoptée par deux arrêts de la deuxième chambre civile du 5 octobre 2006 (Bull. 2006, II, n° 253, p. 234, pourvoi n° 05-11.343) et du 21 décembre 2006 (pourvoi n° 04-20.020).

* Le droit d’accès au juge peut être affecté, non seulement par l’application de certains textes, mais aussi par l’effet du principe de rétroactivité des revirements de jurisprudence.

Un demandeur en justice, qui agit en se conformant, pour le délai d’exercice d’une action en justice, à l’interprétation donnée à cette date par la Cour de cassation du texte relatif à la prescription de l’action, peut-il se voir priver d’un droit processuel régulièrement mis en oeuvre par l’effet d’une interprétation nouvelle qu’il ne pouvait connaître à l’époque ?

Telle est la question que l’assemblée plénière de la Cour de cassation a eu à résoudre le 21 décembre 2006 (pourvoi n° 00-20.493), dans le prolongement des travaux que le groupe de travail présidé par le professeur Molfessis avait consacrés à la question des revirements de jurisprudence.

Dans son rapport remis au premier président de la Cour de cassation le 30 novembre 2004, le groupe de travail avait suggéré que la Cour de cassation admette la possibilité de moduler dans le temps les effets des revirements de jurisprudence, en appréciant au cas par cas les situations et les motifs impérieux d’intérêt général justifiant cette modulation.

C’est dans cet esprit que l’assemblée plénière a statué sur l’obligation de réitérer tous les trois mois des actes interruptifs de prescription pour l’action fondée sur une atteinte à la présomption d’innocence, en soulevant d’office la question de l’effet dans le temps d’un revirement de jurisprudence intervenu sur ce point au mois de juillet 2004 et en instaurant à ce sujet un débat particulier.

Justifiant sa décision au regard des dispositions de l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour a jugé qu’on ne pouvait appliquer à la victime d’une atteinte à la présomption d’innocence une obligation de réitération des actes interruptifs que la Cour de cassation n’imposait pas à la date de son action, dès lors que l’application immédiate de l’interprétation nouvelle, résultant d’un arrêt de la 2è chambre du 8 juillet 2004, aurait eu pour effet de la priver d’un procès équitable, au sens de l’article 6§1 susvisé, en lui interdisant l’accès au juge.

Comme l’a souligné le rapport du groupe de travail présidé par le professeur Molfessis, imposer aux justiciables l’application d’une règle qu’ils ignoraient et dont ils ne pouvaient anticiper la survenue au moment où ils ont agi est de nature à porter atteinte au principe de sécurité juridique et à contredire illégitimement leurs prévisions.

S’il appartient à la Cour, au vu des éléments d’information qui lui sont fournis par le débat contradictoire, d’apprécier s’il existe une disproportion manifeste entre les avantages attachés à la rétroactivité de principe du revirement et les inconvénients qu’emporte cette rétroactivité sur la situation des justiciables, la protection du droit d’action en justice pour une atteinte aux droits de la personnalité fait partie des exigences du procès équitable que la Cour doit prendre en considération.

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2.1.1.3. – L’exigence d’impartialité :

On sait que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme veille à l’impartialité des juridictions, conçue comme une condition essentielle de la confiance que les tribunaux doivent inspirer aux justiciables dans des sociétés démocratiques.

Cette impartialité, pour un juge, revêt un double aspect :

  • Elle doit être, tout d’abord, subjective et s’entend alors comme l’absence de parti pris du juge dans son for intérieur. Cette forme d’impartialité est présumée.

  • L’impartialité doit aussi être objective et conduit à se demander si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter son impartialité.

Les questions d’impartialité sont particulièrement présentes dans la jurisprudence de la Cour de cassation et se sont posées, non seulement pour les juges eux-mêmes, mais aussi pour les mesures d’instruction confiées à des experts.

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2.1.1.3.1. – L’impartialité des juges :

La requête en récusation. - L’impartialité d’un juge ou d’une juridiction est mise en cause procéduralement par une requête en récusation.

Il résulte à cet égard de la jurisprudence récente de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation :

  • qu’en elle-même, la requête en récusation n’entre pas dans le champ d’application de l’article 6§1 de la CEDH (parmi de nombreux arrêts : 2è Civ., 15 décembre 2005, Bull. 2005, II, n° 328, p. 289, pourvoi n° 04-17.166 ; 2è Civ., 26 avril 2006, Bull. 2006, II, n° 109, p. 102, pourvoi n° 01-04.196) ;

  • que les textes applicables ne s’opposent pas à ce que la requête en récusation doive être formée dès connaissance de la cause d’irrégularité, l’absence de réaction de la partie étant constitutive d’une renonciation de sa part à mettre en cause l’impartialité du magistrat (2è Civ., 8 avril 2004, Bull. 2004, II, n° 175, p. 147, pourvoi n° 01-04-196) ;

  • que le principe de la publicité des débats n’est pas applicable à la requête en récusation (2è Civ., 14 octobre 2004, Bull. 2004, II, n° 457, p. 388, pourvoi n° 02-18.708) ;

  • que le ministère public n’est pas tenu de communiquer ses conclusions au requérant (2è Civ., 15 décembre 2005 et 26 avril 2006, précités), celui-ci n’ayant pas non plus accès au rapport du conseiller-rapporteur ou à l’avis des autres parties au litige (2è Civ., 26 avril 2006, précité).

Les circonstances pouvant affecter l’impartialité des juges. - Il convient d’abord de préciser que les dispositions de l’article 341 du nouveau Code de procédure civile sur les causes de récusation n’épuisent pas nécessairement l’exigence d’impartialité requise d’un juge ou d’une juridiction, qui peut donc être mise en cause pour d’autres circonstances que celles expressément prévues par ce texte (2è civ, 27 mai 2004, Bull. 2004, II, n° 245, p. 208, pourvoi n° 02-15-726).

- L’arrêt le plus important, au point de vue de l’impartialité objective du juge et de ses conséquences sur le fonctionnement des juridictions, est probablement celui rendue en assemblée plénière le 6 novembre 1998 (Bull. 1998, ass. plén., n° 5, p. 7, pourvoi n° 94-17.709) à propos du juge des référés.

Selon cet arrêt, rendu au visa de l’article 6§1 de la CEDH, “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, cette exigence devant s’apprécier objectivement ; dès lors un juge qui a statué en référé sur une demande tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement contestable de l’obligation, ne peut ensuite statuer sur le fond du litige afférent à cet obligation”.

Cet arrêt doit être rapproché d’un autre arrêt rendu le même jour par la même formation (Bull. 1998, ass. plén., n° 4, p. 6, pourvoi n° 95-11.006) qui a décidé que “la circonstance qu’un magistrat statue sur le fond d’une affaire dans laquelle il a pris préalablement une mesure conservatoire n’implique pas une atteinte à l’exigence d’impartialité appréciée objectivement”.

La différence entre les deux situations tient au fait que le magistrat qui prend une mesure conservatoire ne porte pas le même regard et la même appréciation sur le fond que le juge des référés dans le cadre d’une instance en paiement d’une provision, celle-ci impliquant de la part du magistrat un examen, certes provisoire mais réel, du bien-fondé de la créance invoquée.

- A propos des séries d’affaires similaires jugées par la même juridiction, il a été jugé que la seule circonstance que les faits soient semblables à ceux déjà jugés entre d’autres parties n’interdit pas au juge de statuer, à défaut de démontrer l’existence d’autres éléments de nature à faire peser un doute raisonnable sur son impartialité (2è Civ., 8 juillet 2004, Bull. 2004, II, n° 36).

Dans une situation assez proche, il a été décidé que ne méconnaît pas les dispositions de l’article 6§1 de la CEDH le juge qui statue sur le recours formé contre une décision d’une commission de surendettement, même si celle-ci se fonde sur un précédent jugement rendu par le même juge, le juge ne statuant pas alors sur un recours afférent à une décision qu’il a précédemment rendue (2è Civ., 10 février 2005, Bull. 2005, II, n° 27, p. 25, pourvoi n° 02-04.102).

De même, ne méconnaît pas ce texte la participation à la formation de jugement d’un juge ayant rendu, dans la même affaire, une décision ne préjugeant pas du fond (2è Civ., 4 décembre 2003, Bull. 2004, II, n° 361, p. 298, pourvoi n° 01-16.420).

- Sur l’impartialité objective des juges, la deuxième chambre civile a également estimé que cette impartialité n’est pas méconnue :

* par le seul fait de l’appartenance d’un magistrat à un syndicat, même si ce dernier a pris des positions hostiles au parti politique représenté par le requérant (2è Civ., 24 juin 2004, Bull. 2004, II, n° 325, p. 274, pourvoi n° 02-14.509) ;

* par le seul fait qu’un plaideur et son juge aient été élèves de la même école (2è Civ., 13 juillet 2005, Bull. 2005, II, n° 199, p. 176, pourvoi n° 05-10.444).

- En revanche l’exigence d’impartialité objective est méconnue :

* par la cour d’appel qui impose aux parties une date de plaidoiries subordonnée à l’absence de requête en récusation ou suspicion légitime et à la renonciation expresse à invoquer les dispositions de l’article 6§1 de la CEDH (2è Civ., 22 mars 2006, Bull. 2006, II, n° 82, p. 78, pourvoi n° 06-01.585) ;

* lorsque le juge du recours a déjà connu de l’affaire en première instance (2è Civ., 20 novembre 2003, Bull. 2003, II, n° 346, p. 282, pourvoi n° 01-13.974) ;

* lorsque le premier président d’une cour d’appel est personnellement concerné par un litige soumis à la cour qu’il dirige (2è Civ., 24 janvier 2002, Bull. 2002, II, n° 7, p. 5, pourvoi n° 00-01.224).

- Heureusement moins présente dans la jurisprudence, l’impartialité subjective du juge est en cause lorsque celui-ci statue en des termes injurieux pour l’une des parties et en rejetant sans examen, par une pure pétition de principe, les éléments de preuve fournies par celle-ci (2è Civ., 14 septembre 2006, Bull. 2006, II, n° 222, p. 210, pourvoi n° 04-20.524).

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2.1.1.3.2. – Les mesures d’instruction exécutées par un technicien :

Il résulte de la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation :

  • que les causes de récusation du technicien sont les mêmes que celles applicables au juge, de sorte que, comme pour celui-ci, elles ne s’arrêtent pas aux causes de récusation prévues par l’article 341 du nouveau Code de procédure civile (2è Civ., 5 décembre 2002, Bull. 2002, II, n° 275, p. 218, pourvoi n° 01-00.224) ;

  • qu’aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu’un expert, désigné au pénal par le procureur de la République aux fins de déterminer les causes d’un incendie, intervienne ensuite comme expert au civil (2è Civ., 8 février 2006, Bull. 2006, II, n° 45, p. 39, pourvois n° 04-12.864 et 04-14.455) ;

  • qu’en revanche, l’existence d’un procès entre l’expert et l’une des parties constitue une cause péremptoire de récusation (2è Civ., 13 octobre 2005, Bull. 2005, II, n° 249, p. 223, pourvoi n° 04-10.384).

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