Introduction à la documentation juridique
Les sources, les banques de données
Positionnement de l’intervention
Quand on connaît la taille des traités de droit, ne serait ce que ceux consacrés à l’introduction au droit, on reste pensif sur la place de ce cours dans le cursus. De deux choses l’une, soit on s’adresse à des juristes déjà formés, soit à des personnes qui n’ont jamais ouvert un code : dans les deux cas, on court à la catastrophe. En effet, si le droit ne supporte pas l’à peu près, les techniques juridiques (et la documentation juridique en est une à part entière) sont encore plus exigeantes.
En fait, il vaut mieux procéder de manière négative. Qu’est-ce que ce cours ne va pas vous apporter ?
Ce n’est pas un cours sur le droit de l’information, il vous sera fourni plus tard dans l’année, par quelqu’un de beaucoup plus compétent, car c’est son métier et elle en est une spécialiste reconnue.
Ce n’est pas un cours sur la pratique de l’information juridique en ligne, il sera fourni par Mme Maximin dans le cadre de son cours de bases de données en ligne.
Ce ne peut pas être un cours sur la théorie de l’informatique juridique, il y a des troisièmes cycles entiers qui y sont consacrés.
On a vu dès le départ que ce ne pouvait pas être un cours de droit. Pourtant, sans trop bien le savoir, tel des Monsieurs Jourdain, vous faites du droit, vous êtes concernés, et le serez de plus en plus par le droit dans votre futur métier. Je ne souhaite certainement pas que l’on en arrive à la situation des USA où il y 1 avocat pour 250 habitants, mais je voudrais simplement vous mettre à l’esprit l’immense intérêt qu’il y a à ne pas être perdu devant un cas de droit, souvent très simple à résoudre.
Mais il faut pour cela s’astreindre à une gymnastique (à peine) intellectuelle : penser “droit”. Traduire en termes juridiques le problème que l’on vient de nous poser : ce travail ressemble beaucoup à de l’indexation. Ensuite on recherche le texte de loi applicable, en cas de litige, les précédents dans la jurisprudence, et en cas de difficulté plus grande, un ou plusieurs articles de doctrine qui feraient le tour du sujet.
Avant de les trouver, il faut donc avoir “indexer” le problème (savoir à quelle branche du droit le rattacher), puis savoir où retrouver ce que l’on cherche parmi les trois sources que je viens de nommer (loi, jurisprudence, doctrine).
Ce sont ces deux opérations (nommer juridiquement, puis trouver le document) que je voudrais vous présenter, en les survolant de très haut.
Le document juridique Avant pourtant de pouvoir nommer, il faut savoir à quelle branche du droit le sujet se rapporte. Les possibilités de rattachement sont innombrables, mais elles conditionnent la suite de la recherche.
Une stratification historique du domaine juridique : les summa divisio du droit romain et de l’Etat de droit de la philosophie des Lumières
De la séparation droit écrit / droit coutumier à la séparation internationale droit romain / Common Law Dès que les hommes ont su écrire, ils ont écrit du droit. On se demande même s’ils n’ont pas découvert l’écriture pour faire du droit. Les premières tablettes en terre cuite de Mésopotamie sont des contrats. Tout le monde a aussi entendu parlé du code d’Hammourabi (IIe millénaire), des tables de la Loi des hébreux.
C’est surtout le droit romain qui marque toujours de son empreinte le monde juridique. Il est le synonyme du droit écrit, au contraire du droit dit coutumier, issu du droit oral ou coutume, qui a donné la Common Law et le système dit anglo-saxon. L’intérêt de la distinction a toujours été plus que pratique. La France a longtemps été divisé entre les pays de droit romain, au droit unifié, écrit et arrêté en 672 (Code de Justinien) au Sud, et les pays de coutume au Nord. Il existait au moment de la Révolution Française 60 coutumes et 360 sous-coutumes au Nord de la Loire. Cette distinction était aussi linguistique (Langue d’Oc et langue d’Oil). Le Nord l’a emporté pour la langue, mais ce sont des juristes du Sud qui ont entrepris l’unification du droit français après 1790, pour aboutir en 1804 au premier des codes : le Code civil.
La summa divisio : droit privé/droit public Les 5 codes Napoléon (Civil ; Pénal ; Procédure Civile ; Instruction criminelle (devenu Procédure pénale) ; Commerce) sont les 5 codes officiels. Les autres “codes” ont longtemps été des créations éditoriales, avant qu’un mouvement de codification n’ait été entrepris à partir de 1960, réunissant environ 70 matières dans des codes, selon des principes que nous n’aurons pas le temps d’aborder.
liste des codes
Matière du code
| Code officiel
| Dalloz
| Litec
| Codes et lois
| Administratif
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| Artisanat
| R
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| Assurances
| R
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| Aviation civile
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| Baux
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| Blé (organisation de défense du marché du blé)
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| Blé (Office nationale interprofessionnel du blé)
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| Bourse et sociétés cotées
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| Caisses d'épargne
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| Civil
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| Collectivités territoriales
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| Commerce
| R
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| Communes
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| Consommation
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| Constitutionnel et parlementaire
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| Construction et habitation
| R
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| Copropriété
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| Débits de boissons
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| Déontologie des architectes
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| Déontologie des chirurgiens dentistes
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| Déontologie des médecins
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| Déontologie des pharmaciens
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| Déontologie de la Police nationale
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| Déontologie des sages-femmes
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| Déontologie des vétérinaires
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| Domaine de l'Etat
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| Domaine public fluvial et navigation intérieure
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| Douanes
| R
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| Electoral
| R
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| Enseignement technique
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| Environnement
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| Expropriation pour cause d'utilité publique
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| Famille et aide sociale
| R
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| Fonction publique
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| Forestier
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| Géomètres experts- Devoirs professionnels
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| Impôts
| R
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| Industrie cinématographique
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| Instruments monétaires et médailles
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| Juridictions financières
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| Justice militaire
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| Légion d'honneur et médaille militaire
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| Marchés d'intérêts national
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| Marchés publics
| R
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| Marine marchande (discipline et pénal)
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| Minier
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| Mutualité
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| Organisation judiciaire
| R
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| Pénal (ancien)
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| Pénal (nouveau)
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| Pensions civiles et militaires de retraite
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| Pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre
| R
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| Pensions de retraite des marins
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| Ports maritimes
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| Postes et télécommunications
| r
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| Procédure civile (ancien)
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| Procédures collectives
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| Procédures contentieuses de droit public
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| Procédures fiscales
| R
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| Nouveau code de procédure civile
| R
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| Procédure pénale
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| Propriété intellectuelle
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| Route
| R
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| Rural ancien
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| Rural nouveau
| R
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| Santé publique
| R
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| Sécurité sociale, 1ère partie
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|
| ()
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| Sécurité sociale, 2ième et 3ième parties
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|
| ()
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| Service national
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| Sociétés
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| Sport
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| Travail, 1ière partie (législative)
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| Travail, 2ième et 3ième parties
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| Travail maritime
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| Tribunaux administratif et Cours administratives d'appel
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| Urbanisme
| R
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| Vin
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| Voirie routière
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Les titres en caractères gras indiquent les matières codifiées officiellement
Les indiquent que ce sont des codes Litec oranges (commentés et annotés)
Le () signale une parution prochaine
Le fond grisé indique les créations originales des éditeurs privés Il est intéressant de comparer ces données au programme général de codification 1996-2000 paru dans la circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires (NOR: PRMX9601534C). Entre 1996 et 2000, 42 codes officiels feront l'objet du travail de la Commission Supérieure de Codification. Sur ces 42 codes, 21 seraient nouveaux, 2 feraient uniquement l'objet de compléments (codes civil et pénal) et 19 feraient l'objet d'une refonte (signalés par un R dans le tableau).
On remarquera que les 5 codes principaux ne s’occupent que de droit privé. Ce dernier se préoccupe des régler litiges des particuliers ou des entreprises de droit privé entre eux. A l’inverse, le droit public intervient dès qu’une personne publique (l’Etat ou ses représentants dans l’exercice de leur fonction) apparaît au litige.
La séparation est très importante en France ; elle n’a aucun intérêt pour le droit anglo-saxon. Pour le droit français, elle est non seulement un des principes fondateurs de l’Etat de droit (séparation des pouvoirs) mais surtout un critère indispensable de compétences juridiques.
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