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Comment on fit un bel auto-da-fé pour empêcher les tremblements de terre, et comment Candide fut fessé.Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l’université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler. On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d’avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l’un pour avoir parlé, et l’autre pour l’avoir écouté avec un air d’approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé du soleil : huit jours après ils furent tous deux revêtus d’un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées, et de diables qui n’avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique, suivi d’une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu’on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n’avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable. Candide épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant, se disait à lui-même : « Si c’est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres ? passe encore si je n’étais que fessé, je l’ai été chez les Bulgares ; mais, ô mon cher Pangloss ! le plus grand des philosophes, faut-il vous avoir vu pendre, sans que je sache pourquoi ! ô mon cher anabaptiste ! le meilleur des hommes, faut-il que vous ayez été noyé dans le port ! ô mademoiselle Cunégonde ! la perle des filles, faut-il qu’on vous ait fendu le ventre ! » Il s’en retournait, se soutenant à peine, prêché, fessé, absous, et béni, lorsqu’une vieille l’aborda, et lui dit : « Mon fils, prenez courage, suivez-moi. » VIIComment une vieille prit soin de Candide, et comment il retrouva ce qu’il aimait.Candide ne prit point courage, mais il suivit la vieille dans une masure : elle lui donna un pot de pommade pour se frotter, lui laissa à manger et à boire ; elle lui montra un petit lit assez propre ; il y avait auprès du lit un habit complet. « Mangez, buvez, dormez, lui dit-elle, et que Notre-Dame d’Atocha, monseigneur saint Antoine de Padoue, et monseigneur saint Jacques de Compostelle prennent soin de vous ! je reviendrai demain. » Candide, toujours étonné de tout ce qu’il avait vu, de tout ce qu’il avait souffert, et encore plus de la charité de la vieille, voulut lui baiser la main. « Ce n’est pas ma main qu’il faut baiser, dit la vieille ; je reviendrai demain. Frottez-vous de pommade, mangez et dormez. » Candide, malgré tant de malheurs, mangea et dormit. Le lendemain la vieille lui apporte à déjeuner, visite son dos, le frotte elle-même d’une autre pommade ; elle lui apporte ensuite à dîner ; elle revient sur le soir et apporte à souper. Le surlendemain elle fit encore les mêmes cérémonies. Qui êtes-vous ? lui disait toujours Candide ; qui vous a inspiré tant de bonté ? quelles grâces puis-je vous rendre ? La bonne femme ne répondait jamais rien. Elle revint sur le soir, et n’apporta point à souper : « Venez avec moi, dit-elle, et ne dites mot. » Elle le prend sous le bras, et marche avec lui dans la campagne environ un quart de mille : ils arrivent à une maison isolée, entourée de jardins et de canaux. La vieille frappe à une petite porte. On ouvre ; elle mène Candide, par un escalier dérobé, dans un cabinet doré, le laisse sur un canapé de brocart, referme la porte, et s’en va. Candide croyait rêver, et regardait toute sa vie comme un songe funeste, et le moment présent comme un songe agréable. La vieille reparut bientôt ; elle soutenait avec peine une femme tremblante, d’une taille majestueuse, brillante de pierreries, et couverte d’un voile. « Ôtez ce voile », dit la vieille à Candide. Le jeune homme approche ; il lève le voile d’une main timide. Quel moment ! quelle surprise ! il croit voir mademoiselle Cunégonde ; il la voyait en effet, c’était elle-même. La force lui manque, il ne peut proférer une parole, il tombe à ses pieds. Cunégonde tombe sur le canapé. La vieille les accable d’eaux spiritueuses, ils reprennent leurs sens, ils se parlent : ce sont d’abord des mots entrecoupés, des demandes et des réponses qui se croisent, des soupirs, des larmes, des cris. La vieille leur recommande de faire moins de bruit, et les laisse en liberté. « Quoi ! c’est vous, lui dit Candide, vous vivez ! je vous retrouve en Portugal ! On ne vous a donc pas violée ? on ne vous a point fendu le ventre, comme le philosophe Pangloss me l’avait assuré ? – Si fait, dit la belle Cunégonde ; mais on ne meurt pas toujours de ces deux accidents. – Mais votre père et votre mère ont-ils été tués ? – Il n’est que trop vrai, dit Cunégonde en pleurant. – Et votre frère ? – Mon frère a été tué aussi. – Et pourquoi êtes-vous en Portugal ? et comment avez-vous su que j’y étais ? et par quelle étrange aventure m’avez-vous fait conduire dans cette maison ? – Je vous dirai tout cela, répliqua la dame ; mais il faut auparavant que vous m’appreniez tout ce qui vous est arrivé depuis le baiser innocent que vous me donnâtes, et les coups de pied que vous reçûtes. » Candide lui obéit avec un profond respect ; et quoiqu’il fût interdit, quoique sa voix fût faible et tremblante, quoique l’échine lui fît encore un peu mal, il lui raconta de la manière la plus naïve tout ce qu’il avait éprouvé depuis le moment de leur séparation. Cunégonde levait les yeux au ciel : elle donna des larmes à la mort du bon anabaptiste et de Pangloss ; après quoi elle parla en ces termes à Candide, qui ne perdait pas une parole, et qui la dévorait des yeux. VIII |
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