[103]
Athlétique :
| Aspect général
| Taille de 5'10" fréquente ;
fort relief de la musculature ;
beau type physique ; fort et idéal ;
tendance à l'acromégalie, à l'eunuchoïdie, au féminisme ;
ossature solide
| Visage et crâne
| Crâne étroit et allongé, volume moyen ;
tête en forme de tour ;
parfois peau dure ;
profil peu intéressant;
courbure faible du profil, ossature grossière;
nez camus ; face allongée, parfois en pentagone ;
menton assez haut ; mâchoires normales.
|
Pycnique :
| Aspect général
| Développement des cavités :
crâne, poumons, abdomen ;
dépôt fréquent de graisse ;
membres et mains assez grêles ;
peau lisse.
| Visage et crâne
| Crâne rond, large, pas très haut, volumineux ;
peau délicate ;
dépôt graisseux ;
profil harmonieux ;
face souvent pentagonale ou en bouclier ;
visage moyennement haut et large.
| À ces trois types principaux, KRETSCHMER en ajoute un quatrième appelé DYSPLASTIQUE. Il caractérise tous les sujets (notamment les infantiles et eunuchoïdes) chez lesquels on constate des influences dysglandulaires et un manque d'harmonie.
E.A. HOOTON, anthropologue américain, reprenant la théorie de LOMBROSO (les criminels représentent une forme arriérée de l'humanité, une sorte de régression de l'espèce) s'est proposé de la réexpérimenter à l'aide des techniques modernes d'investigation. "Criminals are organically inferior. Crime is the résultant of the impact of [104] environment on low grade organism... within every race it is the biologically inferior, the organically unadaptable, the mentally and physically stunded and warped, and the sociologically debased, who are responsible for the majority of crimes committed" 97.
HOOTON a consacré une bonne partie de ses études à l'examen des traits physiques de près de 14,000 détenus. Les traits caractéristiques seraient les suivants : cou long et délicat, lèvres minces, épaules tombantes, cheveux souvent roux, yeux petits et rapprochés, mâchoires lourdes. Selon le même auteur,
- les hommes grands et minces ont tendance à voler et tuer ;
- les hommes grands et larges, à tuer et à frauder ;
- les hommes petits et minces, à voler ;
- les hommes petits et gras, à commettre des crimes sexuels.
W.H. SHELDON, à la suite de nombreuses recherches anthropométriques, aux États-Unis, en est arrivé à dégager trois types psychomatiques :
1) 1'endomorphe : mou et petit ;
2) le mésomorphe : musclé et grand ;
3) l'ectomorphe : petit, mince et osseux.
SHELDON ne considère pas que ces types forment des catégories séparées ou pures ; ils se retrouvent dans la même personnalité selon des dosages différents, avec prépondérance d'un type.
À chacun de ces types correspond un tempérament psychique que SHELDON établit comme suit :
- au premier type, correspond un tempérament viscérotonique : l'individu [105] a le corps souple, aime le luxe, est bavard et extraverti ;
- au deuxième type, correspond le tempérament somatotonique : l'individu est actif, dynamique, gesticuleux et agressif ;
- au troisième type, correspond le tempérament cérébrotonique ; l'individu est introverti, souffre de fatigue constitutionnelle, est allergique à l'insomnie, distrait et solitaire ; il craint les foules.
Selon SHELDON, le comportement déviant résulterait de l'interaction du type somatique, du tempérament psychique et de la culture ambiante. Ses recherches tendraient à prouver que les délinquants se recrutent chez les mésomorphes.
M. B. CLINARD conclut de ces diverses théories :
a) qu'on ne peut considérer comme évidente la relation entre le somatique et le psychique ;
b) que corrélation ne signifie pas relation de cause à effet ; que d'autre part la corrélation est souvent peu élevée ;
c) que le passage du physique au psychique et du psychisme au culturel n'est pas encore bien déterminé et que de plus, dans toutes ces recherches, les facteurs socio-culturels sont escamotés et l'appréciation est souvent objective ;
d) qu'en outre, dans ces mêmes recherches, on ne trouve pas de groupes-contrôles correctement établis : absents chez SHELDON, ils ne correspondent pas aux exigences d'espèce chez HOOTON ;
e) qu'enfin ces études, ayant porté surtout sur des criminels purgeant de longues sentences, ne sont pas nécessairement représentatives du groupe criminel.
[106]
INTELLIGENCE ET DÉLINQUANCE
Certaines recherches ont tenté d'établir la nature de la relation entre le degré d'intelligence, d'instruction et la criminalité. A la fin du siècle dernier, au moment de controverses orageuses sur la valeur du système d'instruction obligatoire, certaines idées assez confuses n'étaient pas de nature à rallier toutes les opinions à ce propos. Par exemple, on avait une forte tendance à assimiler le "niveau intellectuel" au "niveau d'instruction". Les uns reconnaissaient l'effet bienfaisant de l'instruction sur les bonnes mœurs, d'autres prétendaient qu'elle leur serait défavorable.
Les chercheurs s'emparèrent de ces controverses et se firent, sur le plan des Idées, les défenseurs de l'une ou l'autre thèse. QUETELET prétendait que l'analphabétisme est un facteur criminogène ; GUERRY affirmait au contraire que la scolarisation en est un. Quand à GABRIEL TARDE, il ne croyait à leur influence sur le comportement délictueux.
À cette même époque, l'on commença à s'occuper de plus près des rapports entre l'intelligence, mesurée par des tests psychologiques, et le comportement délictueux.
GODDARD, aux États-Unis, développait la théorie de la faiblesse d'esprit, ou intelligence inférieure, comme cause du crime : la personne mentalement débile est incapable d'apprécier les conséquences de sa conduite et le sens de la Loi. De nombreuses études subséquentes ont rejeté les assertions de GODDARD, à cause des faiblesses de son échantillonnage et par suite de l'impossibilité d'en admettre les conclusions.
[107]
On peut affirmer qu'il y a une grande variété de niveaux d'intelligence au sein de la population délinquante. En 1928 et 1929, SUTHERLAND, aux États-Unis, a rassemblé les résultats de tous les tests psychologiques de criminels, pour essayer de déterminer le degré de justesse des conclusions énoncées jusqu'alors. Ce travail consistait à examiner 350 études sur l'intelligence de 175,000 détenus des prisons américaines. Il a constaté la grande variété qualitative de l'intelligence des gens considérés comme malades mentaux. Pour sa part, ZELENY a étudié comparativement les procédures et techniques de différents cliniciens, auprès desquels des détenus et des gens libres s'étaient soumis à des tests. Sur une population de malades mentaux de 10,000, il a établi un taux de 1.2 pour les délinquants et de 1.0 pour les non-délinquants. D'autres recherches américaines ont abouti à la conclusion d'une absence de différence significative entre le Q.I. des nouvelles recrues de l'armée et celui de la population des prisons.
Le niveau de l'intelligence ne peut donc être considéré comme facteur criminogène et si l'on trouve la moyenne du Q.I. plus faible chez les délinquants que chez la population normale, cela tient à plusieurs causes :
a) les tests d'intelligence ne mesurent pas l'intelligence innée, mais celle acquise ;
b) les lois agissent très souvent comme facteur criminogène dans certaines catégories sociales ;
c) il arrive très souvent, dans le monde du crime, que les plus malins ne se font pas prendre.
[108]
RAPPORT ENTRE LA MALADIE MENTALE ET LA CRIMINALITÉ
Depuis la plus haute antiquité, on considérait la maladie mentale comme une maladie du cerveau, c'est-à-dire, comme une maladie d'origine organique, logée au niveau du cerveau. Au Moyen Age, dans la jurisprudence criminelle, on liait la responsabilité au développement des bases organiques de l'intelligence. Ainsi, on ne tenait pas un enfant responsable d'un acte criminel, vu son incapacité de distinguer le bien du mal. C'était également une règle de pratique courante sous Edouard 1er, au 13e siècle. Les règles des tribunaux relativement à la santé mentale se sont cristallisées dans les "attendus" de la célèbre sentence de McNaghton de 1843.
Deux principes sont alors établis.
1) L'individu doit savoir discerner le bien du mal quant à l'acte qu'on lui reproche ;
2) Les fausses appréciations d'un sujet, dues à ses illusions, doivent être reconnues comme des faits réels, lors de la détermination de la responsabilité de l'accusé.
Selon ces principes, suivant les réponses obtenues, le condamné était livré à l'institution pénale ou à l'asile d'aliénés. Les magistrats et les juges devaient donc apprécier et l'esprit et la responsabilité de l'individu en s'appuyant sur les démarches et la déposition des experts. On admit alors la présence des psychiatres au tribunal. Des cas marginaux, par exemple un comportement étrange, bizarre, provoquaient des problèmes ; ils ne présentaient pas les caractères reconnus de la maladie mentale.
[109]
La psychiatrie elle-même a progressé grâce aux difficultés, survenues à cette époque, dans l'interprétation de l'imputabilité et de la responsabilité. Les jugements demandaient plus de nuances. La psychiatrie développa des techniques et une terminologie de plus en plus spécialisée. Depuis l'époque des discussions relativement simplistes sur la folie morale jusqu'à notre temps et ces découvertes sur la psychopathie, les progrès sont immenses et les analyses de l'âme sont devenues plus complexes et plus variées.
La jurisprudence s'est acheminée vers une attitude mitoyenne quant à la reconnaissance de la responsabilité. Prudente, la psychiatrie adopta, il semble, un principe général pour guider le diagnostic des experts. Il pourrait s'exprimer ainsi : si les diverses manifestations du vice, de la dépravation et de la perversion ne sont pas liées à une irrationalité congénitale, à une maladie mentale constitutionnelle, la responsabilité reste totale.
Le perfectionnement de la psychanalyse devait éclairer d'un jour nouveau le phénomène criminel. Cette technique psychiatrique révélait l'existence d'une autre espèce de maladie mentale, dite fonctionnelle. Celle-là se distingue de la maladie mentale d'origine organique par le fait qu'elle ne s'accompagne d'aucune lésion à quelqu'organe que ce soit ; elle se situe au niveau du fonctionnement plutôt qu'à celui d'une détérioration de tissus. Cette découverte devait amener les psychanalystes en particulier et la psychiatrie en général à avancer la théorie suivante sur la nature du crime : le crime est le symbole d'un complexe réprimé. Ce complexe, enfoncé ou refoulé dans le subconscient, [110] incite l'individu a réagir d'une certaine façon devant les excitations ou stimuli venant du milieu. Dans ces conditions, le crime serait une réponse de l'homme complexé au problème qui se pose à lui. En d'autres mots, selon la théorie psychanalytique du crime, l'homme en proie à des conflits personnels cherchera inconsciemment à rétablir son équilibre intérieur menacé. Le crime ou la névrose lui servira de soupape de sûreté.
Les conflits, au niveau du subconscient, font naître des sentiments de culpabilité, et à leur suite, le désir de la punition, le besoin d'une expiation. Suivant cette théorie, la perpétration d'un acte criminel permettrait d'extérioriser ces sentiments. L'acte criminel, considéré par le psychanalyste comme un épiphénomène, un substitut à une tendance profonde de l'être, ne prendrait son sens véritable que par rapport à l'histoire totale de la personnalité.
PERSONNALITÉ ANORMALE - PERSONNALITÉ CRIMINELLE
La personnalité étant définie comme un mode de comportement de l'individu vis-à-vis du monde extérieur, l'anomalie se révèle uniquement par une conduite qui diffère de celle de l'homme moyen » Son examen comporte une description psychopathologique, une analyse psychodynamique et une participation phénoménologique. Il est indispensable, en effet, que les signes objectifs soient corroborés par l'identification intime et l'expérience vécue de l'observateur.
Le Docteur ANDERSON 98 définit la maladie mentale par un trouble de l'objectivité du moi, une perception du monde actuel qui n'est plus intégrée dans la représentation de ses expériences antérieures, [111] par le fait que le moi devient étranger à son semblable, et que ses attitudes envers le monde extérieur sont aberrantes par rapport aux réactions prévisibles d'un moi objectif. Les psychoses provoquent par conséquent, des modifications dans les états de conscience, des désintégrations de facultés ou des dislocations de processus qui deviennent synchrones. Le trait commun de toutes les psychoses est dans la modification du moi, la rupture de sa continuité.
Les personnalités anormales non aliénées gardent un moi cohérent et continu. Les pulsions laissées insatisfaites provoquent des tensions et leur frustration engendre l'angoisse. Les mécanismes aveugles qui luttent contre cette angoisse constituent l'essentiel de la névrose. Ainsi la personnalité du névrosé cache un conflit pulsionnel qui dépend à la fois de la tendance originelle de la pulsion, des facteurs extérieurs qui s'opposent à celle-ci, de la capacité de l'individu à refouler, hors de la conscience, des buts pulsionnels.
Parmi les états psychopathiques, le Docteur ANDERSON souligne surtout les anomalies de l'intelligence qui, congénitalement inférieures, n'ont pu, aux différents âges de la vie, atteindre le stade du développement ordinaire. Le caractère anormal des personnalités immatures apparaît dans leur incapacité de tenir compte du mode d'existence d'autrui et de ressentir l'identité du noyau intérieur chez tous les hommes. De telles personnes ne peuvent donc pas juger lucidement leur propre comportement. Ces personnalités présentent une plus grande vulnérabilité à la délinquance mais n'y aboutissent point nécessairement. Le délinquant qui ne se sent pas reconnu comme tel par le monde extérieur garde, vis-à-vis de celui-ci, l'intégrité de la personnalité. [112] En effet, le masque qu'il présente à autrui n'est pas celui d'un coupable.
Après une rapide définition de la personnalité criminelle temporaire, de la personnalité pseudo-criminelle, l'auteur voit dans l'anomalie du criminel vrai, l'absence de personnalité véritable. Car la durée de l'isolement, l'incapacité temporaire ou définitive de s'intégrer socialement, l'amoindrissement partiel ou total du milieu reconnu ou recherché mesurent le degré de l'anomalie du criminel.
Personnalité anormale et personnalité criminelle peuvent se combiner de trois manières différentes : la personnalité anormale commet des délits ; le criminel a une personnalité anormale ; la délinquance est une manifestation de l'anomalie de la personnalité. Il est évident que les personnalités anormales, qui peuvent se comporter en criminels habituels, ne diffèrent des criminels habituels normaux que par une interprétation psychopathologique. Ce qui les distingue principalement, selon le Docteur ANDERSON, c'est le fait que l'isolement du milieu humain, le refus de la coexistence sont perçus consciemment par les criminels d'habitude normaux alors qu'ils sont subis inconsciemment par les anormaux.
Les rapports de MM. LEVASSEUR et ZLATARIC sont basés, tous deux, sur des matériaux juridiques et tendent à dégager, dans une perspective comparatiste, les tendances des législations pénales contemporaines (ZLATARIC) tout en scrutant l'apport des sciences criminologiques à l'œuvre de codification du législateur (LEVASSEUR). On a reconnu, dès la deuxième moitié du XIXe siècle, l'irresponsabilité pénale [113] des aliénés mais le problème demeure entier pour la catégorie, si difficile à cerner, des anormaux mentaux. La seule réponse universellement admise consiste à admettre, du moins en principe, une très large individualisation de la peine et des régimes de traitement appliqués aux condamnés. L'apport de la doctrine de la défense sociale consiste surtout dans la suppression de la distinction traditionnelle entre peine et mesure de sûreté. Elle affirme que les mesures à appliquer poursuivent un but unique de réadaptation sociale et n'exclut pas, à l'égard de certains délinquants, le caractère d'une sanction. Tant qu'on maintient, en effet, la notion de la responsabilité, il demeure impossible de ne tenir compte que de la réhabilitation du condamné. Il est donc souhaitable de prévoir une procédure et un régime pénal particuliers pour les individus réputés anormaux mentaux : leur personnalité demande un examen particulièrement attentif, leur procès doit être conduit selon des règles spéciales, les mesures prises à leur égard doivent avoir un caractère à la fois pénal, disciplinaire et thérapeutique.
On conçoit les difficultés qu'ont éprouvées les législateurs pour traduire, dans les textes de la loi, des dispositions précises au sujet de cette catégorie particulière de délinquants. M. ZLATARIC distingue trois variantes de la méthode bio-psychologique permettant de déterminer les catégories d'anormaux : celui qui n'admet que l'altération de la capacité cognitive et la tradition anglo-saxonne, les règles de McNAGHTON), celle qui ne retient que l'altération de la fonction volitive (Allemagne, Hongrie, Belgique, Islande) et celle qui tient compte des deux à la fois (Mexique, Yougoslavie, URSS, France, Suisse et [114] le Code pénal modèle de l'Institut américain de droit). Toutes les législations gardent la notion de la responsabilité et rencontrent de ce fait, des obstacles difficilement surmontables lorsqu'il s'agit d'établir des catégories spéciales de condamnés. Seuls les codes groënlandais et suédois ont admis ce principe, prôné pourtant depuis un demi-siècle par les positivistes et que M. ZLATARIC appelle très justement : nulla poena sine utilitate. On renonce ici, délibérément, aux deux pierres angulaires du système pénal classique, c'est-à-dire à la responsabilité morale et au caractère rétributif et intimidant de la peine.
Le rôle du juriste est ingrat et délicat dans cette matière : il ne peut se borner à rechercher des formules juridiques satisfaisantes. Il doit faire refléter, dans les codes, la réalité et les exigences de la vie sociale organisée, en se rappelant aussi que celle-ci est basée sur un système de valeurs fondamentales. Et M. ZLATARIC de conclure : les sanctions criminelles proposées à l'égard des délinquants anormaux mentaux doivent s'inspirer d'un humanisme rationnel, et se dépouiller de la sorte de tout rigorisme excessif d'une part et de tout sentimentalisme déplacé de l'autre.
Pour M. CORNIL, l'incompatibilité irréductible que certains médecins voient entre le régime disciplinaire d'une institution pénitentiaire et les méthodes psycho-thérapeutiques est inadmissible. Selon lui, en accentuant progressivement l'individualisation des peines, en introduisant des méthodes de traitement de plus en plus variées dans le cadre pénitentiaire, on parviendra à résoudre progressivement, le problème posé par les délinquants mentalement anormaux. Il insiste en [115] particulier sur la nécessité de ne point isoler l'anormalité mentale du reste des facteurs qui déterminent la conduite criminelle.
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